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VINGT ANNEES EN EUROPE

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Academic year: 2021

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Tam metin

(1)

í ld « * . 80

— Celle de ne plus jouer à l’a­ venir. Vous lui avouerez tout en toute sincèïité et demander'x son pardon'-. Maintenant allez chez vous. J’essaierai de consoler de - main Christine.

^ voudrais rester encore u_ peu si vous le voulez b ie n ./j’ai ié /léphoné à Christine en quittant le

bureau et je lui ai dis Que je dî­ nerai dehors. Elle - même sera chez les Gotting ce soir à dîner.

Je suis venu faire mes confiden­ ce à une amie que je respecte et dont je suis sûr qu’elle me corn - prendra. Mais je n’ai pas fini en­ core. Savez vous que parfois on a

terriblement besoin de faire des confidences ? Il arrive des mo' - ments où je me sens tout seul dans mon propre pays. Les hommes, les automates de ce pays ne peuvent pas me comprendre.

J’aurais été très heureux de res­ ter en Turquie. L'année passée on m’a proposé une excellente affaire là - bas. Mais Christine ne veut pas aller dans les pays éloignés, parce

que dans ce cas elle ne pourrait pas se rendre fréquemment îW U

Sest-La voix de était emprein­ te de calme. Caressant longuement la tête de Didon qui était étendu près de son fauteuil il se mit à parler d’un ton ému, comme s’il me confiait un secret :

— Les années que j ’ai passées à Istanbul au, cours de la dernière guerrejunt in s titu é pour moi une période inoubliable de ma vie.

J’avais aimé dans votre pays. Mais à peine eus - je la conviction d’avoir trouvé la femme Qui était l'objet de mes rêves depuis ma sortie de l’école que tous mes es­ poirs s’en allèrent en fumée. Elle n’accepta pas de se rebeller con­ tre les lois qui prévalaient chez vous à l’époque. Elle ne voulut pas déserter la maison paternelle. Ce­ la ne me froissa pas. Au contraire, e ne l’en admirais que davanta­ ge. Je n’ai éprouvé envers person­ ne, pas même à l’égard de Chris­ tine, la considération que j ’aie res sentie à son endroit. Je savais Qu’ elle m’aimait Elle n’était pas de

Feuilleton de " La République ”

VINGT ANNEES EN

E U R O P E

Par REBIA TEVFIK BASOh CU

ou plutôt d’une sensibilité extrê - me, très intelligen­ te, une enfant trè délicate à qui

i il n’était pas permis de parler, ni

! même de toucher son mouchoir. lui dis - je, je ne vous 1 croyms^pas si romantique. Com - 1 ment avez - vous fait sa connais- i sance ?

i — A.Büyükada. Je me rappelle i les circonstances comme si elles dataient d’aujourd’hui. Un diman­ che d’août 1916 j ’allais à

Büyüka-maisonTÿunêVlrès jeune hanim, fi­ ne élancée, habillée de blanc. El­ le habitait Buvükada avec sa fa­ mille.

Je ne me rappelle pas avoir été, de ma vie, remué avec une force aussi soudaine. Bientôt dans le cutter, je me sentais capable de tout briser, de tout casser, de coût bouleverser dans .le monde pour cc-tte jeune

-Et comme le blanc lui allait a

Traduit du turc par MAZHAR

KUNT

ces femmes qui s amusent à flâ - ter avec le premier venu. Je pou­ vais avoir confiance en son amour et en sa parole.

Je sentis que j ’avais trouvé la femme qui me comprendrait dans la vie dès que nous fîmes connais­ sance. J’avais décidé de l’e - pouser. Vous pouvez me croire Re- bia : mon existence aurait pris une tout autre tournure si nous nous étions mariés. Avez - vous ja­ mais imaginé le bonheur que peu­ vent se donner deux personnes

dont les âmes se comprennent ? Mais elle a été plus ferme que moi. J’ai quitté ma fiancée. Elle n’a pas voulu quitter son pays. Mon amour n’avait rien de commun avec les aventures de Pierre Loti à Eyüb. Il y avait là de la souffrance, une souffrance qui dura deux années, des folies qui s’enchaînaient et des lettres, des centaines de pages en­ voyées à l’aimée, où se déversaient les plaintes du coeur. C’est tout... Il y avait enfin une femme, plus pure que les anges, inaccessible,

da avec mon cutter voir un ami, un officier da marine turc. Nous avions décidé la veille de faire une petite excursion en mer après dî­ ner.

ravir ! Il y avait longtemps que je ’ a connaissais, que je l’attendais i vec ses cheveux châtains dépas • sant son voile de mousseline blan­ che, ses yeux marrons clairs. Mon ami avait une belle maison Je la voyais alors que frais é- avec une large terrasse sur les hau- moulu de l'école navale je fixais leurs. Une belle table toute bbm- mes regards au loin, sur la mer. che y était préparée.dk>-**-<* ^ /|8kÿJe songeais toujours à elle, trois Mon hôte avait une femme n-èsTftyurs; plus tôt lorsue je posais sur gracieuse Elle avait ja côte de la Mer Noire les mines fait ses études au Collège Arnéri - que j ’avais emportées à bord de cain. Us me recevaient comme un mon torpilleur,

vieil ami toutes les fois que j ’al­

lais chez - eux. ( à suivre ) Ce jour - là, il y avait à table,

outre la soeur de la maîtï'esse de

(2)

— 81

-Cette jeune che avait

une tMfapMÊb toute blan- donné i||nominom, une ame à la femme idéale Qui vivait dans mon coeur et occupait mes pensés dès mon plus jeune âge.

Je demeurais tout pensif ce jour là en tenant la barre du cutter. Le lieutenant de vaisseaux Ahmet et sa femme me disaient :

— Pourquoi êtes-vous si dis - trait M. Ka$jf£ ? Nous ne vous a - vions jamais vu si rêveur.

Nous jetâmes l’ancre à Heybeli dans la Bafe aux Pins. J’allais chercher du champagne dans ma cabine et pendant que je me pré­ parais à servir mes convives je vis qu’elle m’aidait.

Je pus la regarder encore une fois dans les yeux en lui donnant un verre de champagne. Mais elle avait aussitôt baissé les yeux pen­ dant que ses joues devenaient, lé­ gèrement roses..

Tard en à Büyük-Ada, je les invitais/^ un dîner dans le cutter, pour le dimanche suivant.

J’aurais vraiment pleuré comme un enfant si elle avait refusé. Mais elle accepta mon invitation et me promit de vemr volontiers.

La nuit, au retour, le courant faisait lentement dériver Temhflr • cation vers Tstinyé. Allongé^furie pont je regardais comme toujours les étoiles pendant que deux lan - gués de feu tombant d’un nuage blanc me brûlaient la tête et le coeur.

* * +

Il m’était impossible de passer cette longue semaine sans la voir. J’allais chaque jour à Büyük-Ada en bateau tandis que j ’y dépêchais mon cutter dès le matin. Je par - courais à plusieurs repris la rue principale jusau’à ce que je l’eus rencontrée

Elle n’était jamais seule. Mais le bonheur de la croiser pendant une seconde, me faisait oublier toutes mes fatigues. Je sautais dans mon cutter poui reprendre le che­ min d’Istinyé aussitôt que je l ’a­ vais vue et que j ’avais la certitude qu’elle m’avait vu.

Feuilleton de “ La République ”

VINGT ANNEES EN

E U R O P E

Par REBIA TEVFIK

- - — -

---Traduit du turc par MAZHAR KUNT <

Mes camarades de 1’ « Olga » ne

savaient que penser de mes folies et me disaient : Un de ces jours tu finiras par perdre la tête.

Je n’oublierai jamais le repas pris ce dimanche à bord du cutter. Il y avait pleine lune. Après avoir mangé sur le pouce, Ahmet et sa femme allaient s’étendre au bout du pont.

La belle-soeur d’Ahmet était ac­ compagnée de son fiancé. Tout en contemplant jalousement le bon

-heur des deux fiancés, j ’ensei­ gnais à ma blanche amie qui vou­ lait tenir la barre, la façon de con­ duire le bateau.

Il y avait un vent très léger sur mer. Le cutter glissait au milieu du doux chapotis des petites va - gués formées par la proue.

Les yeux fixés sur un point in­ déterminé, nous écoutions tous deux le murmure des eaux.

Soudain elle me dit : — Quelle belle nuit !

— Vous la rappelerez-vous par­ fois? lui demandais-je.

Elle me répondit : —' Toujours.

— Bientôt, lui dis-je, j ’irai en - core poser des mines en mer Noi­ re. Je vais laisser ici mon cutter. Vous pourrez vous promener avec Ahmet'

— Non, répondit-elle, nous ne saurions accepter votre bateau sans vous.

— Et si un accident m’empêcher de revenir ?

— Non, vous reviendrez. J’en suis sûre.

— J’en suis également sûr, mais la sécurité n’existe pas en temps de guerre.

Me promettez-vous de penser quelquefois à moi si je ne reviens plus ?

— Oui, je vous le promets. Je sentis que sa voix tremblait comme la mienne en disant ces mots. Je crus devenir fou de bon­ heur. Soudain je sautais sur mes pieds, je grimpais au mât et de là, je criais :

— Ahmet, Resit, je vous em - brasse tous d’ici.

Tous applaudirent à mon acro - bâtie.

La souffrance qui me torturait depuis une semaine s’était muée en joie ; je comprenais qu’elle n’é­ tait plus indifférente à mon égard. Que n’étais-je pas capable de faire devant cet espoir, devant cet­ te promesse de bonheur ?

De ce jour, il n’existait plus pour moi de fiancé ou autre mon­ de. Il y avait déjà plus de deux an­ nées que j em’étais fiancé avec Christine. Ces fiançailles avaient eu lieu, un peu sur son propre dé­ sir.

Je fis la connaissance de Chris­ tine peu avant la guerre, au cours d’un bal donné à Hambourg en l’honneur de la visite des,, vais - seaux de guerre * * * * * * * * -^SojL beau-frère était l’amiral de l ’esca­ dre ; sa femme et sa belle - soeur l ’accompagnaient. Ils m’invitèrent lft.bwftjEtufrm ; / chez eux.

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Christine était une jeune fill simple comme un ange. J'éprou vais une grande tendresse devant la sympathie ou’elle me témoigna et nous nous fiançâmes.

J’éprouve toujours la même tendresse à l ’égard de Christine : mais elle n’a pu comprendre mon âme fougueuse. Elle n’a jamais réussi à me donner satisfaction.

Je m’abstenais de me lancer dans des aventures amoureuses ca­ pables de la rendre malheureuse. Mais j ’ai aussi mes sentiments. Il arrive parfois Que je perde ainsi la tête au jeu, dans les courses. Je ne puis supporter une vie toujours calme, monotone. Je suis un ma - tin. Je veux lutter, être actif dans la vie. C’est un besoin pour moi. Si j ’avais eu au moins des enfants, ils auraient rempli le vide de mon existence. Mais le malheur c’est que j ’en sois privé.

Çiif/4 JW»ws, lui dis - je, vous êtes ’ grand enfant condamné à tou­

jours supporter à la conséquence de vos folies.

Croyez - vous que la maheureu- se Christine ne souffre pas ? Je ne crois pas qu’elle soit aussi heu­ reuse qu’elle le laisse paraître.

— Je sais, je sais que Christine n’a jamais été heureuse. Mais je n’ai pas voulu la tromper.

La violence du feu qui avait pris naissance en moi à Büyükada fit que je pris un congé à l’automne même de cette année. J’allais Mwscàge dire à Christine que la guerre se prolongeait, que je ne saurais me marier avec elle, qu’el­ le était désormais libre. Mais

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VINGT ANNEES EN

^ . E U R O P E

Par

REBLATEVFIK_ BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

Christine ne voulut rien enten - m ■ —b---, , , . . - , --- . , .

-dre. De retour à Istanbul je rece- tater leur bonheur dans les re - une chose interdite par les lois de vais d’“lle des lettres de quinze gards qui fouillaient mon coeur, son pays. Sa famille allait la re­ çu vingt page-, dans lesquelles el Personne n’a su la comprendre au- jeter de son sein. Son pays la con- le me suppliait de ne pas l’aban - tant que moi. Nul n’a su lui témoi- sidérerait comme un traître Non, donner. f t x A ^ gner le plus d’admiration et d’a- elle ne pouvait pas faire cela.

El-— Pauvrè\^4*»»,/”vousdevez a- mour. admettait la moxt, si 1 amour voir rudement lutté pour échapper Le jour où ayant rompu mes pouvait tuer, mais elle ne pouvait à la tourmente qui vous assaillait fiançailles avec Christine je retour faire de plus grand sacrifice. Cela à cette époque lui dis - je. nais’ à Istanbul , je courus à Bü- lui était interdit.

— Tout m’était égal à cette é- yükada ; je la vis très peu, cinq Cette réponse ne brisa pas mon pooue. Toute ma existence con - minutes sous les pins. Je la priais espérance et le feu qui me bru un vergeait vers un point unique : de devenir ma femme. Mais ma couva en moi pendant des années VCTgCaH veto UU poiuv v ---- # ^—

voir toujours devant moi les deux proposition ne la satisfit point. El étoiles couleur châtain, de cons - le me dit qu’elle ne saurait faire

comme une maladie chronique. Pendant deux années jusqu’à mon

départ de la Turquie à cause de l ’armistice j ’attendis sur les rou­ tes qu’elle avait coutume de tra­ verser. Je marchais la nuit pen - dant des heures pour voir la lu - mière qui vacillait dans sa cham­ bre. J’attendis par la pluie et la naige, les yeux fixés sur sa fenê­ tre. C’était pour moi un besoin de fui écrire, de lui rendre , compte de mes souffrances, de ma dou - leur, de toutes mes pensées, mê­ me de celles se rapportant à mon service

Je ne la vis pas en quittant Is­ tanbul pendant l ’armistice. Elle me fuyait depuis quelques mois. Dans sa dernière lettre elle me priait de me marier avec ma fian­ cée et de ne plus la bombarder de *teffres.

— Et vous n'avez jamais eu de ses nouvelles depuis lors ?

— Non. Je n’ai pas essayé d’en avoir d’ailleurs. Pauvre chère pe­ tite chose ? Je suis persuadée qu' elle n’est pas heureuse non plus. Nous sommes tous les deux com­ me les cordes d’un violon détra­ qué. Nous nous efforcerons d’ac­

corder çe violon pendant toute no­ tre vie, ce qui n’empêchera tou - jours pas les sons du violon d’être discordants.

* * *

Le lendemain à mon réveil, les souvenirs de Büyükada de J**!*»®' tintaient toujours à mes oreilles. Je sentais l ’émotion de sa voix et je voyais ses yeux rougir pen - dant qu'il me racontait l’histoire de son coeur.

Quelle homme étrange que c’é­ tait ! Mais qu’était bien devenue cette femme délicate aux yeux châtains ! Est - ce que je ^ c o n ­ naissais par hasard ?__ - — S

___ fë mJtvaîTpas donné son nom. Il me racontait toujours des choses sur les familles turques dont il avait fait la connaissance à Is­ tanbul et il éprouvait du plaisir à me donner des détails sur ses rapports avec elles. Mais il nour­ rissait une sorte de respect reli­ gieux envers l'autre. Il gardait en lui. son souvenir et son nom.

(4)

— 83 —

Et Cristine ? Comment cette femme qui donnait l’impression d’être née pour le bien, allait ac- ceuillir la dernière folie de son mari ?

Elle allait sûrement, et comme toujours garder tout pour elle , sans se révolter.

Le soir même, je vis Christine devant moi, à l’heure même où son mari était venu me voir la veille. Elle avait les yeux rouges et cernés. Aussitôt que nous fû - mes dans la chambre, elle me dit:

— Rébia, je suis venue à toi parceque tu sais tout. |CMàfl4ài|m’a tout raconté hier soir. Quelle^ est ton opinion sur sa conduite? N’est il pas coupable ?

—Christine, lui dis-je, ne savais- tu pas qu’il était un peu fou lors­ que tu t’es mariée ?

— Certes, mis pas à tel point. — Ta jeunesse, ton manque d’ expérience t’ont fait commettre une erreur, comme nous Joutes d’ailleurs... Christine,

fait, certes, quelque chose de re - préhensible. mais non d’impardon­ nable. Tu pouvais d’attendre à des choses encore pires d’un homme aussi exalté. N’aurait-il pas été pire encore s’il t’avait trompé ? Tu es au moins sûre de son amour.

— Oui, j ’en suis sûre. fûtiULjL est pas du reste un homme que^ des aventures banales peuvent tenter. Mais dire à ma famille qu’ il joue c’est en quelque sorte le rendre suspeçt à ses yeux. Nous autres Norofct&etfjavons des idées tout à fait différentes sur la vie . Nous ne pouvons pas comprendre ces choses compliquées. p i w n ^ s e livrait à ses folies depuis long - temps mais je patientais.Cette fois c'est le comble

— Gfafap? ChristineVirlte faut lui pardonner, car il affirme ne plus jouer dorénavant. Il s’agit de le sauver cette fois. Je vais te don­ ner tout ce que j ’ai. Vois, iJ

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pourra régler les dettes qui ne peu­ vent attendre. Quant au reste, tu

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Par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

---une vie que la mentalité de pays juge coupable.

mon

pourras te les faire envoyer déî Ta famille me connaît bien. Ecris que tu veux m’avancer une certaine^ somme. De cette ina- nière,fdbWUBVJie sera plus suspecté.

La pauv* Christine sauta à mon cou, les yeux pleins de lar - mes:

—- Rébia chérie, s’exclama-t-el­ le, lu es non seulement une amie oui nous sauve , mais un maître qui m’appren.d la vie. Mais com­ ment fairai-je pour ce qui est d’a­

cheter une maison ?

— Le temps y pourvoira. Sois un peu plus patiente Christine. Ne te fais pas de mal pour cela.

— Ca va pour cette fois Rébia, mais sache bien que s’il continue à faire des folies, je me séparerai

de •

— Mais Christine, est-ce que tu crois que la vie est si facile? Je te croyas plus solide que ça

— Je ne suis certes pas mièvre, mais je ne peux pas m’associer à

Pendant que je me réjouissais de voir Christine etCAÜli&îtdéli - vrés de leur pein^ il me 1fallut bientôt faire face à de nouveaux ennuis.

Un matin, m’étant réveillée j ’ entendis des bruits venir du côté où habitait ma propriétaire. On frappa à la porte avec hâte et la servante Anna entra: ,

— Madame, dit-elle, la proprié­ taire s’est suicidée. Son cadavre gît dans la baignoire.

Cette propriétaire était une jeu­ ne femme malheureuse. Son mari ne gagnant pas assez d’argent pour subvenir à ses besoins, ses parents insistaient pour qu’elle 1’ abandonnât. Cet être faible et im­ puissant n’avait pu supporter les duretés de l ’existence.

Je lui jetais un coup d’oeil de la porte de la salle de bain. Sa tête pâlie pendait sur le rebord de la baignoire, tandis que ses cheveux bruns mouillés, étaient collés à

ses tempes. Je ne voulus pas la re­ garder plus longtemps. Pourquoi n’avais-je pas frayé avec elle? Oh, si j ’avais connu son mal ! Il n’au­ rait pas été difficile d’arrêter cet­ te femme incapable et timide sur la pente de la mort, car elle lais - sait deux enfants.

Quinze jours s’étaient à peine écoulés sur cet événement tragi • que que les héritiers me demandé- lent d’évacuer la maison. Je ne savais que faire. Ce problème du logement se posait de temps a au­ tre devant moi comme une mala­ die chronique.

C’est sur ces entrefaites que T'Viedlaender, l'un des chapeliers les plus célèbres de Berlin, s’a - dressa à moi pour me proposer de mettre à ma disposition un étage de son immeuble à condition que

je lui fournirais des modèles. Cet­

te idée me convenait; j'acquies - çai aussitôt. Je ne serais pas au moins dans l’obligation d’arrêter mes travaux jusqu’à, ce que je trouve à me loger.

( à suive )

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Je transférais mon atelier au magasin Friedlaender sis dans la Budapesterstrasse, tandis que moi- même j ’allais de nouveau loger chez Mme Kuhne. Le matin j ’al­ lais à l’atelier avec Didon, et le

soir je .rentrais clhez jDnoi. ’|rtais libre de souci pour un temps.

Mme Friendrlaender était une vieillie chapelière célèbre A Ber­ lin. Mais il devenait difficile de gérer un magasin avec des idées pareilles. La maison avait beau­ coup de dettes. Elle cherchait un moyen de la remettre à flot.

Je m’installais à l'étage supé - rieur du magasin avec mes dix ouvriers. D’un côté je faisais exé­ cuter des modèles que j ’envoyais en bas. Il n'était pas difficile de vendre mes robes au prix fort . Mais le rayon chapeaux ne réali­ sait que peu de ventes.

Comme c’était une chapelière très connue, il venait beaucoup de clients et de nombreux artistes de théâtre en renom. Un jour une de de ces artistes acheta trois de

mes modèles ; elle parla en outre au directeur des modèles de chez Friedlander. Finalement les robes et toilettes de toutes les artistes de la pièce furent recommandées chez Mme Sadi.

La vieille Friedlander était fol­ le de joie Elle m’appelait “ mon ange ” , Les commandes des théâ­ tres affluèrent désormais. Les jour nalistes s’adressaient à moi pour avoir des détails sur les robes. Je trouvais ainsi l’occasion de faire la connaissance de ces Messieurs.

Ma présence devenait nécessai­ re aux répétitions générales des pièces. Une fois, la couleur des ro­ bes choisie par les artistes ne con­ venant pas au jeu des lumières, il nous avait fallu faire 15 robes en l ’espace de trois jours.

J’étais très contente de la mar­ che des affaires. Si elles allaient de ce train, je pourrais dans une année louer un appartement à moi seule et le meublé. Mais il me fallait en premier lieu faire une visite à Istanbul car la nostalgie me brûlait. J'allais apporter tant

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Par REBIA TEVFIK BASOKCU

!

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

de choses d’Istanbul à mon nou­

vel appartement !

Lorsque je me rendis à Paris au printemps de l’année, nous par - lions toujours avec Leylâ de la joie de revoir Istanbul. Leylâ de­ vait terminer cet été - là ses étu­ des en Sorbonne et son oncle lui avait fait cadeau d’un billet de re­ tour pour Istanbul. D’Istanbul, el­ le devait rentrer à Berlin où nous aurions travaillé ensemble. Notré bonheur ne connaissait pas de bor

nés. Nous allions être a marades en tout.

* * *

De retour de Paris, les affaires marchèrent très bien à Berlin. L’ argent coulait à flots et nos clients ne faisaient qu’augmenter.

Finalement je louais un grand appartement de 8 chambres avec trois grands salon à Budapester Strasse en face des grands arbres du Tiergarten. Le loyer de l’appar­ tement dépassait fOOO par

mois. Il était difficile de le payer tous les mois mais il fallait témoi­ gner de quelque chose de bon pour avoir du succès à Berlin.

Après avoir apporté les trans - formations nécessaires à la nou - velle maison et fait tapisser les murs de papier couleur beige, je laissais Didon en pension chez une de mes ouvrières en qui j ’avais une grande confiance, et je partais pour Istanbul un jour de juillet. Six années s’étaient écoulées depuis mon départ. La vie, les lois, l ’a­ venir de mon pays, tout avait chan gé en l ’espace de ces six années qui t ca- s’étaient écoulées comme dans un

rêve.

Je débarquais à la gare de Sir- keci le front haut l’âme pleine de bonheur sous le soleil Kemaliste qui luisait en Turquie, alors que six années plus tôt j ’avais quitté ce pays écrasé sous la honte d’une

période de corruption. J’étais de*, venue une femme toute neuve, con forme au nouveau régime.

Le deux mois qui s’écoulèrent à Istanbul, à Rumelihisar furent rem

plis de souvenirs inoubliables. Les membres âgés de notre vieille fa­ mille, nos gens croyaient voir en moi une héroïne et ne pouvaient s’empêcher de s’étonner. “ Elle ga­ gne de l’argent en Europe ” di - saient - ils Ils ne pouvaient le con­ cevoir facilement ! Mais une fois cela admis, il leur était aisé de voir en moi une millionnaire.

Tous avaient une foule de de­ mandes à faire. La vieille “ da - da ” de ma mère me demandait de lui envoyer de l’argent pour faire réparer sa maison. Celle de Refet me priait de lui envoyer 50 livres pour faire installer l’électricité chez elle.

ii'TTtnTir,hMr7~’'v,i iim.' 1 r i i ' Tr d *

je descendais chaque jour en vil­ le à des heures déterminées. J’a - chetais une foule de merveilleux tapis persans et turcs. Il fallait que ma nouvelle maison fut jolie et je désirais que mon salon privé fut à l’orientale. Je trouvais aussi un mangal après des recherches qui me prirent des jours entiers.

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— 85 —

J'achetais tout ce que je trou - vais beau. Je rencontrais souvent au Bazar. Leylâ qui était rentré à Istanbul. Leylâ m’encourageait tou jOUlS :

— Ma chérie disait - elle , ta nouvelle maison doit - être très belle. Nous . allons représenter là- bas les femmes de la Nouvelle -Turquie Kémaliste. Ce n’est pas peu diré.

Lorsque nous étions libres, nous allions nous amuser dans les plus beaux sites du Bosphore et des I- les, avec nos parents et amis.

Pour la première fois je voyais ma mère contente de moi. Elle ne savait comment me gâter. Nous donnions souvent des banquets aux Bend et à Goksu. Surtout le diner qu’elle organisa la veille de mon départ d’Istanbul fut magnifique, Elle avait engagé un petit groupe de l’orchestre oriental du Gaze On s’était rendu en vedette avec les vieux amis intimes à Sütlüce, sur la côte anatolienne du Bos

-phore où on ¿était amusés «om-

nic*dao fowoi •!<< * tv - L

L’oncle de Leylâ “ M ” pasa et sa belle - soeur assistaient à ce pique - nique. Ce vieux général plein d’expérience s’était plu dans la société de ma mère et l’intimité qui existait entre Leylâ et moi com mença aussi entre eux.

Cette année 1927 fut la plus heureuse de ma vie de travail- Mais je n’étais pas la seule à être heureuse et gaie à Istanbul. Cette année Istanbul débordait de joie

Pour la première fois depuis la fin de la guerre de l’indépendance le Gazi, le grand Libérateur ve - nait passer l’été à Istanbul. Toute une nation avait donné son coeur, son amour, sa foi au Gazi. On e- xulter de le voir à Istanbul.

Pour être dans le vrai, le dé - part d’Istanbul me fut - il fort a- mer. L ’idée de fonder une nou - velle maison ou celle de “ repré - senter la femme Kémaliste en Eu­ rope ” comme le disait Leylâ ne m’enchantait guère. Mais que fai­

re, le travail m’attendait.

Feu l ÿ ton de “ La République ” ____ _

iŸÏNGT ANNEES EN

E U R O P E

Par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUMT

De retour à Berlin je pleurais

pendant des jours comme une en­ fant. Les KaRtjjn’emmenaient sou vent sur les bords du Wansee ..: soi - disant pour me donner l’illu­ sion de contempler le Bosphore !

*

tics?-Ayant réglé mes affaires à Ber­ lin en l’espace de quelques jours je partis aussitôt pour Paris en

vue de ramener les modèles d’au­

tomne. Il n’y avait personne à Pa­ ris en cette saison. Le Dr. Fikri é­

tait rentré à Istanbul depuis un an. Nermin était, à Nice. Quant à RosiC Vansoft^ff' elle avait trou­ vé la vie trop chère à Paris et é- tait partie pour la Yougoslavie. Il ne restait qu’Annie Tarnopol qu? demeurait là depuis deux années avec sa mère et ses frères. Je n’a­ vais pas de temps à perdre en cet­ te ville. Il me fallait acheter en même temps que les nouveaux mo dèles un tas de petites choses pour la maison. Ce n’est guère facile de

meubler une maison de huit cham bres !

De retour à Berlin, je niétais pas en état de m’occuper d’au - tre chose que de la mise en train de ma nouvelle installation et de la préparation des modèles. Il fal­ lait que la maison de couture Sadi inaugurât brillament la saison a- vant le début de l ’hiver.

La nuit je travaillais jusqu’à une ou deux heures afin de préparer les nouveaux modèles pour don - ner le lendemain de l’ouvrage aux ouvrières. Dans la journée je m’ occupais d’installer les meubles que j ’avais commandés avant mon dé­ part pour Paris. Les lumières con­ tribuaient beaucoup à embellir les salons. Il fallait les placer de fa­ çon avantageuse.

Je n’aime pas les maisons meu­ blées et arrangées par des décora­ teurs. Je veux trouver dans ma demeure les particularités propres à ma personnalité. Aussi, le soin des moindres détails prenait une grande partie de mon temps.

En outre, mes anciennes

clien-tes me harcelaient du matin au soir en me téléphonant pour avoif de nouvelles robes. Elle ne voulaient pas patienter jusqu’à l’ouverture de la nouvelle maison.

Les deux chambres donnant sur la cour avaient été tronsformées en ateliers. Il y avait trente ou - vrières. En outre j ’avais engagé un comptable et une vendeuse rus se à Paris.

Leylâ devait venir à Berlin vers la fin de Novembre. Jusque là il me fallait travailler seule. Enfin i’avais engagé trois jolies filles Tta'ulii'i pmu'i 1 liggrHra» wcrtT muuUA

Je craignais beaucoup de ¡voir les tapis et autres achetés à Is tanbul ne pas arriver à Berlin pour le jour de l’ouverture. Les meubles ont beau être superbes il n’y a pas de grandeur dans une maison si les tapis manquent.

Enfin tout fut prêt au bout de deux mois de peines infinies et d’ émotion. Les nouvelles collections de la maison devaient être exhi - bées dans une semaine.

( à suive )

n

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86

C’est à cette époque que le grand bal annuel turc devait être donné à la Marmorsal. Je ne vou­ lus pas laisser échapper l’occa - sioh. Je désirais renouer les rela­ tions avec Madame l’ambassadrice* Il était temps de lui montrer que je ne m’occupais pas de coudre de petites robes 1 •

Au bal, l ’ambassadrice m’aper­ çut pendant que je me dirigeais vers le côté de la salle où elle se trouvait avec l’ambassadrice. Je la 'sal'uiaüs. L'ambassadrice ¡- qui ne m’avait pas vue depuis long - temps me dit avec quelque éton - riement :

— On ne vous voit plus. Est - ce que vous seriez toujours aussi fiè- re que par le passé ?

— Encore plus fière madame ré­ pondis - je. '¿¿jâH'Lm* * -' •

— Tiens et pouquoi etihr ? — Parce que, madame, je ne pas se plus mon temps à coudre de petits effets. Dans quelques jours, je vais procéder à l’inauguration

de ma nouvelle maison. Si vous voulez bien me faire l ’honneur de venir voir mes nouveaux modèles

vous me comblerez.

— Certes, mais avec plaisir. Vo­ tre adresse s’il vous plaît ?

— Budapester Strasse 34.

— Oh, oh, mais les loyers re - présentent une fortune dans ce quartier.

.— Sans doute madame, c’est bien cher, mais jlespère pouvoir m’en acquitter.

— Je vous félicite pour votre courage.

*

t- *

Je voulu que pendant les trois premiers jours de l’inauguration on servit du thé à tous les visi - teurs. J’engageais la fameuse mai­ son de pâtisserie “ Mirika ” pour faire le service pendant ce temps.

J’étais triste de voir que Leylâ ne pouvait venir à Berlin en ces jours où j ’étais si heureuse. “ M ” pacha, l’oncle de la malheureuse venait de mourir après une cour­ te maladie. Elle ne voulait pas quitter sa tante pendant deux mois

Feuilleton de “ La République ”

E U R O P E

Par REBIA TEVFIK BASOh CU

Traduit du turc par MAZHAft KUNT

après ce triste evenement.

Plus de cent modèles avaient été préparé. Ils étaient présentés au public par six jeunes fille a. pann*

¿esqueUcs il" y avait ■ uwusi “TWJ.,’

ginrrif>r.OE /9ff

Le salon du milieu était deve­ nu très beau avec ses rideaux de filés brodés de pierres coloriées, ses tapis de Perse précieux, son grand mangal de cuivre au milieu, ses chandeliers, sa bibliothèque ses fauteuils en plumes, son large di­

van et ses coussins qui mariaient fort heureusement les styles orien tal et occidental.

Je plaçais les journalistes au mi­ lieu.

Les visiteurs admiraient le sa - Ion du milieu encore plus que les robes.

— Vous pourriez tout aussi bien recevoir ici le Kaiser, me disaient- ils.

A trois heures exactement, ma­ dame l’ambassadrice vint, elle

é-tait habillée d’une fourrure noire, robes de Paris. Toutes les autres Elle fut étonnée devant la foule ont été confectionnées ici.

qui emplissait les trois salons, car — Vous êtes vraiment digne de elle n’avait jamais cru qu’une cou- félicitations, et vous avez réussi,

turière turque cousant quelques — Je vous remercie infiniment; petites robes pourrait ouvrir une je travaille pour réussir,

maison pareille ^ 4 ^ Mais, c’est que il faut beau-Je reçus l ’ambassadrice clans le roup d’argent pour monter une salon beige. Je me sentais très lé­

gère et pleine d'entrain malgré la fatigue terrible de ces dernières se maines. J’allais et venais parmi les invités.

L’ambassadrice ayant regardé les modèles pendant quelque temps m’appela près d’elle :

— Je vous prierai de me don - ner quelques renseignements dit - elle. Est - ce que ces tapis, ces meu blés sont à vous ?

— Oui, dis - je, tout m’appar - tient. J’ai apporté les tapis d’Is­ tanbul où je me trouvais cet été. Quant” aux meubles ils ont été a- chetés ici.

— Et les modèles ? Vous ven - dez peut - être ici les confections que vous achetez à Paris ?

— Non madame. J’ai apporté 15

maison pareille. Auriez - vous ga­ gné le gros lot ?

— Ñon madame, je n’ai pas ga­ gné de gros lot. J’ai payé les trois ouarts de ce, que vous voyez ici de mes deniers. Quant au reste, il m’a été avancé par la femme d’ un grand industriel qui a confien- ce en moi. Je m’acquitterai de ma dette en lui faisant des robes. C’ est cette dame entre deux âges qui est là - bas, en face de nous.

L ’ambassadric ne pouvait s'em­ pêcher d’être toujours surprise. El le demanda encore :

— Voilà qui est drôle. On vous fait tellement confiance ?

— La conf ance est la principa­ le chose que j ’ai gagné ici.

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— 87 —

L’ambassadrice attendit jusqu’à ce que tout le monde fut parti, puis elle me dit :

— Je viendrai dans quelques jours vous demander les robes que j ’ai notées. Mais est - ce que vous avez de l’étoffe de tous ces me - dèles ?

-7- Oui madame. Et, lorsque nous sommes à court, nous téléphonons à Paris ; on nous envoie le tout au bout de quelques heu "es par avion.

— Votre succès dans une ville telle que Berlin me surprend. Je vais en parler ce soir à l’ambassa­ deur.

— Je vous remercie beaucoup de votre bienveillance madame.

— Et maitenant, voulez - vous me montrer tous les coins ? Le sa­ lon du milieu est très beau. Quel est le décorateur à qui vous vous êtes adressée ?

— Aucun décorateur n’est en - tré dans cetite maison. J?ad fout choisi, tout arrangé.

— Je vois que vos connaissan - ces ne se limitent pas au domai­ ne de la mode.

—- Je suis portée envers tout ce qui est beau madame.

L’ambassadrice examina tous les coins du salon central ; elle me demanda même de qui étaient les peintures. L’étagère sur laquelle j'avais placé le portrait d’Atatürk lui plut beaucoup. Elle s’en alla a- près m’avoir comblé de bienveil - lance et m’avoir dit qu’elle était jalouse de mon mangal.

Le soir, quoique très fatiguée j ’ éprouvais un réconfort extraordi­ naire. J’étais désormais une fem­ me consciente de son devoir en - vers la société et non plus un être inutile.

Cette foule dont Didon n’avait pas l’habitude avait dérangé mon pauvre chien. Il avait coutume de se coucher dans la journée sur la tapis de Perse étendu entre les deux-salons, de l’air majestueux d'un lion. Mais la promenade con­ tinuelle des mannequins l’avait dé rangé.

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VINGT ANNEES EN

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Par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit

du turc

par MAZHÂfi

KUNT

— Tu m’en veux n’est - ce pas'.’ Viens mon petit, viens, il n’y a rien qui puisse te remplacer «mm jmnmIp pour moi.

* * *

Le lendemain mon comptable M. Brikholz vint à l’atelier avec des journaux qu’il me tendit :

— Madame me dit - il, jetez un coup d ’oeil sur oesi journaux. Il y a de très bonnes choses. On a même reproduit le croquis de cer­ taines robes. On trouve que les A peine seuls, nous nous regar­

dâmes. Il semblait me demandêr si tout ce bruit avait définitive - ment pris

fin-__ Oh mon pauvre Didon, on t’ 'a dérangé aujourd’hui ! Viens m on

beau, vTens que j ’em b ra sse cette belle tête. Et maintenant donne - moi la patte.

— Eh, Didon, tu ne m’entends donc pas ? Donne - moi la patte.

toilettesîsont Tes plus réussies. Les journalistes admirent en autre 1 aménagement de ^’appartement. Je vous le disais chaque jour d’ ailleurs.

— Espérons que nous aurons de bons résultats La collection a plu hier à tout le monde et on a passé

une foule de commandes.

— Certes, on voit que vos client#» vous aiment beaucoup. On avait envoyé tellement de fleurs qu'on se serait vraiment cru à un ma­ riage.

— Mr. Brikholz lui dis - je, la plupart de ceux qui sont venus hier ici sont des dames» qui me connais­ sent depuis des années. Elles m’ ont connu à toutes les échelles de la vie. C’est sans doute la raison pour laquelle elles n’ont trouvé rien de mieux à faire que m'aimer. C’est qu’en effet ces dames qui na­ guère trouvaient que je leur pre­ nait trop d’argent pour la façon trouvent que ce n'est pas trop de payer quatre ou cinq cents marks

pour une robe.

— Croyez - vous que cela pro­ vient simplement de ce que vos robes leur plaisent ?

— Non, elles sont persuadées que je ne mens jamais pour vendre üne robe et que je ne leur recom­ manderai jamais une robe qui ns répondrait pas à leur intérêts. Je les tiens par la confiance. D’ail - leurs elles ne me croient pas seu­ lement lorsqu'il s’agit de robes ; elles me consultent en tout. Elles me confient même parfois des secrets que je ne voudrais pas con­ naître. Il y a des moments où je me compare à un confesseur.

— Vous êtes réellement très pa­ tiente. Il n'est guère agréable d’ entendre se plaindre les autres.

— Mais, cela vous apprend tant des choses ! On n’apprend la vie au’en apprenant à connaître les gens. D'après moi, les hommes qui ne veulent connaître personne, sauf eux - mêmes, ne diffèrent guère d’un aveugle ou d’tm sourd.

( à suivre ))

(9)

Feuilleton de “ La République

VINGT ANNEES EN

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Par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUMT

88

C’est encore grâce à cette mé - thode que vous pouvez juger de la différence entre les autres et vous. Les idées élevées de votre inter- lecuteur éveillent chez vous de la considération à son égard. Il en est de même des vôtres : elle font le même effet sur autrui.

— Certes, vous ayez raison, mais nous autres allemands nous avons la conviction que chacun doit s’oc cuper de ses propres affaires sans perdre de temps avec les autres. Ou alors, ils nous font gagner quel que chose pour chaque minute que nous perdons avec les autres.

— Je ne trouve pas cela bon. Agir d’une façon aussi calculée fait des hommes des êtres égoistes et antipathiques.

— Ah, nous le savons du reste. C’est ce qui iait peut-être qu’il n’y a pas d’amour entre nous.

* * *

Le deuxième jour, ce fait l’am­ bassadrice de France Mme de Margerie qui vint la première. Mme de Margerie était malade de­

puis longtemps, ce qui ne l’avait pas empêché d’être* curieuse de voir ce que pourrait bien être une maison de mode ouverte par une Turque Malheureusement dette pauvre dame mourut avant de voir achevée les robes qu’elle nous avait commandées.

Le deuxième jour de l’inaugura­ tion de la « Maison Sadi » il y eut autant d’affluence que la première. Pendant que je donnais aux man­ nequins l’ordre de circuler enfin, la porte s’ouvrit, et, à trois heures exactement notre ambassadrice vint. A vrai dire je n’avait pas es­ péré qu’elle viendrait chez moi deux jours de suite. M’étant avan­ cée pour la recevoir avec joie je vis que l’ambassadeur Kemalettin Sami pasa l’accompagnait.

Derrière l’ambassadeur il y avait le conseiller d’ambassade Basri Re­ sit bey, sa femme et ses filles puis l’attaché de commerce Necdet bey et sa femme ainsi qu’un groupe de huit ou dix membres de l’ambas­ sade avec leurs femmes.

L’ambassadrice ipe dit :

— J’ai été tellement surprise hier, que l’ambassadeur a voulu voir votre maisen.

Toute l’ambassade est ici. Seu - lement je vous serais reconnais - santé de ne pas nous indiquer une place dans une pièce où l’affluence serait très nombreuse.

— Je vais vous conduire dans le salon de gauche lui dis-je ; il y a quelques autres ambassadrices là- bas. Votre arrivée aujourd’hui a - vec Son Excellence constitue le

plus grand honneur et le meilleur encouragement pour moi. Je vous en suis reconnaissante madame.

Les mannequins se mirent à cir­ culer lorsque j ’eus installé mes vi­ siteurs les plus précieux dans le salon à gauche. Je fus vraiment étonné de :1a compréhension avec laquelle Kemalettin Sami pasa cri­

tiquait les robes. Sa haute intelli­ gence s’entendait également aux choses de l’art.

Kemalettin Sami pasa qui aimait

et s’occupait des membres de la colonie turque comme de ses pro­ pres enfants avait jugé que cette maison de modes créé grâce au courage d’une Turque était admi­ rable. Il me dit en parlant :

— Madame je vous félicite de votre succès. Vous êtes une artis­ te dont nous serons toujours fiers. La bienveillance de notre am - bassadeur qui i»tait très considéré fut pour moi le meilleure récom­ pense de mes six années d’efforts et de souffrances.

De ce jour, des relations très cordiales furent établies entre 1’ ambassade, les membres de l’am­ bassade et notre maison. J’étais toujours invitée aux thés et aux bals de l’ambassade.

C’est chez nous que l’ambassa - drice faisait faire toutes ses robes et les autres dames de l’ambassa­ de suivaient son exemple.

Le club turc de Berlin faisait preuve d’une grande activité grâce aux efforts de Kemalettin Sami pasa et à la protection qu’il lui accordait. Toute la colonie turque

se réunissait les jeudis au club. L’ambassadeur voulait que tous les Turcs s’aiment. C’était son plus grand désir. Les Turcs qui ai - maient beaucoup l’ambassadeur ap prenaient ainsi à s’aimer. L’ambas­ sadeur n’admettait pas la médis - sance entre les membres de la co - Ionie de sorte que tous le monde se respectait mentuellement.

L’ambassadeur et l’ambassadri­ ce assistaient toujours aux réu - nions au club. A Berlin tout le monde attendait les réunions de jeudi.

Tout le monde formaient des groupes au club et on passait ainsi une nuit agréable.

Kemalettin Sami pasa aimait les étudiants turcs et pensait à eux comme à ses enfants. Une fois il avait aidé une jeune fille turque demeurée sans protection à se ma­ rier avec un officier-aviateur turc faisaient son stage à Berlin. On leur fit des noces superbes et les cadeaux apportés par la colonie sa- tisfèrent beaucoup le couple.

(10)

__ 88 __ le thé, dans le salon central. Lorsque je me levais le lende- Une vie heureuse s’était ouverte main, je vis sur la grande table devant les jeunes mariés au mo - Renaissance de la salle à manger, ment où ils l’espéraient le moins, une forêt de roses rouges de prix.

Kemalettin Scmi pasa était un Mon concitoyen de valeur Rana ambassadeur vraiment digne d’A Tarhan m’envoyait avec sa carte tatürk. Lorsque les caractères la- posée sur les fleurs ses compli - tins furent admis, il organisa des ments les plus délicats,

cours au club à l’intention des Christine qui vint me voir dans Turcs et leur fit subir à tous des l'après - midi ne put s’empêcher examens à la fin. d’admirer ces fleurs merveilleu

-Il menait au club les députés, ses :

les ministres qui venaient du pays. — Ah Rebia me dit - elle, qui Il leur faisait même donner des donc a pu t’envoyer ces belles ro- conférences de sorte que nous é- ses si nombreuses ?

tions heureux de retrouver dans — Les Turcs qui conservent tou notre club la véritable atmosphè- jours la noblesse d’âme qui les ca- re de la patrie. ractérise.

Kemalettin Sami pasa me pré- Quelques jours plus tard j ’étais sentait sans faute à tous les per- à la Deutche Bank pour envoyer sonnages importants venant du à Istanbul. Jejrencon -pays et leur disait que c’était pour

tous un devoir de me rendre visi-j Un jour, un ministre,^ana Tar­ han impressionné par ces recom - mandations chaleureuses désira me voir chez moi. Il me témoigna sa bienveilance en voulant bien

pren-rais là M. Rana Tarhan qui me regarda avec surprise et me dit :

— Alors, vous envoyez aussi de l’argent à Istanbul ? Je vous fé­ licite de vous intéresser telle - ment au pays.

— Oh, monsieur, est - ce qu’on peut ne pas s’intéresser à son pays?

Feuilleton de “ La République ”

VINGT ANNEES EN

E U R O P E

Par REBIA

TEVFIBASOKCU

Traduit du turc par MÂZHAR KUNT

J’achète en Turquie tout ce qu’il paierait les ouvrières,

m’est possible d’acheter et j ’en - Au cours de ces mêmes années voie chaque mois de l’argent à cer- je fis encore au club Turc la con­ tâmes personnes. naissance du ministre des Affai -Nous nous séparâmes après nous res étrangères Tevfik Rüstü bey et être salués sans que l’étonnement, de sa femme. Kemalettin Sami pa qui se lisait dans les regards de sa avait tenu à montrer au minis- M. Rana Tarhan eut disparu. J’é- tre la maison de mode turque à tais très pressée et c’est pourquoi Berlin. Lorsque le lendemain les je dus décliner l’invitation gracieu- mannequins se mirent à défiler de se de M. Tarhan à déjeuner en - vant Mme Tevfik Rüstü et l’am- semble. En effet c’était un samedi bassadrice, Mme Tevfik Rüstü ne et je voulais être présente à la put s’empêcher de me dire : maison pendant que le comptable — Vraiment, madame, est - ce

que toute cette maison vous appar- qui ne pare sa maison d un arbre tient ? Je ne peux m’empêcher d’ ' de Noël. Tout le monde aime ïe bel être surprise de votre réussite. aspect qu’une branche idie sapin Mais moi, je ne voyais rien de enrichie de bougies donne à une surprenant dans’ tout cela. J’étais chambre. A Berlin, tout le monde, cependant persuadée d’être deve- Chrétiens comme Musulmans, ont nue une citoyenne capable d’ap adopté cette coutume. Cette mode pliquer hors du pays la tradition qui ne date que de 150 années n’a de travail de la Turquie nouvelle, rien à voir avec la religion.

*** J'aimais Noël car l’atelier fer -Je reçu une lettre de Leylâ vers mait alors pendant une semaine de les derniers jours de l’année 1927. sorte que je pouvais m’occuper de Il y avait plus de quatre mois que mes affaires pendant ce répit, in-# son oncle était mort. Elle m’écri- viter des amis et faire des visi - vait que sa tante s’était rendue à tes.

Ankara, près de ses fils, que rien Je voulus cette année préparer ne la retenait plus à Istanbul et un bel arbre de Noël chez moi. Ma qu’elle s’empresserait de venir à vieille amie Mme*uCopchen avait d’ Berlin pour fêter la nouvelle An- ailleurs l’habitude de venir chaque née en ma compagnie. année passer quc-lques jours chez

De même qu’en Angleterre et en moi à Noël. Elle tenait à préparer Scandinavie, à Berlin aussi on pas- elle - même a traditionnelle oie se la nuit de Noël chez soi en- rôtie. Cette année j ’invitais enco- touré des membres de sa famille re chez moi les KaJÉfc

et de ses amis intimes. Personne Avec MmeFKopchen, je plaçais ne sort cette nuit. Tout le monde dans un coin l’arbre de Noël qui et chez soi, occupé à allumer les s’élevait jusqu’au plafond et bous bougies de l ’arbre de Noël et à pré le parions de fils brillants et de parer les cadeaux. bougies.

Il n’y a pas une seule famille ( à suivre ))

Referanslar

Benzer Belgeler

Nous sommes très contents de vous avoir parmi nous.. Mme Damgar et moi préférâmes prendre du

Elle est tellement riche qu’elle ne perdra rien pour attendre encore quelque temps.. Où trouver ces soixante dollars qui représentaient alors de quoi acheter une

simple. Cet enfant d’Izmir plei nde franchise me ra­ contait son amour et me proposait le mariage.. Ça tombe juste. Ses parents lut envoient très peu de chose. La

Il habitait dans le konak légué par son père Fahreddin bey qui avait été ambassadeur, en compagni... J’eus bientôt douze ans et cette histoire d’enfants fut

Nous travaillions beaucoup avec quelques ouvrières Que nous avons déniché au prix de mille difficul­ tés pour terminer les robes que nous avions. Nous allons

Mais si nous voulons que la pauvre Hélène nous fasse cela, nous deviendrons ridicules.. Du reste, nous ne resterons pas

Ro^jr nous écrivait toujours de Londres et chaque fois elle nous demandait d’y aller pour quelques jours.. SilVqffcdU Foreign

dblTprofesseur avait demandé na%pour que nous allions demeurer guère la main de Christine, mais&#34;quelques jours dans sa villd L de au moment où elle allait