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VINGT ANNEES EN EUROPE

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Academic year: 2021

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Tam metin

(1)

— De par ma profession je con­ nais très bien les femmes. Je com­ prends fo rt bien en outre les d if férences de classe entre elles. Vous avez raison d’être réticente, mais veu illez m ’écouter un instant.Dans quelques jours je fera i un voyage d’agrément de 15 jours à Dresde . N e voudriez-vous pas que nous fassions ce voyage en commun ? L a dame Russe avec laquelle vous vous trouviez la nuit du jour de l ’A n m ’a d it que vous étiez seule ici. En effet, ayant constaté que votre coeur allait très mal, j ’avais demandé qu’on avise vos parents

— Docteur, dis-je encore, je ne veux n i voyager, ni me promener. J’ai des affaires à term iner à Bex*- lin et c’est pourquoi je suis ici. E x - cusez-moi, je suis en retard. A - dieu ...

Et je m ’éloignais pendant que le docteur surpris me regardait, le chapeau à la main.

L a vie est une drôle de chose vraim ent... Qui peut dire combien d ’êtres humains passent ainsi leur temps à courir derrière des aven­ tures de cette nature ?

61 — Mes recherches n’avaient encore

rien donné ce jour-là. Les proprié­ taires consentant à me laisser cou­ dre chez eux parlèrent de conclure 3 e contrat par le canal d’un avocat ils exigeaient une part de 25-cinq pour cent sur mes bénéfices. Je re­ vins à la maison étourdie.

Ce fu t la plus mauvaise nuit que je passais. Je n’avais même pas de quoi m ’acheter du pain. Mais a- près tout on ne meurt pas de se coucher sans rien manger... I l y a certainement plus de fiérté à pas­ ser une nuit sans rien se mettre sous la dent que de faire un voya­ ge à Dresde. Et cela vous apprend tant de choses...

* * *

L e lendemain, Behrend était ve­ nue de bonne heure comme tous les jours d’ailleurs .Je crois que j ’é­ tais encore au lit. La servante m ’a­ visa au même moment qu’on m’ap pelait au téléphone. Je sautais aus­ sitôt sur mes pieds mais je n’avais pas fait un pas que je fus prise du vertige et m ’effondrais sur le lit • Behrend accourut me prit par les bras et la voix tremblante me de­ manda : — Qu’avezvous madame ? Se -■.. i0 * u m i0 m m 0 m * * * * * Feuilleton de “ La République

VINGT ANNEES EN

E U R O P E

Par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

riez-vous malade ?

— Non, je ne suis pas malade . Seulement je me suis couchée sans rien manger le soir. Ce doit être cela...

Oh, mon Dieu, je vais vous don­ ner un de mes sandwichs.

— Non, merci, veuillez sonner pour qu’on m ’apporte mon déjeu­ ner et courez répondre au télépho­

ne. ‘

Tout en allant répondre à l ’ap - pareil, Behrend mourmurait :

— Ce qu’ils vous donnent com­ me déjeuner et dîner ne saurait d’

ailleurs suffire à un gosse. Savez - vous combien vous avez m aigri de­ puis que je vous connais ?

E lle revint un instant après pour me dire:

— C’est la comtesse Vanso Une de ses amies de VarsoM |ycnr drait se faire »ewEpctimwMV miel - eues robes. Si vous le voulez, elle vous la présentera.

— C’est bon, qu’elle vienne.Nous essaierons de prendre la permis - sion de la propriétaire.

A yan t déjeuné, je m'habillais-, et allais v oir la propriétaire dans sa

chambre pour la prier de bien cataires sur une simple promesse, vouloir me permettre de coudre Je dus lui laisser en gage ma ma - quelques robes. Ce fut peine per - chine à coudre et une partie des

due. pièces d’étoffe pour obtenir la

per-— Mon mari, me dit-elle, ne mission de m ’en aller,

veut absolument pas qu’il y ait des Fort heureusement, je sympathi- visites. Après tout ce n’est pas une sais dès les premier? jours avec ma maison de modes ici,c’est une pen- nouvelle hôtesse Frau Kühne . sion. Nous ne pouvons supporter le Nous arrivions à nous entendre . bruit des étrangers. Pour la première fois depuis neuf

C’étaient des gens tellements mois que je demeurais à Berlin, j durs de coeur qu’il était inutile d’ éprouvais un sentiment d ami .e insister. * * * m m B e h r e n d * * * .envers une Allem ande . J aimais .—« J ’ai un# ami# qui ¡habitais ^a rue, la maison, ma chambr . naguère une' très belle maison. J’i- Lorsque Frau Kühne me demanda rais la voir. L e propriétaire était pourquoi j ’étais venue a Ber in, je

une femme des plus autorita.*»-11' :

__ •_ •

__ __ * ___

__ , mais je ne crois pas qu’elle soit aussi banale que ceux-là. C ’est la veuve d’un officier des hussards du régiment de la garde; elle est aisée du reste.

Finalement j ’emménageais chez Frau Kühne vers la fin d’avril. Ce déménagement fut de plus mouve­ mentés. car je n’avais pas payé la pension des deux dernières semai­ nes et le salaire de Behrend. Celle- ci promit d’attendre, mais la pro - priétaire de la pension n’ était pas de ces gens laissant partir ses

lo-— Je veux apprendre l ’Allemand mais il faut que je subvienne à mes besoins... JEn outre, j ’ai une dette qu’il me faut régler.

— Bravo, me dit Frau Kühne en entendant ces mots, j ’aime beau - coup les femmes qui ont de l ’ini ­ tiative. Mettez-vous à l ’aise et fa i­ tes comme chez vous. D ’ailleurs, il n’y a que nous deux dans cette maison.

(2)

i iswrn* — 62' —

J’en croyais difficilem ent à mes ctreilles en l’entendant parler ain­ si. Pour la première fois à Berlin j'entendais des paroles qui m’al­ laient droit au coeur.

La maison de Frau Kühne me fut très propice. Je m ’étais installée depuis une demie-heure qu’une Russe qui ne me connaissais pas vint avec une pièce d’étoffe et de­ manda Mme Sadi. Elle me com - manda une robe de soie et me ré­ gla aussitôt la façon de crainte que le cours du mark ne baissât encore C’était là une chance inespéré. Je remis aussitôt à Behrend les trois 4uarts de la somme qu’on venait d<= me donner et je l ’envoyais dégager la machine à coudre. La machine arriva.

La robe fut terminée avec une telle rapidité que la cliente stupé­ faite m ’en commanda deux autres, en payant toujours au comptant. Behrend courut de nouveau à la pension reprendre les pièces d ’é - toffe que j ’y avais laissées.

Dix jours ne s'étaient pas écou­

lés que la gaieté de la maison fut eh parfait accord avec celle que le printemps faisait régner dehors. J’étais délivrée de ces propriétai­ res au visage renfroqué qui me faisaient l ’effet d’un cauchemar. Frau Kühne me gâtait comme son enfant.

Je (disposais d’un ¡beau balcon bien large. L e soir le travail fini, Frau Kühne me disait. :

— Ça suffit voyons, vous vous

tuez de fatigue. Sortons un peu prendre l ’air au balcon.

E lle me tendait ainsi une fraîche boisson et nous allions nous ins - taller au balcon où nous faisions la causette pendant des heures tan­ dis que les derniers rayons rou - geâtres du soleil couchant filtraient entre les grands arbres de la “ K ai­ ser A ile ” . La vie me souriait sou­

dain.

La maison était pleine de fem ­ mes russes du matin au soir. J’a­ vais cinq ouvrières sans compter Behrend. On cousait dans la cham­ bre à coucher, il n’y avait plus de place où mettre les pièces d’étoffe et je me démenais du matin au

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VINGT ANNEES EN

E U R O P E

Par REBIA TEVFIK BASOKCÜ

I

Traduit du turc par MÂZHÂR KUNT

tugmtiaasmi

soir. Mais j ’étais tellement gaie, nir à l ’essayage, ajoutant qu’elle je travaillais de si bon coeur que serait très contente si je voulais les Russes me prenaient d’assaut. fojen me rendre chez elle avec la On m ’apportait des fleurs à n’en b itu r e qu’elle m ’enverrait.

plus finir et, très souvent il n’y a- J’allais le lendemain pour l ’es- vait pas de place où les mettre, sayage. La dame déclara être très Nous en placions même dans les reconnaissante de mon geste com- seaux. Les Russes blancs étaient me si je lui avais rendu un servi- des personnes très aimables qui n’ ce inappréciable,

avaient rien des parvenus. L ’essayage terminé je repris la Un jour une dame âgée étant tom voiture qui m ’attendait devant la bée malade m’annonça au télé - porte et je vis sur mon siège une phone qu’elle ne pourrait pas ve- grande boîte de bonbons avec la

carte de ma cliente qui me remer­ ciait encore.

Ces attentions m ’encourageaient à mieux faire/ encore. J’étais très contenue de vivre. Quoi de plus beau que le travail ? Tout le monde me respectait,.

Mme Sadi avait une vogue in­ croyable. La place me manquant, j ’étais obligée’ de refuser du tra­ vail.

En cette année 1923, on ne comp tait plus les marks. On se les pas­ sait tels qu’on recevait de la Ban­ que- par paquets de millions, puis de milliards et de billions.

J’avais consacré la partie de la garde - robe où on mettait le linge à garder mon argent. Je prenais mes repas de midi au restaurant. Les prix doublaient et même tri­ plaient chaque jour. Un jour, un grand paquet de banknotes que j ’ avais sqr moi n’ayant pas suffi à payer mon déjeuner je télépho - nais à Behrend pour qu’elle m'ap­ portât un autre paQuet.

L e pauvre mark avait tellement baissé qu’on racontait l ’histoire d’ un Américain qui ayant changé

quelques dollars avait rempli une voiture de monnaie allemande pour les jeter à droite et à gauche en travei'sant le grand’rue Kenfurster

clam.

Un autre avait tapissé les murs de sa maison de coupures d’un m il liard de marks. La baisse du cours de la monnaie avait appauvri en quelques mois les familles qui a- vait des dépôts en banque.

Un jour Rosfc£ vint très agitée pour me dire : rt

— Ma chèrem paraît qu’on cède pour 15 dollars une boutique près de Kadeve. N e perdez pas cette oc­ casion.

S

le insistait

ais je n’avais pas de devises étrangères. Tout le monde me pa­ yait en marks Je sentais que dans ces conditions je n’obtiendrais au­ cun résultat même si je travaillais cent ans. Il me fallait développer mon entreprise, créer une organi­ sation solide et monter un atelier afin de travailler régulièrement.

(3)

63 l ’adorait. Je ne crois pas que 1’ amour d’une mère peut tenir tant J ’étais, certes, très heureuse a- de place dans le coeur d’une fem- vec Mme Kuhne: elle me traitait me. L e fils qui avait quitté la car- avec beaucoup d’égards et d’ama- rière m ilitaire après la guerre ge- bilité. M a ig ri ses .65 ans, cette nérale n’avait pas d’occupation et femme très gaie et pleine de vie préférait couler des jours tranquil- était toujours belle et intelligente, les avec sa femme. Quoique détes - Je l ’appelais toujours, par plai tant sa bru, Mme Kuhne donnait ganterie « Mon général». C’est qu’ tout son argent à son fils et viva it . e f f e t , les manières de cette femme avec le loyer que je lui payais. Le rappelaient beaucoup celles d’un linge sale de son fils et de sa bru «én éral allemand qui aurait une lui était envoyé pour etre lave et belle prestance. Elle fumait le ci- réparé. Mme Kühne me cachait ce­ o-are comme un homme et, chaque la au début; elle le lavait, le re - fois que je lui offrais quelques ci- passait en abîmant ses mains et le gares de bonne qualité, elle me leur renvoyait, car la servante serrait les mains de plaisir pour M arie ne s’occupait pas de blan -

me dire: . chissage.

— Vous me g â t e z . L e fils et sa femme coulaient u- E lle prétendait que je lui r6s - ne vie de distraction sans soucis . semblais par tout ce qu’il y avait Une fois par semaine, les diman - de bon en moi. Et lorsqu’elle me ches, ils venaient prendre le repas voyait travailler inlassablement , de midi chez elle.Ce i our' 1£ elle me disait en riant que j ’étais un jour de fête pour Mme Kuhne, une femme de race. Elle préparait des mets fins se

-M m e Kühne avait un fils, très mait partout des îleurs a profusion bel homme, ancien officier de hus- et ne pouvait tenir en place de bon sard et une bru. Ils habitaient à heur et de fierte.

part, mais venaient de temps à Mais le soir, eux partis, elle ve- autre voir leur mère. M m e Kühne naît au balcon de ma chambre me

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(VINGT ANNEES EN

E U R O P E

Par

REBLATEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

raconter ses peines, me dire com - tardaient à régler leur compte,les ment elle était devenue une vraie accablait de reproches et se faisait servante sur ses vieux jours à tiinsi mon avocat,

cause de cette femme. Parfois mê- Un jour, j ’avais signifié son con- me elle pleurait devant la faibles- gé à une ouvrière récemment en - se de sa tendresse qui n’était guè- gagée qui ne donnait nullement sa­ ie payée de retour. tisfaction. L ’ouvrière furieuse, é-L ’amour que cette femme por - tait allée au fisc déclarer qu’une tait à son enfant faisait mon admi- Turqu e se livrait secrètement au ration et je ressentais pour elle u- commerce chez Mme Kühne. ^ ne affection profonde. Elle me pro- Mais Mme Kühne se présenta tégeait d’ailleurs avec' un amour devant les employés du fisc accou- presqu’égal à celui qu’elle portait rus à la hâte et les avait renvoyés à son fils. Il arrivait des fois où tous de l ’air d’un général en leur elle téléphonait aux clients qui disant que c’est pour elle qu’on

cousait.

L a sympathie que me témoignait Mme Kühne augmentait incontes­ tablement l’intérêt qu’elle éprou­ vait envers les Turcs. Elle allait

chez des amis qui a-

vaient connu les Turcs pen­ dant leur service m ilitaire ou en tout autre occasion pour leur demander si les Turcs me ressem - blaient où s’ils étaient composés pour la majeure partie de gens primitifs et paresseux, comme elle i ’avait si souvent entendu dire. Et elle venait me confier les réponses qu’elle recevait. Les généraux von Glück et von Sanders lui avaient, bien dit que ies Turcs ressem - blaient à des chevaux de race et lui avaient donné une idée de leur grandeur d’âme; mais Mme Kühne était curieuse de connaître d’au ­ tres Turcs pour se faire une idée bien ferme sur leur compte.

Mais la propagande en ma faveur que Mme Kühne faisait partout , sans s’en rendre compte me plaça un beau jour devant une surprise des plus désagréables.

« A » hanem qui avait de nom - breux amis de toutes nationalités ,

avait prié un de ses amis du minis­ tère des affaires étrangères à Ber­ lin de dénicher mon adresse; les recherches n'avaient été guère d if­

ficiles en raison de tout ce qu’a - vait raconté Mme Kühne. C ’est ainsi qu’un beau jour, un fonc - tionnaire du ministère allemand des A ffaires Etrangères vint me irou - ver à mon grand étonnement et me remit une lettre de « A » hanem.

Comme je l'avais prévu, cette lettre était conçue dans un langa - ge très violent. « A » hanem par - tant de mon mariage m écri - vait que cela ne s’était pas léalisé, que je déclarais à présent v ivre de mon travail à Berlin, qu’ il fallait me croire folle pour a - jouter foi à ces paroles et qu’une dame qui pouvait se payer le luxe de vivre eu Europe devrait lui ré­ gler son argent

Je serrais les dents en parcou - rant ces lignes mais Mme Kühne prenant véhémentement ma défen­ se contre le fonctionnaire qui at - tendait ma réponse lui cria:

— I l faudra’ t non pas harceler mais bénir une femme pareille.

(4)

_ «4 —

Je dis au fonctionnaire le Dr. Frank, que je répondrais dans quel ques jours à cette lettre.

Le pauvre homme très confus devant Mme Kühne qui avait si chaudement pris ma défense dit:

— J’écrirais aussi à « A » hanem pour la mettre au courant de vo - tre situation. Elle est tellement riche qu’elle ne perdra rien pour attendre encore quelque temps. Il vous est impossible d’acheter des francs lorsque le cours du mark est si bas.

En tout état de cause, j ’avais dé­ cidé d’envoyer à A ” hanim m il­ le francs avec ma première lettre.

Mais à cette époque m ille francs valaient 60 dollars. Où trouver ces soixante dollars qui représentaient alors de quoi acheter une maison à Berlin ?

L e procès avec Sadikof n’avait pas encore pris fin pour que je pus avoir une indemnité contre ma fourrure.

Finalement, après toute une nuit d’insomnie, je décidais de vendre contre des dollars les cadeaux de

mariage qui étaient enfermés dans ma valise. A partir de ce moment je calculais la façon des robes en dollars, et, une semaine plus tard j ’arrivais à régler à “ A ” hanim une première tranche de mille francs amassée avec une peine i- nouie, et je lui écrivais :

“ — Je vous enverrai chaque fois m ille francs à quelques mois d’in­ tervalle. Je suis prête à vous pa­ yer des intérêts si vous l ’exigez Quant à ce qui est de travailler, je suis dans un pays où ceux qui travaillent sont le plus respectés

Dieu merci, je puis me libérer de ma dette envers “ A ” hanim en lui envoyant tout son argent au bout de quelques mois, par tran­ ches de mille francs. J’étais dé­ livrée du plus grand cauchemar de ma vie

V

Un jour R osjf me dit au télé - phone :

— Chérie, nous avons depuis hier un Monsieur Turc- à notre pen sion. Nous avons fait connaissance aujourd’hui même, à table : il s’ap

Feuilleton de “ La République ”

ÎVTNGT ANNEES EN

E U R O P E

Par REBIATEVFIK

BASOKCU

I

Traduit du turc par MAZHAR KUNT J

pelle Halil bey. Je lui ai parlé de de visites faites à une heure tar- vous. Lorsque je lui ai dit que vous dive.

étiez Turque et que , vous gagniez Mais RosJ( me disait chaque jour votre vie en travaillant, il n’a pas que H alil bey voulait faire ma con- voulu me croire. C’est un mon - naissance, qu’il ne pouvait se dé- sieur très comme il faut. àfeMM eider à croire que j ’étais turque.

Je n’avais désormais aucune rai- Per- son de me cacher. J’avais décou - mettez - moi de venir vous le pré- vert le moyen de surmonter les senter un jour. * plus grandes difficultés, j ’étais très

— RosJ<, répondis - je, excusez- contente de gagner ma vie et j ’é- moi pour aujourd’hui. J’ai des ren- prouvais même des sentiments qui dez-vous avec mes clientes jusqu’à ressemblaient beaucoup à de la huit heures et demi. Ensuite vous fierté.

savez que Mme Kühne ne veut pas Un dimanche, R o s if accompa

-> gnée de Halil bey vint prendre le vait coutume de traités les fem - thé chez moi. Mme Kühne était mes sous l ’ancien régime,

très contente aussi car cette visite Halil bey, finit par être convain- allait lui donner l'occasion de faire eu que j ’étais bien une Turque, la connaissance d ’un Turc. Mais ce devait être un homme

Toutefois, il fut très difficile de o.uelque peu superficiel puisqu’il persuader Halil bey que j ’étais ne pouvait se décider à croire que vraiment une Turque.' Il me par- je n’étais pas une femme en quêté la en turc d’abord et me demanda d'aventures.

comment j ’avais fait pour appren- Il saisissait le prétexte de rn’ap- dre si bien cette langue. Je lui dis .porter des journaux turcs pour ve- que c’était ma langue maternelle, nir assez souvent sans se faire an- je lui montrais les portraits en uni noncer, à l ’heure qui lui plaisait forme de mon père et de mon grand et rester à bavarder interminable- père sur le bureau ; il ne voulait ment. Un jour je fus obligée de lui toujours pas me croire. En effet tenir les propos que voici :

Ros|< m 'avait dit que je travaillais — Je me suis consacrée toute à et que je réussissais. Comment une ma tâche monsieur et il faut que femme turque pouvait - elle arri- je dispose de tout mon temps pour ver à travailler et à gagner de T bien travailler. Certes, j ’éprouve argent en Europe ? Ce devait-être un grand plaisir à parler ma lan- sùrement une grecque ou une jui- gue avec un concitoyen, car tous ve qui sachant bien cette langue mes compatriotes sont des frères cachait son identité et s’affublait pour moi. Nous continuerons donc d'un nom turc pour se rendre à nous revoir si ce sont là vos sen- plus intéressante. timents, aussi ; mais pour cela il

Jusque à quand nos hommes per vous faudra choisir mes moments pisteront - iis à nous dénier toute de loisir, comme tout bon frère, personnalité V Cette façon de pen­

ser était, à n’en pas douter, la con- ( à suivre ) séquence de xu façon dont on

(5)

a-— 65 a-— était question n’était qu’un de ces types cosmopolites originaires d’ H alil bey ne semblait guère sa- Istanbul. Je posais des questions, tisfait d’entendre ces paroles. Mais L e bonhomme ayant jeté à Halil il préféra ruser .avec moi et me bey un regard montrant que j ’a - dit : 'î'K Û flfa» 1 » . vais pénétré leur jeu me dit

— Je Je vous suis très reconnais - vous suis très reconnais - — Madame, Halil bey vous a dû sant de votre amabilité extrêm e et

je veux justement être pour vous un frère bon et utile. C ’est la rai­ son pour laquelle vous me voyez ici aujourd’hui.

Je connais un Am éricain e x trê ­ mement riche et sa femme qui pouvait être une très bonne clien­ te pour vous. Je voudrais vous le présenter. Mais il vaut mieux qu’ ils fassent d’abord votre connais­ sance à un thé. Venez si vous le voulez bien au thé de samedi à 1’ Hôtel Eden. J’y inviterai aussi les Américains. On prendra le thé et on fera connaissance. Ils parlent le français du reste.

Lorsque le samedi je me rendis au thé de H alil bey à l ’H ôtel E - den, je ne vis pas la femme de 1’ Américain à notre table.

H alil bey ayant terminé les pré­ sentations, je ne tardais pas à m’ apercevoir que l'Am éricain dont il

mal expliquer. C'est ma femme qui est Am éricaine et elle se trouve actuellement dans son pays. Je suis né à Istanbul. Mon père était Ishak pacha, oculiste du Sultan Abdiil Hamid. Peut-être connais­ sez - vous mon frère, le fameux James bey ? Il est très riche et il est connu à Istanbul comme en Europe.

— Oui, je sais, dis - je, je l ’ai vu une fois à Paris.

La conversation allait prendre un tour normal ; mais ce H alil é- tait un drôle de personnage. Il vou­ lait absolument paraître spirituel. ✓ " '^ Q u e ferez - vous maintenant ^que vous êtes pris entre deux feux,

me demande-t-il en riant. Je lui répondis :

— Si les gens brûlaient au pre­ mier feu venu, ie monde ne serait Qu’un amas de cendres.

Fort heureusement le fils

d’Is-Feuilleton de

La République ”

ÎVÏNGT ANNEES EN

E U R O P E

Par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

h§k pacha était un homme fort la.

bien élevé et plein d expérience. Il L e fils d ’Ishak pacha le regarda îaconta une foule de phoses inté- s’éloigner un moment puis me dit:

lessantes. — Voilà des années que je

con-A un moment donné, Halil bey na^s ce Halil. Eh bien ! I l n’a pas prenant une expression des plus af- r^angé. I l est aussi naif, aussi fligées lança : niais que par le passé, car son

dé-— Oh, excusez - moi madame. Part en ce moment n’est qu’un J’ai dans quelques minutes un ren- 1rVc.’ comme la qualité d’A-dez - vous avec notre consul et je mçricain qu’il me prêtait si gra - suis obligé de vous quitter. Il est ^u^ement.

encore assez tôc : W illiam vous tien Je demandais surprise :

dra compagnie. — Tiens ? Mais je ne comprends Il prit conge de nous çt s’en al- pas pourquoi...

— Il m ’a prié de lui dire quel au courant au besoin. Mon entre - , genre de femme vous êtes. Après prise est tellement petite

m ’avoir présenté à vous comme un «reffiBn^quc cela ne vaut vraiment riche Américain, il préfère main- pas la peine de lui faire une s? tenant nous laisser seuls. Or, je grande réclame,

vous ai jugé dès le début. Mais il — Ce sera comme vous le vou- ne s'en est pas rendu compte. Il drez, dit - il En tous les cas, il agit d’après le plan qu’il a prépa- n’y aura pas de mal à ce que vous ré et, qui sait, il y a fort à parier vous connaissiez. C ’est une dame qu’il continue encore cette corné- très comme il faut. On pourrait

die. prendre le thé, ici - même la

se-T maine prochaine. Je vous

télépho-Je ne pus m empecher de rire : n e r a j

— Pauvre Halil bey dis - je, il »

est encore plus naif que je ne 1 a- Lorsque le soir je rentrais chez vais cru . moi, Mme Kiihne me reçut avec

en-— Très naif, certes, mais c’est thousiasme :

un bon garçon et il ne vous fera — Ces Turcs, me dit - elle, sont pas de tort. Et maintenant parlons des gens bien distinguais. Votre un peu de vos affaires. Je connais compatriote vous a invité au thé à une riche veuve, une Française qui ^ Eden sous prétexte que vous 1’ était la femme d’un prince russe. avez invfitté pliez 'vous. Voilà un Je pourrais vous la faire connaître geste que nos Allemands ne fe - si vous le voulez bien. Elle pour- ia ient jamais. En outre, il vous ap- rait vous être utile. Porte chaque jour des journaux. C ’

c-st un homme très attentif.

— Oh, merci bien. Je serais très J’approuvais chaleureusement contente de faire la connaissance Madame Kühne.

de cette dame, mais Je vous prie

de ne pas lui parler de mes affai- ( à suivre ) res pour le moment. Je la mettrai ,

(6)

— GG —

Des surprises m ’attendaient tou­ jours dans ceute maison. Cette mê­ me semaine, un Allem and du nom de Banash et sa femme -vinrent me trouver.

Ils me dirent qu’ils s’occupaient depuis longtemps de couture, qu’ils avaient un bel appartement, des ouvriers, des étoffes, qu’ils me connaissaient de réputation et qu’ ils étaient venu me proposer de s’associer à moi.

Cette proposition comblait mes voeux. Mais était-ce là des gens probes et honnêtes ?

Après de longs pourparlers qui durèrent plusieurs jours il fut dé­ cidé qu’on ouvrirait une nouvelle maison de couture sous la raison « Sadi - Banash ». Les bénéfices seraient partages à l’égalité avec Mme Banash, défalcation faite des frais. J’allais avoir toute latitude pour confectionner des modèles, et ménager les clients. En outre je devais me rendre de temps à autre à Paris pour me procurer des nou­ veaux modèles.

Mon Dieu ! Ce mot de Paris

m’attirait tellement !...

Je n’ aurais jamais songé qu’il me serait un jour possible de ren­ trer à Paris au moment où l ’année passée à pareille époque je Quit - tais cette v ille avec seulement 7 francs en poche !

Mme Kühne fut très contente en songeant qu’il n’y aurait plus de couture à la maison.

J ’allais me rendre le matin à l’atelier et rentrer le soir.

Il fut décidé de conclure avec les Banash un contrat d’associa 1 tion d’une année. Mme Kühne qui s’intéressait à tout ce qui me con­ cernait me dit l

— J’ai un homme d’affaires très honnête parmi mes connaissan ces. I l voudrait mieux qu’il soit ici le jour où Banash viendra pour conclure le contrat.

J’acceptais ' sa proposition. C ’était encore un samedi soir. Banash, l ’homme d’affaires de Mme Kühne et moi-même étions réunis autour de la table ronde, dans mon salon pour étudier les termes du contrat.

Mme Kühne m ’expliquait les clauses. Ce fut à ce moment que

Feuilleton de “ La République ”

VINGT ANNÉES EN

E U R O P E

P a r

REBIA

TEVFI BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

- — ir-IL~l.l-_-L.~L.-l_-le téléphone sonna. _ — Oh, je le connais, monsieur,

J’entendis aussitôt à l ’autre j e connais nous sommes de très bout de fil la voix de Halil bey qui vieux amis avec ses parents je disait : n’avais pas eu l ’occasion de le voir

— Madame je viens de parler de j e serais extrêmement satisfaite vous à M. le Consul de le recevoir. Mais vous voudrez I l vous connait très bien et il bien m ’excuser ce soir, car je suis paraît que c’est un ancien ami de en ^rajn de conclure un contrat votre famille. Nous viendrons d’affaires avec un Allemand. Je ne vous voir ce soir si vous le per * voudrais pas vous ennuyer. Venez

mettez. demain si vous n’avez pas d’em

-•— Vraiment ? E t qui est notre pêehement.

consul à Berlin ? , Je serais très contente.

— C ’est « T » bey fils de feu — Mais non, vos affaires ne “ $ » Pacha. nous ennuireront pas. Nous atten­

drons jusqu’à ce que vous auriez fini. Puis si vous le voulez bien on sortira un peu.

— C’est bon, dis-je. Du moment que vous voulez bien m’excuser... je vous attendrais.

Je n’avais pas encore éprouvé un si grand bonheur depuis mon arrivée à Berlin.

J’étais tellement contente que |)Our un peu j ’aurais sa^fté au cou de tous ceux qui étaient présents au salon. Mas voeux commen - çaient à se réaliser peu à peu. Bientôt j ’aurais un atelier digne de ce nom. Si mes associés s’avé - raient honnêtes, je travaillerais pendant quelques années avec eux, puis je m ’établirais à mon compte avec l ’argent que j ’aurais mis de côté. Quel bonheur mon Dieu, quel bonheur !

En outre le consul de Turquie à Berlin était un vieil ami de no­ tre famille. C ’était un appoint.

Tout en suivant d’une part les pourparlers qui se déroulaient au - tour de la table, j ’essayais d’être une bonne maîtresse de maison envers « T » et H alil beys. « T »

bey semblait être un homme gra­ ve et très fier. Je compris à ses propos aussi rares que pleins de froideur que tout ce monde ne lui plaisait guère. Peut-être estimait-il que j ’étais trop gaie ?

Mais un compatriote ne pouvait il comprendre combien cette gaie­ té était naturelle ?

N ’avais pas 'raison d’être satis - faite en constatant que mes affai­ res prenaient une bonne tournure après la vie insupportable que j ’a­ vais menée depuis une année !

D ’ailleurs quel besoin avais-je de cacher ma joie ? C’était un droit que j ’avais bien gagné.

Je compris à quelques jours de là que j ’avais eu tort de penser ainsi. Halil bey qui était un peu bavard résuma ainsi l ’opinion de

« T » bey sur mon compte : — « T » bey estime que vous ê- tes perdue parmi les Allemands. Il ne vous considère plus comme une Turque .

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— 67 —

— Et pourquoi cela ? Quel rap­ port y a-t-il entre le ifait d’être Turque et d’entrer en relations d’ affaires avec les Allemands V Au contraire, je suis contente de cons tater que des Allemands s’adres - sent à une femme Turque pour lui proposer de s’associer à elle. Cela ne rabaisse pas ma qualité de Turque, au contraire.

— Sans doute, vous avez peut - être raison de voir les choses sous cet angle, mais “ T ” bey n’ aime pas voir une Turque parmi des é- trangers.

— S’il y a quelque chose de mal dans ma conduite, “ T ” bey aurait pu me le dire franchement en sa qualité de vieil ami de la fa­ m ille et me montrer le droit che­ m in... Mais il n’aurait pas dû me dénigrer en mon absence... V e u il­ lez lui faire part de mes regrets.

Je fus triste et peinée pendant des jours sous l ’impression de la signification pleine d’amertume de l ’opinion que se faisait de moi un

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Par REBIA TEVFIK BASOKCO

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compatriote qui m ’était si proche alors que les gens que je connais sais depuis une année à peine ne me témoignait que de la sympa - thie et de la considération.

En écrivant aujourd’hui ces mé­ moires, je m ’incline une fois dé plus avec une gratitude profonde devant le grand génie qu’est A ta­ türk. Sans lui, l ’énergie, les capa­ cités de la jeunesse turque au raient sûrement été refoulées pen­ dant longtemps encore ¡sous l ’e f­ fet des habitudes et de la men­ talité désuètes datant de l ’époque ottomane.

*

•je sje t %

Un jour du mois d’Août, j ’étais en train de prendre le thé au “ Kurhaus ” de Mme M illier, en­ tre celle-ci et son gendre, dans V l'ile de Westerland sur la mer du Nord. L ’établissement donnait sur la plage.

J’étais allée là-bas pour me re- ooser des fatigue de toute 1 année passée à Berlin et afin de revoir la mer dont j ’avais la nostalgie. Mais l ’impression d’isolement que j ’é

-■ -■ -■ ■ ■ m m

prouvais me devint insupportable­ ment amère.

Lorsque je dis à M m e M uller que je rentrerais le lendemain même à Berlin elle me répondit :

— A-t-on idée de quitter ces lieux au bout de d ix jours ? C ’est sans doute l ’ isolement qui vous en­ nuie. Venez aujourd’hui prendre le thé à notre table, à la terrasse. Mon gendre et ma fille qui habi­ tent Berlin viendront aussi. Mon

gendre ,%st directeur de 'banque.

Pour être franche, la compa - gnie de Mme M üller ne me sem­ ble guère attrayante. Tout le mon­ de parlait de la devise allemande en prenant le thé. Je ne parvenais d’ailleurs pas à saisir 90 pour cent de ce qu’on disait et l ’ennui qui s'appesantissait sur moi ne faisait que grandir. Des connaissances ve ­ naient échanger quelques mots a- vec les M üller puis s’en allaient. Une jo lie jeune fille blonde et un jeune homme vinrent aussi et

demandèrent leur thé. Mme M ül­ ler me les présenta :

— Monsieur Koch, M lle Koch. M. Koch était le directeur d’une grande banque à Berlin. S’aperce­ vant que je ne connaissais pas l ’al­ lemand, ils se mirent à parler le français et M. Koch me dit : - ^ l ^ G r a n d ’mère était française.

Du reste nous sommes d’origine al sacienne.

Et M lle Koch d ’ajouter :

— I l fait trop froid à W ester - land n’est - ce pas ? Il pleut tous les jours. Ce n’est pas drôle de de­ voir porter des fourrures en plein mois d’août.

Mais M. Koch fit remarquer : — Voyons, nous irons en Suis­ se puis en, Italie. Tu n’est jamais

contente I

L e lendemain, je les rencontrais au wagon - restaurant, dans le train de Berlin. Ils me demandè­ rent la permission de partager ma table. Ils devaient changer de con­ voi à Hambourg pour se rendre en Suisse, et ils voulaient me per - suader d’aller avec eux. Mais je

désirais rentrer le plus tôt possible à Berlin pour me rem ettre au tra­ vail. Lorsque je rentrais toute jo ­ yeuse chez moi, je constatais que je n’avais dépensé que neuf dollars sur les dix dont j ’avais eu soin de me munir pour faire face aux dé­ penses du voyage.

Mme Kühne m ’ayant reçue d’une façon bruyante me donna aussitôt une nouvelle : la baisse de la é »-

v s b allemande s’était enfin arrê­

tée. On avait émis un Reichsmark au lieu des anciens marks sans va­ leur, de sorte que désormais le lo ­ yer de ma chambre serait de 200 marks, taûH" ocnt-»livras~ klPggigT Quatre marks valaient maintenant un dollar.

L e gouvernement allemand avait trouvé moyen de stabiliser le mark après trois années d’un désiquili- bre terrible. Mais l ’Allem agne qui était le pays le moins cher du mon­ de était soudain devenue une con­ trée des plus chères...

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L ’ère de la monnaie dépréciée qui permettait même aux étudiants étrangers de s’acheter des autos et de mener une vie de luxe inouïe était désormais close Cet événe - ment obligea le pauvre Halil bey de vendre au bout de deux mois son auto dont il était si fier.

* ♦ *

La maison des Banash était jo ­ lie. Ils avaient des étoffes en a - bondance. Je travaillais sans répit pour faire confectionner des mo - dèles d’hiver et pour en créer de nouveaux.

Les Russes qui remplissaient la maison de Mme Kühne vinrent une à une au nouvel atelier. Malheu­ reusement les prix avaient changé et nous n’admettions plus qu’on nous fournit l'étoffe. On ne pou­ vait avoir de robe à moins de

4

$, 50rtl'ollars7'v' \ ¿ 0

Beaucoup de Musses durent re­ noncer à se vêtir chez nous, ex - ception faites de celles qui étaient riches. M algré .tout, ¡les affaires

allaient très bien.Les Banash me traitaient avec des égards infinis. J’étais très contente d’avoir mon domicile à part.

Lorsqu’un samedi (je rentrais chez moi vers quatre heures, je vis Mme Damgar et Annie qui m’ attendaient dans ma dhambre ! Cette rencontre à une année d'in­ tervalle fut des plus touchantes

Mme Damgar était venue à Ber­ lin pour deux jours. Téléphonant chez Fritza elle avait réussi à tom­ ber sur Annie et elles étaient ve­ nues me trouver :

— Nous devons absolument pas­ ser la soirée ensemble me disait - elle. Mon mari n’est pas à Berlin mais j ’ai une amie et son mari et c’est avec eux que nous

sortirons. Moln amie (Vous plaira beaucoup. C’est une excellente per sonne. Son mari est un officier de marine qui a été en Turquie pen­ dant la dernière guerre/Ul aime beaucoup les Turcs. - ï j f j

— Mais c’est parfait a rT ^ je vos amis doivent sûrement être aussi gentils que vous.

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A vec Mime Kühne entre nous, on parla jusqu’au soir. Il n’y eut plus aucun coin de mystérieux dans ma vie pour Mme Damgar. A en croire l ’admiration exagérée de Mme Kühne, il n’y avait pas de par le monde de femme plus tra­ vailleuse,. plus probe que moi; tous devraient respecter une femme pa reille...

Le soir dans une loge de l ’Opéra de Berlin avec Mine Damgar et

ses amis M r et Mme J4Wfi*K4TOUS assistions à la représentations d’ * * ■ .

Mes nouveaux amis me paru - rent très sympathiques à première vue.. Je sentis aussitôt qu’une a- mitié solide nous? lierait. J’accep - tais avec empressement lorsque Mme Jfruyél m ’invita à dîner avec Mme (Dam gar pour la soirée du lendemain?* ^ ê K t v J U .

Us habitaient un bel apparte

-ment au Reichstrasse. Une grande parlant de cette époque. Les yeux élégance très simple avait présidé à fixés sur un point perdu, il sou - l'aménagement de leur maison et pirait. .tnTiiin. ffcijuiL s em b la it un de leur^mobilier de prix. Il ne fai- loup de mer que rien ne pouvait lait pas de longues obesrvations dompter, en même temps qu’un pour s ^ o e rœ y d r que Mme Chris- grand enfant extrêmement sensi - fine •mçM^armaTt beaucoup son ble.

chez soi et adorait son mari. Tou- La table était merveilleusement tes ses manières laissaient voir que préparée. Les fruits et les fleurs c’était une femme d’un caractère étaient mêlés sur le bois brillant excellent douée d'une très d'une belle table Renaissance, par éducation. Elle avait le s ^ é a u x mi des rameaux de sapin ; la Iu- traits calmes d une madone blonde mière des bougies parsemés entre des façons agréables - ces rameaux répandait une douce

chaleur sur les visages et augmen- Son mari, «twüfcfe Kajjfc. était un tait l ’éclat des yeux,

homme actif, intelligent, très vif, L e dîner de ce soir chez les^ftrufc/ gai, taqulin e t sympathique. - Je marqua le début d ’une a m itié ^ n'en avais pas rencontré de sem- indestructible entre nous,

blable parmi les Allemands. Cette La nuit en rentrant, Asta Dam- soirée n’aurait pas été plus cordia- gar me dit :

le même si je l ’avais passée parmi — Vous ne pouvez imaginer Re- cfes amis d’enfance f ou des pa - bia quelle femme excellente est

rents. Christine. Elle appartient à la

Pendant la guerreéae 1914 - 1510 meilleure fam ille de •iÎ8i3al(fe-_Quel il avait son quartier* à Istanbul sur dommage qu’ils n’aient pas d’erT'^' le baterfu “ Olga ’• à Istinve en qua fants.

lité de commandant de torpilleur. ( à suivre ) Je sentis sa voix trembler en

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— Ils m ’on été très sympathi­ ques et je les aime bien. Je vous remercie de me les avoir fait con­ naître Asta...

Les jours, les semaines se pas ­ saient à travailler et je me livrais à des démarches afin d’obtenir la permission nécessaire pour demeu rer à Berlin en permanence. Un jour, Mme Kühne lut mon passe­ port et ayant vu ma date de nais­ sance me dit en souriant après a- v oir ôté de sa bouche son gros ci­ gare :

— Ecôute4vmoi mon enfant, anniversaire^de naissance tombe dans une semaine. I l nous faut ab­ solurent un beau festin !...

— Oh, avec plaisir. Mais ce ne sera pas fameux. Je vais vous don­ ner dix ou quinze dollars et vous organiserez la chose comme cela vous plaira. Je crois en effet Que Mme Banash se taille la part du lion sur les bénéfices. Je ne tou­ che pas grand’chose.

— Je vous ai toujours dit que ces drôles font de vous ce Qu’ils

veulent. Ils tiennent les comptes comme ça leur convient. Voulez - vous que j ’aille faire demain une scène à ces gangsters ? Qu’en di­

tes - vous ? f

— Oh,Cje vous en prie, pas de scènes pour le moment. Nous ver­ rons tout cela en temps oppor - tun.

Mme Kühne avait raison de se mettre en colère. Un mois plus tôt, M. Banach avait emporté en Suè­ de dans des valises quelque deux cents robes - modèles que j ’avais préparées au prix d ’énormes fati­ gues et les avait toutes liquidées au bout de 15 jours. Mme Banash m’avait raconté tout cela en se r é ­ jouissant mais lorsque son mari fut de rètour à Berlin, il déelaha eue les robes n’avaient assuré au­ cun et qu’il était arrivé avec peine à couvrir les frais. On finit cepen­ dant par me donner quelque chose comme deux cent marks grâce à l ’intervention de l ’homme d’affai­ res de Mme Kühne. Je ne voulais pas provoquer des scènes pour ces sortes d.affaires. Du reste j ’avais un contrat d’une année et il y a­

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REBIATEVFIK BASOKÇU

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vait de longs mois avant l ’échéan­ ce.

Lorsque le soir de mon anniver­ saire de naissance je rentrais à la maison, je constatais que Mme Kühne aidée par la servante Maria avait préparé un buffet froid pour dix personnes Qui donc avait - el­ le invité ?

Pour ma part, je n’avais invité à cette réunion qu’Annie et Yon- va, un de ses cousins arrivé ces derniers jours de l ’Italie et qui ê- tait un ami aussi fidèle qu’Annie

Mme von Kopchen figurait en tête des invités de Mme Kühne. Je n'ai pas encore eu l ’occasion de parler de cette vieille f& ü w vte si attirante. Pourtant je l ’aimais plus que tout le monde à Berlin. Lors­ qu’elle me disait : “ Mon enfant ” , je croyais retrouver dans le ton de sa voix la chaleur qui caractérisait celle de'*§irand'mère que j ’avais eu le malheur de perdre l ’hiver pré - cèdent.

Mme Von Kopchen avait prés de 75 ans, mais elle avait un air de

reine conservant encore toute sa jeunesse et sa beauté. Elle était pure comme un enfant et avait un coeur d’or. C ’était une dame idéa­ liste, dans toute l ’acception du terme, pleine d’entrain, éprouvant du plaisir à aider les autres et à les réconforter. Elle semblait être une vieille chose respectée par le temps. Et sa santé était parfaite. Elle marchait, se promenait pen - dant des heures et ne restait jamais inactive chez elle.

Feu son mari avait été l ’aide de camp de l ’empereur Frédéric, père de Guillaum éifElle en était extrê­ mement fière, car le colonel Féo- dor von Kopchen était en même temps un poète connu pour son pa­ triotisme.

Depuis 15 jours un homme ve­ nait chez Mme Kühne : un o ffi - cier, le baron von Karnap, ami de son fils et qui avait perdu un bras au cours de la dernière guerre...

Mme Kühne m’avait dit en par­ lant de lui :

— Ces traîtres de Polonais, ils ont occupé toutes ses fermes à Poznan et le malheureux n’a plus

le sou maintenant. Il est venu à Berlin pour suivre son procès con­ tre le gouvernement polonais. Je vais l ’inviter aussi si vous le per­ mettez, car il quitte Berlin le len­ demain.

La réunion à l ’occasion de mon anniversaire de naissance n’avait été organisée que sur le désir de Mme Kühne. Elle pouvait invi - ter tous ceux qu’elle jugeait bon de convier... D ’ailleurs on ne pouvait pas faire quelque chose de parfait à cette époque avec une quinzaine de dollars. L e champagne était rem placé par des bouteilles de bière, entremêlés de quelques flacons de liqueur.

Mme Kühne avait encore invité deux couples de ses amis. La gaieté régnait et Mme von Kopchen di - sait que l ’année prochaine, on cé - lébrerait son 75e anniversaire. An­ nie, branlant la tête répétait cha­ que fois :

— Ne vous avais - je pas dit pe­ tite madame que les mauvais jours allaient passer ?

Puis regardant autour d’elle, elle ajoutait : f à suivre )

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« — — i — 70 —

— Je suis la plus ancienne a - mie de Madame à Berlin et per - sonne ne pourra me ravir cette place.

Tout le monde avait apporté des fleurs et le petit salon présentait l ’aspect d’un serre. J’avais de mon côté préparé une loterie afin de faire une surprise à mes convives.

Il était minuit. Au moment mê­ me où le tirage de la loterie allait commencer, j ’entendis la sonnerie de la porte d’entrée. Maria vint quelques minutes plus tard et me dit à l ’oreille:

— Madame, c’est l ’orchestre: les musiciens attendant dans l ’anti - chambre. Dois-je les faire entrer au salon ?

Je n’avais rien compris à tout cela:

— Quel orchestre ? Quels musi­ ciens ? demandais-je, je ne com - prends pas ce que vous voulez di­ re Maria.

L e baron Karnap qui avait en - . < tendu £es^mots sauta sur ses pieds "(madame, me dit-il, j ’ai ''voulu vous faire une surprise. J’y

ai pensé hier soir, lorsque j ’étais au café de l ’hôtel Eden. J’ai vu aussitôt le chef d ’orchestre et l ’ai prié de nous envoyer ce soir un pia niste, un violoniste et un violon - celliste.Ils ne pouvaient venir plus tôt car ils sont obligés de jouer à l ’Eden jusqu’à minuit. Je voulais vous faire plaisir.

J’acceuillis cette surprise avec un étonnement un peu embarrase:

— Mais, si ces hommes viennent ici...

Il m ’interrompit:

— Oh, ces musiciens me connais­ sent, dit-il, car ils viennent sou - vent donner des concerts à la villa du fameux fabricant de pianos Bechstein, lorsqu’il y a réception . Ils viennent ici ce soir, à titre tout à fait gracieux.

— De toutes façons, il faudra leur donner quelque chose, dis-je, je ne puis accepter le cadeau de ces pauvres gens.

Entrés au salon, les musiciens avaient pris place à côté du piano Mme Kühne et les autres convives leur offraient des liqueurs et des sandwiches.Quelques minutes plus tard, la musique ayant commencé,

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Traduit du turc par MAZHAR KUNT

on se m it à danser tandis que Mme von Kopchen assise près de moi me disait:

— Ma pauvre enfant, cette ré - ception te coûtera cher. Ce Karnap est un fou. Il ne sait pas ce qu’il fait et ne songe qu’à s’amuser.

Deux nuits plus tard Annie était venue me voir. Nous parlions, lors­ que la sonnerie du téléphone re - tenti et la voix de Yonya me dit:

— Madame, j ’ai une mauvaise nouvelle à vous donner. J’étais à l ’Eden. L e chef d’orchestre m ’a re­ connu. Il demande 15 dollars pour

la soiriée au cours de laquelle ils ont joué chez vous. J’ai cependant réussi à le convaincre et il se con­ tentera de 10 dollars seulement . Mais vous pouvez ne leur rien don ner car, après tout, ce n’est pas vous qui les avez invités...

— Sans doute, mais je ne puis me comporter chichement pour un service qui a été fait à mon inten­ tion. Ce serait mesquin. J’envoie les <40» dollars par Annie , vous voudrez bien les remettre au chef,

11 HTnpiwyiujulli

y K

Les Koch dont j ’avais fait la con naissance à Westerland m ’en - voyaient des cartes de toutes les villes où ils se rendaient. Un jpur ils vinrent me voir. M lle Koch s’é­ tait fiancée avec un riche Alsacien et son mariage devait avoir lieu sous peu à Sarrebruck. Elle me priait d’y assister sans faute, m ’as­ surant qu’il y aurait beaucoup de monde à ses noces Son frère Jean voulait aussi se marier, mais il n’a­ vait pas trop foi dans les femmes d’Europe. Il désirait avoir une fem me qui lui serait tout à fait fidèle.

Jean avait 73 grands immeubles de rapport en Alsace, sans compter ceux de Berlin et sa banque. Qui sait combien cette fortune aug - menterait avec le temps. Il se pré­ parait à devenir président de la République si en accordait son au­ tonomie à la Sarre. 11 lui fallait pour cela fonder une fam ille et a- voir beaucoup d’enfant à qui lé - guer sa fortune...

Les Kock venaient souvent chez moi et ils m’invitaient aussi sou­ vent. Nous faiiens ensemble le tour des théâtres, des musées, des galerie de peinture. L e mariage de

Jeanette Koch devait avoir lieu au début de février. J ’avais décidé de me rendre à Paris pour voir les modèles vers cette époque. J’allais passer une nuit à Sarrebrück et as­ sister aux noces de Jeannette Koch L ’idée de ce voyage me réjouissait beaucoup.

A cette époque Sarrebrück é - tait une jolie petite ville occupée par les Français. L e mariage de Jeannette fut vraiment superbe.On avait engagé le plus grand hôtel de la ville pour loger confortable­ ment deux cents invités venus de France et de Berlin. On avait é- galement mis une belle chambre à ma disposition.

Le festin de noces fut des plus joyeux dans la grande salle à man ger de la belle villfltd ’où on avait

un superbe coup d’oeil sur la Sar- / f l . / re.. Seulement, Wt- Jean ¿Semblait

avoir trop fêté le champagne car il se livrait à des confidences: ii a - vait deux souhaits: devenir Prési- fa S dent dw »la- RépubliqudT^i trouver““ une bonne épouse pour lui donner de beaux enfants. Me regardant droit dans les yeux, il me dit:

( à suivre )

Taha Toros Arşivi

Referanslar

Benzer Belgeler

simple. Cet enfant d’Izmir plei nde franchise me ra­ contait son amour et me proposait le mariage.. Ça tombe juste. Ses parents lut envoient très peu de chose. La

admettait la moxt, si 1 amour voir rudement lutté pour échapper Le jour où ayant rompu mes pouvait tuer, mais elle ne pouvait à la tourmente qui vous

Il habitait dans le konak légué par son père Fahreddin bey qui avait été ambassadeur, en compagni... J’eus bientôt douze ans et cette histoire d’enfants fut

Nous travaillions beaucoup avec quelques ouvrières Que nous avons déniché au prix de mille difficul­ tés pour terminer les robes que nous avions. Nous allons

Mais si nous voulons que la pauvre Hélène nous fasse cela, nous deviendrons ridicules.. Du reste, nous ne resterons pas

Ro^jr nous écrivait toujours de Londres et chaque fois elle nous demandait d’y aller pour quelques jours.. SilVqffcdU Foreign

dblTprofesseur avait demandé na%pour que nous allions demeurer guère la main de Christine, mais&#34;quelques jours dans sa villd L de au moment où elle allait

Nous allons nous rencontrer ce soir au Kurfürstendam avec les Süleyman Sirri, et nous prendrons notre repas ensemble.. Il paraît qu.Emin est très occupé avec