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Tam metin

(1)

%

— 90 — . *■

Au moment où j ’allais de jeu - ner, Annie me rem it un télégram ­ me. A peine en eus-je pris connais­ sance que je ne pus m’empêchev de m’écrire:

__ Oh, L e yla arrive ce soir, a -sept heures et demie.

J’avais souvent parlé de L eyla a M m e von Koepchen, de sorte du elle était très curieuse de la con­ naître. Nous n’espérions pas ce - pendant qu’elle pourrait venir le jour même. Quel bonheur pour

moi. _ . ,

— Koepchen, dis-je, il me faut aller à la rencontre de L e yla à sept heures et demi. Si les KaJjSls viennent en mon absence, tu vou- dras bien les recevoir à ma place? "certainement mon en - fant, répondit-elle, ne t’en inquiè­ te pas.

Je ne pus tenir en place pen ­ dant toute la journée. Je désirais que tout fut en place dans la cham bre de L e yla et que la maison U*i plut dès le début. Je pris soin de placer des fleurs partout..

Lorsque le soir j ’allais prendre

Leyla au train, je ne pouvais en croire mes yeux tellement j ’étais contente. E lle me racontait déjà un tas de choses dans la rue

iji-. ,-um*. i ■ 11i 11 11|il iln ml h U t i mn'1

Feuilleton de “ La République ”

1 (VINGT ANNEES EN

— Ma Leyla chérie , lui dis-je ,

tu feras la connaissance de duelques-uns de mes plus proches amis ce soir à dîner. Du reste, tout le monde te connaît déjà ici.

En auittant l ’ascenseur/je'"vis q u e Q W p » a ttendait devant la por­

te de mon’ appartement et j ’en - tendis Leyla qui avait tressailli dire:

o t i f l K " ’

E U R O P E

Par

REBIATEVFIK BASOhCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

L eyla ? connaissance de mon amie Leyla

— Si je vous l'avais dis, peut- dont je t’ai si souvent parlé. M skC *«£Æ »ilui tendait la main être aurait-elle renoncé à venir Lorsque nous entrâmes au salon en s o u n a n te tlu i disait dans un ici. En effet. Leyla a toujours pré- Christine et Koepchen se levèrent, turc assez mauvais- fére etre loin de mol> . Je leur présentais Leyla Serdar .

Soyez la bienvenue Leyla ha- / ^ » D i x années se son ecoulees On remarquait à la façon de ceux

J ‘ /depuis lors, dit-elle. Si vous saviez qui se trouvaient dans la chambre comme j ’ai changé. En outre, je que la visiteuse leur avait plu . ne sens pas la * nécessité de fuir Leyla était réellement très v ive et qui que ce soit désormais... très attirante dans son gros

man-Â

ie nous fûmes au salon , teau de voyage mww n . « t à Christine qui parlait Christine lui dit après ravoir

etiKoepchen: de pieds à la tête:

— Madame, mon mari me par -nem.

J’étais plongée dans l ’étonne - ment. Mais soudain le voile de mystère se déchira, et je me rap pelais ce que^-^O w j^n’avait racon­ té sur son aventure^à Buyuk-Ada.

• ^ . _ •

-.

le sur son avencuie a ----r,

___¿AMUSklis-je, poui-quoi m’avez I avec MmeKKocpchen.

vous cache qiic vous connaissiez l — Regarde Chrisme, Au feras

Jl

lait très souvent de vous. Je crois qu’il a dû être un peu amoureux de vous à Istanbul. N ’est-ce pas

JniHyé'. t

p^ÜOàfce^risait. i l dit en soupirant: .— Oui, oui, j w rM « . Je ne pouvais oublier ce temps-là...

Peu après, nous étions à table.A- près le bouillon, nous mangeâmes l'oie rôtie, que Mme Koepchen a- vait soigneusement préparé.

La maison avait beaucoup plu à Leyla qui m ’en faisait des élo - ges continuels.

pA&ïfiMgfcétait très communicatif ce soir. Il voulait toujours parler d’Istanbul et faisait une foule de questions à Leyla.

Et Christine pleine comm etou- jours d’un esprit de camaraderie, disait à Leyla :

— Nous sommes comme des soeurs avec Rebia. Désormais il en sera de même avec vous.

Leyla avait éprouvé une grande sympathie envers Christine. Com­ me nous nous étions levés de table pour passer dans le salon central, elle me dit tout doucement en turc — Quelle excellente femme. E *

le voit tout par le meilleur côté. Si c’était nous, nous aurions im - médiatement cherché à trouver certaines choses chez une femm e connue de notre mari. De -

puis quand les çonnais-tu ?

— Depuis les premières années de mon arrivée à Berlin. Ce sont deux bons amis.

Les heures de l ’apsiKanidL se passèrent dans la gaieté. .Juliw nous raconta ses souvenirs sur Is­ tanbul et la guerre.

Lorsqu’on se ‘ sépara vers une heure du matin ,il fut décidé qu’ en passerait la nuit du jour de l ’An à la Mascotte, le restaurant le plus à la mode de Berlin avec les Goeting.

Les K a * £ parti, j ’accompagnais Mme Koepchen à sa chambre. Cette nuit elle allait se coucher ainsi très tard par extraordonaire M algré tout le travail qu’elle avait fait dans la journée à la cuisine et la peine qu’elle s’était donnée à orner les branches de l ’immense arbre de Noël, cette vieille fournie de 80 ans avait très bien su être gaie la nuit. ( à suivre )

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Je revins auprès de Leyla après avoir souhaité une bonne nuit à Kcepchen. Retirée dans un coin du grand divan qui se trouvait, dans le salon central, Leyla son - geait la tête entre ses mains. La lueur qui filtrait entre les bran­ ches de l'arbre de N oël me montra que quelqes larmes parlaient à ses yeux:

— Tu pleures L eyla ? lui de - mandai-je. Serait-ce ce fou de

J»-qui t’aurait fait de la peine ? — Non, dit-elle, ce n’est pas pour que je pleure. Cette nuit, J“* 1* cette maison, ces fleurs, cet arbre de Noël, ces lumières, ce calme m ’ont plongé dans de tels rêves que mes souvenirs brillent en moi comme la flamme de ces bougies. Je pleure sur cette femme demeu­ rée seule dans la vie après les souf­ frances d’amour qui ont rempli toute une vie. J’ai grand besoin de me confier à toi ce soir. Veux-tu m ’écouter si tu n’as pas trop som­ meil ?

— Non ma Leyla. Vas-tu me ra­

conter les folies de fs S a o lip - 1 — Non, je vais te parler plutôt d’A li Kâmran et de toute ma jeu- ncsso.

— D ’A li Kâmran, dis-tu? Qui est-ce ?

— Tu le sauras bientôt. Viens ici, devant moi.

Je m ’assis sur les coussins, à l ’autre coin du divan. Didon était couché sur le tapis à mes pieds. De temps à autre il levait la tête com­ me pour me dire: «Est-ce qu’on ne va pas se coucher cette nuit? et il s’étencBait de nouveau. L eyla se mit à raconter d’une voix que l ’é­ motion faisait trembler l ’histoire d’A li Kâmran

♦ * *

— Il semble que je sois venue au monde rien que pour endurer les souffrances de la vie. On m’a aimé, j ’ai aimé. Mais le résultat fut ces ruines arrachées à mon coeur, à ma vie. A l ’âge encore bien jeu­ ne où je suis, je ne me sens pas at­ tirée vers la vie autant que cette vieille Mme Jïopeben. Si je ne m ’étais adonnée à l ’étude depuis

Feuilleton de “ La République ”

¡VINGT ANNEES EN

E U R O P E

Par REBIA TEVFIK BASOKCV

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

des années, si je m ’étais venue

maintenant vers toi afin de tra­ vailler de toutes mes forces, la vie serait devenue pour moi un far­ deau insupportable.

Lorsque je scnge aux raisons de tout cela j ’ai horreur de l ’amour et des amoureux. L ’amour me semble comme le plus virulent des microbes, car j ’ai été amoureuse dès mes 8 ans, alors que je n’étais qu’une fillette. As-tu jamais enten du une chose pareille? Amoureu­

se avec tout ce qui s’ensuit : in­ somnies, larmes, émotions...

— Ma pauvre Leyla! Tu as donc éprouvé les déceptions de l ’amour dès ton bas-âge.

Leyla ne me répondit pas. Elle se remit à pai'ler :

— J’avais exactement huit ans. Ma soeur aînée s’éta’it mariée de­ puis déjà quelques années avec un jeune homme de bonne fam ille qui avait un grand hôtel à Çember- litas ic’est actuellement le foyer

des étudiants en médecine). Chez nous, on n’emportait pas les en­ fants lorsqu’on faisait des visites mais sur l ’insistance de la dame de l ’hôtel ma mère nous y emmenait une fois par an, pendant le Rama- zan. Après le repas le beau-père et le beau-frère de ma soeur nous menaient au spectacle.

Une nuit que nous étions allés encore chez ma soeur, je rencon­ trais un jeune homme ; on m’ap­ prit qu’il s’appelait A li Kâmran bey. Je ne peux te donner une idée de sa beauté. Dieu lui avait donné des yeux d’une beauté mer­ veilleuse. Une grande émotion s’em para de mon petit coeur dès ce mo­ ment. Je devins amoureuse de lui sans savoir ce qu’était l ’amour, ce que signifiait Te mot aimer.

Comme toujours, en pareille cir­ constance, nous-allions au théâtre après lè^Fep8s'2umstÎa 'lo g e , A li Kâmran se trouvait derrière moi. Je ne savais pas ce qui se passait sur la scène. Je songeais plutôt à. ce garçon dont je ne voyais pas la figure. Et lui, comme s’il avait

conscience de mes sentiments, se penchait parfois vers moi pour me dire :

— Voudriez-vous prendre quel­ que chose mademoiselle ?

J’étais confondue lorsque je l ’en­ tendais me poser cette question. Je sentais en outre qu’il me caressait doucement les cheveux de ses doigts. Je ne parviens toujours pas à trouver les m#ts qu’il faudrait pour analyser mon état d’âme en ce moment.

A 1’entr’acte. A li bey proposa de faire un petit tour dehors. Les dis­ tractions étaient nombreuses à ce moment à Direklerarasi.

Quelques minutes plus tard j ’en­ trais dans la grande maison de jouets Kâni avec A li bey qui me tenait par la main. Il choisit une grande belle poupée à mon inten­ tion. Lorsqu’on appuyait sur un bouton la poupée prononçait dis­ tinctement les mots Papa, Maman; toutes ses articulations jouaient jusqu’aux phalanges de ses doigts et elle avait même des boucles aux oreilles. ( à suivre )

t

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*

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Lorsqu’A li bey me demanda si la poupée m ’avait plu, j ’allais fuir de honte si cela m ’avait été possi­ ble. Je répondis :

— M erci bien, je n’en veux pas. Mais A li bey ne m ’écouta pas et la poupée fu t achetée. I l o ffrit en outre un bel écritoire à mon frè ­ re. Nous revenâmes ainsi à la lo ­ ge, lestés de la grande boîte conte­ nant la poupée. Et je sentis jus­ qu’à la fin du spectacle le bout de ses doigts qui se promenaient sur mes cheveux.

De cette nuit, ma petite exis - tence fut pleine d ’A li Kâmran : le revoir encore, consacrer tous mes jours, tous mes moments à ma pou pée. J ’appelais ma poupée Aliye- cik, mais personne ne savait cela.

J ’étais littéralem ent folle. Je ne savais que faire pour avoir des nouvelles d’A li bey. Ma soeur a- vait à cette époque une servante grecque : Caliopi. Un jou r qu’el­ les étaient venus chez nous j ’osais lui demander :

— Caliopi est - ce que tu as ja­

mais vu un certain A li Kâmran bey, à Cemberlitas ?

— Oh, oui, c'est un très beau monsieur. Quels yeux magnifiques I l n’a que 18 ans paraît - il. I l va à l ’école

— Est - ce due tu lui as jamais parlé Caliopi ?

— I l caresse l ’enfant de votre soeur toutes les fois qu’il le voit dans mes bras. I l prend aussi de mes nouvelles. C’est un jeune hom me très poli, très distingué. I l y a quelques jours, il a couché chez nous. C ’est moi qui lui ai servi le déjeuner dans sa chambre.

— Dans quelle chambre, a - t il couché ?

— Dans la chambre d ’ami. Ley- la hanim, voulez - vous me per - mettre de vous dire quelque cho - se ? Lorsque je lui portais son déjeuner, il était en train de re - garder votre portrait devant le m i­ roir.

— Vraiment Caliopi ? Com - ment sais - tu que c’est mon por­ trait qui regardait ? Est - ce qu’ il n’y a pas d’autre photos devant

Feuilleton de “ La République

VING T ANNEES EN

E U R O P E

Par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

le m iroir ?

— Voyons Leyla hanim, il ne peut y avoir confusion puisqu’il l ’avait à la main.

— Oh... mais peut - être le re­ gardait - il parcequ’il avait des dé­ fauts.

— Mais non. I l est resté deux nuit chez nous et chaque fois que je lui portais son déjeuner, il a - vait votre portrait à l‘a main.

— C ’est m erveilleux. Oh que tu es bonne Caliopi !

Et je lui donnais un beau mou­ choir de soie.

Pendant la fête qui suivi le Ra- mazan, A li Kamran bey vient fé ­ liciter mon père. Mais je n’eus pas le courage d’aller le voir au Selâm lik .(l) Mais lui parti, je courus au Selâmlik à une heure où person - nés ne s’y trouvait et je caressais 1

(1) Dans les anciens demeures turques, partie réservée aux hom­ mes.

le fauteuil sur lequel il s’était as- si, comme si ce fauteuil sur lequel il avait pris place pendant une de­ mie - heure avait acquis un carac­ tère sacré pour moi.

Au cours de la même fête, ma mère m ’emmena un jour à Çemberlitas. A peine avait - je pris place qu’une dada vin t me di­ re que ,1e beau - père de ma soeur m ’appelait au Selâmlik .

Je n’étais occupé que d’A li bey, je ne songais qu’à lui depuis mon arrivée dans cette maison. Est - ce Que j ’aurais le bonheur de le voir encore ?

Lorsque je vis au salon A li Kâm ran assis dans un fauteuil, au coin, je voulus revenir sur mes pas, fuir. Mais A li bey sauta sur ses pieds, vint me prendre par les mains et me fit asseoir près de lui sur le canapé :

— Leyla hanim me dit - il, pour quoi me fuyez - vous?... Quelle bel le robe!... Ne penchez pas la tête voyons, je n’arrive pas à vous voir.

J’étais incapable de répondre. Entendre sa voix, me savoir près

de lui m ’avait fait ,______

de w f a - q ¿ W

Une année plus tard je revis A li Kâmran au dîner de Ramazan à Çemberlitas. Mais savez - vous comment se passa cette année ? _Je ne m ’occupais que de ma poupée, de mon A liyecik. Un tel feu dé­ vorait mon coeur, que des larmes coulaient de mes yeux lorsque j ’en laçais ma poupée dont les pauvres cheveux devenaient tout mouillis. La maladie même ne pouvait me séparer d ’elle. Elle était toujours entre mes bras, au lit, à table... Je me croyais une orpheline tout comme ma poupée. Tout était pour moi prétexte à pleurer en cachet­

te.

Te rappelles - tu, une fois à P a­ ris tu m ’avais demandé comment j ’avais appris à coudre si bien.

— Certes oui et ta science dans ce domaine m'étonne toujours.

— C’est la tendresse que je por­ tais à ma poupée sous l ’effet de mon premier amour. Personne au monde ne m ’a appris à coudre.

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— Leylâ, !ui dis - je, ce senti­ mentalisme chez une petite fille m ’étonne. Mais qu’est - il advenu de ce grand amour ?

— V oici ce que j ’appris sur le compte d’A li bey après m ’être dé­ battue pendant longtemps : le beau - père de ma soeur vint un jour voir mon père pour lui de - mander ma main au nom d’A li Kâmran Comme j ’étais très petite A li bey allait attendre, et

entretemps il allait terminer ses études.

A li bey n’avait pas de parents. Il habitait dans le konak légué par son père Fahreddin bey qui avait été ambassadeur, en compagni.. d’ un vieu x serviteur et de sa ncuri- ce. L e beau - père de ma soeur protégeait ce fils d’un parent éloi­ gné et gérait ses biens. Et comme A li bey était beau, tout le monde voulait lui donner sa fille en ma­ riage.

Mais papa répondit à cette de - mande en disant :

— Je ne puis fiancer ni engager une fillette de 9 ans.

— Peut - être bien, que ce re fus a tué le vrai bonheur pour toi Leylâ.

— Sans doute. Si mon pauvre père s’était douté de mon grand a- mour pour A li Kâmran, il n’aurait jamais pris une décision aussi du­ re. Mais le respect, que nous por­ tions à nos parents la crainte que nous avions d'eux ne m ’auraient jamais permis de dévoiler mes sen timents. Ce prem ier amour laissa en moi l ’impression qu’on ne pou­ vait atteindre à l ’amour, que c'é­ tait là un sentiment inexprima - ble. Je suis une malade condam - née à en subir toujours la souf - france de loin.

— Pauvre Leylâ ; tu n’as donc plus revu A li bey après le refus de ton père ?

— Oh ne m’emmena plus à Çem berlitas pendant le Ramazan ou le Bayram. J’eus bientôt douze ans et cette histoire d’enfants fut ou­ bliée. Je ne pleurais plus et ne faisais plus de folies.

Un jour j ’appris qu’A li bey al­ lait se marier. Maman me faisait coudre une belle robe pour son ma riage. Je le v ;s pour la dernière

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~ n j~ d r x o ir > n c i * * « » B ^ * w » * * ^ m

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Par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

fois le jour de ses noces, au bras J>e mauvaises nouvelles arri - de sa femme. A v e c ma petite tail- vèrent bientôt. A li bey mourait le j ’étais perdue au milieu des au- p k lip jfti» deux années après son très dames, mais je voulais abso- mariage. Pauvre maître qui m ’a - lument qu’il me vit. Je montais vait enseigné l ’amour et mon a r t . sur une chaise II était impossible Je lui en suis encore reconnais - qu’on ne me vit ainsi avec ma ro- saute. J’ai plus pitié de lui Que de be de mousseline b l e u e * moi.

Tl s’aperçut de ma présence en L eylâ les yeux fixés sur un point montant les escaliers et s’arrêta s'arrêta comme si elle passait en une minute pour me regarder. J’ revue ses anciens souvenirs. Puis étais toujours sur la chaisse, la tê- elle continua :

te tournée vers lui. Nous nous re- — Mais ce premier amour avait gardâmes longuement, mais sans sans doute fouetté ce sens en moi nous sourire. puisque quelques années plus tard

je ne pus m ’empêcher de tomber gardait profondément, puis me di- amoureuse de Nizameddin bey. fils sait au revoir... en caressant 1 en- d’un membre du Sénat , notre voi oolure de son cheval,

sin à Çubuklu C ’était un jeune Je me mis à aimer follement Ni- homme de taille moyenne, svel - zameddin bas?. J’aimais de toute

te, très bien fait, un blond aux ’ a force du coeur d’une jeune fil- yeux bleus aide - de - camp du le de 15 ans rêveuse et sentimen-

Sultan. taie. Je ne dormais plus, je ne

Tous les vendredis en rentrant mangeais même plus,

du Selâmlik (1) du Sultan - Ha- Un jour en passant près de no- mid il venait chez son père, fai - tre jardin, Nizameddin lança une sait seller son beau cheval arabe à lettre à travers le grillage. Je cou- {¡^tidÊWfcgrise, sau ^ ^ s m ^ ^ ^-avec tus la prendre. Mon coeur battait son bel uRif o in n e ^ u o r u la ie n ta e s ' d se rompre tandis que mes mains aiguillettes, ses épaulettes et ses

bottes et faisait courir sa monture dans la prairie s’étendant derriè­ re notre jardin.

Aujourd’hui même je ne par - viens toujours pas à savoir si j ’é­ tais amoureuse de Nizameddin 1*9çr ou de son uniforme.

J’allais souvent me promener a- vec mes frères et soeurs dans la prairie, sous la surveillance de ma nourrice. Nous y rencontrions tou­ jours Nizameddin W*«r. Chaque fois qu’il passait près de moi, il me re- 1

(1) Cérémonie au cours de laquel le le Sultan allait à la mosquée.

et tout mou corps tremblaient. Mais cette lettre que je lus avec tout mon amour ne me plut pas. En effet, Nizameddin me priait de le rencontrer dans la prairie. Tu rais aussi qu'à cette époque, le fait pour une jeune fille de bonne fam ille d’aller à un rendez-vous pareil était considéré comme une

grande M algré tout

je ne pouvais ne pas répondre à cette lettre. Savoir qu’il m'aimait allait me faire vivre. J’avais be­ soin d’entendre sa voix.

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94 vue Nizameddin. En effet, leur Dana ma réponse Ije lui fixais

un rendez - vous a<Ajardin, par clair de lune. Nous îe courrions pas le danger d’être découverts sous la pergola Mais il n’eut pas le courage de venir. Je compris a- lors Que son amour r.'était pas réel. D ’après moi, jl’ amour exige le sacrifice.

Un beau jour une fem m e vient chez nous. Elle repartit après avoir longuement parlé avec ma mère. J’appris par la suite que cette fem me avait été envoyée par la mère de Nizameddin pour sonder le terrain. On allait me demander en mariage si mes parents n’y vo - yaient pas d inconvénients.

Mais cette fois encore mon père répondit qu’il ne saurait me don­ ner en mariage parceque j ’étais faible et petite. On apprit ainsi la raison de mes insomnies, de mon manque d’appétit, et, on m ’envo­ ya jusqu’à l ’automne à Çamlica chez mon oncle.

N otre retour à Istanbul en hi­ ver me fit totalement perdre de

maison à Çubuklu avait brûlé pen dant l ’hiver Je ne revis plus les beaux cordons argentés de son u- niforme, ses blonds cheveux b ril­ lants sous le soleil éclatant d’éte.

Ce deuxième amour remplit d’ une foule de rêves les 4 ou 5 an - nées de ma v ie de jeune fille. Mais l ’amour fut toujours pour moi. une maladie épuisante qui ne donnait aucune satisfaction.

Je t’avais raconté à Paris com­ ment je m ’étais m ariée et pour - quoi j ’avais divorcée. Tu vois donc que le mariage n’a été d’aucune utilité pour me satisfaire.

— Je comprends Leylâ, tu as vécu solitaire pendant tout les cours de ton existence.

—- Certes oui, et j ’ai toujours' souffert seule. Lorsque je fus ar­ rivé à l ’âge où il m ’était possible de comprendre l'amour, mon coeur était tellement fatigué des peines que j ’avais subies, des émotions et des souffrances interminables que j ’éprouvais '... Pourtant, ces soiu- írenees faisaient tellem ent partie de mon être que je ne croyais pas

Ce aillé ton de " La Uépublique ” iwinrfwiii' i wwnii— ri

VING T ANNEES EN

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Par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAft KUNT

pouvoir vivre sans elles ..

Il était nécessaire que mes re­ gards touchent à l ’amour pour voir les couleurs de la nature, ses beau­ tés. les attraits infinis de la vie J’étais habituée à la solitude, à tout. Mais la lumière qui éclairait mon coeur ne devait pas s étein - cire. I l fallait qu’elle éclairât mor âme, un peu comme ces cierges al­ lumées autour d’un mort.

C’est à une période où j ’avais le plus soif d'amour que je fis la rencontre de|&tSti6i J’avais 24 ans

à cette époque. I l me faut avouer que jamais l ’amour n’avait été tel­ lement opérant sur moi. Je l'ai - mais comme une folle, mais tou jours de loin. 11 n’a jamais su T

ardeur du feu qu’il (alluma en moi.

Je ne pouvais pas unir ma vie à la sienne Lorsque je songeais qu’un jour il pourrait en avoir_ai sez de moi et que

condamnée ù-p o itcr -mn nationa ltt» oonaaae—rm -facdoau de honte,— 4»-' refusais ■ aa-m otHr

Lui parti, je ne dormis pas pen­ dant quatre mois. Chaque nuit ] ’ appuyais nui tête sur la balustra­ de du balcon de ma chambre à coucher et, les yeux fixés sur ies eaux sombres d % I V j iy» fclatten - dais u’u'ne force incorm uer*^ la nature me ramenât cet homme.

M e croiras - tu : la douleur de ce rêve m ’a tenaillée jusqu’en ces dernières années. J’e nai été fina­ lement délivrée par mes livres et mes études en Sorbonne.

Ce fut la dernière crise, la plus meurtrière, du mal qui me tortu­

rait dès l ’enfancc* Maintenant je n’ aime p lu sf3 *zl*£ . je n’aime plus personne. J'ai horreur des amours fu i ne sont pas éternelles!... Mais U'amour qui est en moi v it toujours et chez moi. tout naît de l ’amour. Du reste je n’arrive pas à faire quelque chose qui ne soit inspiré par l ’amour...

Leylâ regarda pendant Quelques secondes devant elle comme pour se concentrer ; elle cligna ses pau­ pières, pensa, puis soudain rele - vant la tête elle me fixa. Mais elle

semblait ne pas me voir

' F * * * * -

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a J h 4 * ¿ *

Enfin elle me dit :

— Cela te semblera peut - être étrange, mais je dois avouer que les amours et les sentiments Qui sont individuels n’arrivent pas a rem plir le vide profond de mon âme.

Je suis maintenant en extase de­ vant une force qui m ’attire vers l’éternité, et à laquelle j ’ ai voué toute mon existence. Qu’est - ce que cette force éternelle ? Je f ignore. Peut-être qu’avec l ’âge je le saurai, je connaîtrai l ’objet de ce véritable amour Je ne /.fais: /que brûler intérieurement : Pourquoi? Je ne le sais pas. mais je le sau­ rai un jour et je te le dirai II nc- s 'a g it, pas d ’un être humain, mais de m illier sd'êtres humains peut - être, »w- pmiij étra- rle tout- ultime

yhfrfia • jn —

-wé-Cette voix profondeVùui trem - blait n’était pas celle de Leylâ, qui, quelques heures plus tôt riait et plaisantait avec les Kap£ , avec ^ î'insouciance d ’un enfant.

( à suivre

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(6)

— 95 —

J’éprouvais en moi une peur in­ connue devant cette voix. En mê­ me temps, je regardais inlassable­ ment cette Leyla avec une admira­ tion étrange

VI1

La lueur pâle des dernières bou­ gies qui fondaient sur l ’arbre de Noel, la senteur légère du pin et des Lilas blancs qui se mêlaient donnaient à cette chambre le carac tère d’un mausolée où reposeraient de nombreux amants.

Didon leva la tête à plusieurs reprises pour me regarder, puis soupirant profondément, il reprit son somme.

Je n’avais pas vu Leyla aussi belle que cette nuit. L ’ardeur de son coeur délavé depuis ses huit ans par l ’amour se reflétait dans son regard. Je n’ avais vu person-1 ne qui fut capable de raconter a- vec une émotion aussi brûlante les

amours passé :

— Leyla, lui dis-je, tu as telle­ ment changé en racontant toutes ces histoires, tu as tellement em­

belli que j ’ai enfin compris pour­ quoi on t'aim ait tellement. Qui sait comme tu seras adorable lorsque tu auras le véritable amour dans ton coeur î

— Cela, tout le monde me le di­ sait à l ’époque, mais je sais que je ne suis pas belle. Désormais tout le monde me verra laide, car je ne voudrais plus Jde |*amour pour m’embellir. L e roman de cette tris­ te vérité est fini, bien fin i cette nuit. Tu verras que je serais toute autre demain au travail... Oh mon Dieu, quelle heure peut-il bien ê- tre ? Je t’ai empêché de dormir.

— Il est encore tôt. voyons. Cinq heures et quart seulement. Viens Leyla, prenons un peu de fruits. Tu as besoin de te rafraî­ chir. Tes joues sont toutes rouges. Leyla sauta sur ses pieds et alla dans la salle à manger, puis pre- nan tquelques raisins, elle me dit:

— Crois-tu qu’il est facile de faire tenir dans quelques heures les émotions de toute une vie ?

Puis elle me dit les regards loin tains comme si elle suivait un

cê-Feuilleton de “ La République

(VINGT ANNEES EN

E U R O P E

Par REBIA TEVFIH_ BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

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Quelle folie, mon Dieu, quelle folie ! Mais je ne me repens pas de tout ce que j ’ai souffert. C est grâ­ ce à ces souffrances que j ’ai com­ pris ce que c'est que la vie, l ’abné­ gation. Désormais je chercherai à connaître l ’amant étem el.

L a vie de travail recommença pour nous après la nuit du Jour de l ’An cassée à la Mascotte avec les tKaJl£ et les Goeting.

Douée de grandes capacités, d’un sens artistique sans pareil, Leyla s’habituait à faire l ’essayage sur les clientes. Elle apprit si bien cet art qu’une année plus tard tout le monde voulait que ce fut elle qui fit l ’essayage. Des incidents a- vaient même lieu de ce chef par­ mi mes clientes.

L e travail avait tellement aug­ menté en 1928 que Leyla et moi ne pouvions plus suffire aux essaya­ ges. Je fus obligée d’engager, à

il irjimi wrlfililfltlrirtnrrTnrnmi»- une es­ sayeuse qui travaillait dans Tune des plus grandes maisons de Ber­ lin. Mais cette femme ne nous fut d’aucune utilité. Un jour une clien­ te allemande sortit de la chambre d’essayage et me dit, furieuse :

— Si vous allez faire faire l ’es­ sayage par cette femme, je ne re­ mettrai plus .¡es pieds ici. A quoi bon m ’adresser à vous du mopu-iiL que je porterai la robe anfifrr&F«&2 «ffe-p a r une Allemande ?

— Alors, veuillez attendre v o ­ tre tour. Voyez la salle d’attente est pleine.

En effet, celles qui venaient chez nous ne pouvaient supporter que l ’essayage fut fait par d’au­ tres que Leyla ou moi.

Un jour, l ’ambassadrice elle-mê­ me en eut assez d’attendre l ’essa­ yage. Elle finit par se révolter :

— Mon Dieu, dit-elle, c’est pire qu’un dentiste ici. La rue est plei­ ne de voitures et il faut attendre des heures et des heures. Désor­ mais je viendrai les dimanches

pour l ’essayage.

De ce jour, les dimanches ma­ tins furent consacrés à l ’essayage des robes de Mme l ’ambassadrice.

Dans la couture, l ’essayage est la partie qui est la plus fatiguante.

Un jour, la femme d ’un diplo­ mate qui se rendait d’urgence à Paris vint à l’essayage à deux re­ prises. L e soir, elle me dévisagea a l .

tentivement puis me dit' : SCt-ClA.

_ — Qu’avez-vous madame i^V ou s aviez de toutes autres couleurs le matin, tandis que maintenant vous êtes toute pâle.

— Cette couleur, lui dis-je, c’est mon masque de tous les soirs. Elle est causée par la fatigue.

* ♦ *

Nos affaires acquérant sans ces­ se de l ’ampleur, les magasins de gros de Paris nous ouvrirent des crédits. Le crédit de la maison Bianchini Ferier, la plus grande de toutes, eut lieu dans des circonstan ces curieuses.

(7)

— 96 —

Un jour, la maison Bianchini nous avait envoyé une facteur er- ronnée. L e comptable me dit :

— La maison s’est trompée. El­ le nous demande beaucoup moins que ce que nous lui devons. Que dois - je faire V

— Ecrive?, immédiatement à Bianchini pour lui rappeler cette erreur et lui demander de nous en voyer une facture exacte, dis - je.

Un mois après, cet événement, un représentant de la maison B i­ anchini v in t chez nous et me dit:

“ — L e directeur a été tellem ent satisfait de votre lettre lui rappe­ lant que la facture qui vous était envoyée était érronée, qu’il m ’a donné l ’ordre de vous ouvrir un Crédit illim ité et d’apprendre la nationalité à laquelle appartient la propriétaire de l ’entreprise.

C’est une maison turque, mon - sieur, lui dis - je.

L e représentant ne dit rien, mais dans le salut qu’il me fit en par­ tant il y avait un caractère plus profondément respectueux que

dans celui qu’il m ’avait fait en venant.

Mais à mesure que les affaires prenaient de l'ampleur une foule de tracas commençaient à m ’assail­ lir. Tous les employés de la mai­ son, depuis les vendeuses, ouvriè­ res et mannequins jusqu'au compta ble voulaient profiter de mon ca­

ractère d’étrangère et semblaient faire cause commune dans ce but. Us demandaient chaque deux ou trois semaines d’augmenter leurs salaires ; ils se plaignaient de ce qu’ils, touchaient ne leur suffisait pas de sorte que la maison était continuellement assaillie de de - mandes.

Les impôts étaient une autre source de tracas insupportables. Mous payions des impôts à 12 ou 13 bureaux différents. L ’argent payé mensuellement pour l ’assu - tance et la caisse maladie des ou­ vrières s’élevait à jefe£\m illiers de marks.

I l ne nous fut jamais donné de déjeuner à l ’aise le matin. A neuf heures, on sonnait immanquable­ ment à la porte : un gros

encais-E|uilleton de “ La République

VING T ANNEES EN

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Par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc paf MAZHAR KUNT

seur avec un portefeulle sous le

bras entrait aussitôt et demandait le paiement de certains impôts. Les gens qui venaient n’étaient pas tou jours les mêmes et les impôts con­ cernaient des chapitres variés Et, lorsqu’ils ne trouvaient rien à de­ mander ils se mettaient à contrôler les livres.

Mes voyages à Paris avaient surtout le don d’énerver les em - ployés du fisc. Iis me disaient que je n’avais pas le droit de dépenser tant d’argent et d’exporter si

a-bondamment la devise allemande. I l faut ajouter à ces ennuis ceux causés par les procès. I l fallait tra­ duire en justice les clients

qui

ne léglaient pas un compte impor ■■ tant. Ou encore c’était la proprié­ taire qui nous demandait de l ’ar­ gent en plus que le montant indi­ qué dans le contrat, d'où procès. Ceux - ci réglés, il y avait une ou­ vrière qui venait chez nous en di­ sant “ Je suis en chômage et vou -

drais travailler avec un salaire réduit. ” On l ’engageait, mais quel

ques mois plus tard, elle intentait un procès, prétendant Qu’elle était une ouvrière expérimentée, qu’on ne lui avait pas donne le salaire auquel elle avait droit. E lle éxi - geait ainsi un salaire double pour tout le temps qu’elle avait travai1- lé chez nous.

Pour une jeune femme qui n’a pas été élevée dans la discipline du travail, le fait de lutter seule con­ tre tout cela est quelque chose de plus fatiguant que le travail mê­ me. E lle sait en e ffet que tout tra­ vaille contre ses intérêts.

On pourrait se dire à cette occa­ sion :

— I l y a des milliers de maisons de modes dans les diverses villes de l ’Europe Comment parviennent elles à se tirer d’affaire ?...

La réponse est simple :

— Aucune maison de modes de l'Europe n’a ouvert ses portes sans capitaux ou sans avoir été gran - dement aidée moralement e t ma - tériellement par un riche ami. Les fameuses maisons de couture de Paris et de Berlin ont toutes com­ mencé à travailler avec lé capital

fourni par des amis et elles ne par viennent à se maintenir que grâce à cet appui. Il est naturel que cet­ te façon de travailler n’impose pas de fatigue morale. Mais d n’est pas d ifficile de comprendre à quel point le fait de tenir honorable •- ment les comptes d’une maison ne disposant pas de capitaux et d ’ao- pui, de supporter la pression exer­ cée par uñe foule d.employés qui ne font qu’exiger touiours davan­ tage est harassant pour les nerfs.

Souvent les Kaj|jt.et les Gotnig qui étaient très intimes avec nous, nous conseillaient de ne pas ac cueillir favorablement ces deman­ des. Mais je savais que je ne pour­ rais continuer à demeurer dans ce pays si je m ’abstenais de donner, c’est pourquoi ie leur répondais :

— Cela, c’est l ’impôt que je pa­ ye à cause de ma qualité d’étran­ gère. Si je n'arrive pas à m ’en ac­ quitter, on ne me laissera pas v i­ vre en paix ici

J’étais persuadée que cet impôt d’étrangère influait jusqu’aux af­ faires extérieures de ma maison.

(8)

— 97

i forganis e N w * * A cette époque on ^organisait chaque année un bal deSnaiiê » ou encore un concours pour les m eil­ leures robes auxquelles on attri - buait des prix. Les maisons de m o­ des les plus renommées de Berlin' exposaient leurs * modèles en les faisant porter par leurs clients ou encore par des artistes de théâtre en renom. Ce bal avait lieu au Mar m jrjsa l.

Je participais au bal de la pre­ mière année avec quelques toilet­ tes de nuit. Je fis porter une robe de dentelles que je trouvais jolie par l ’artiste d’opéra M lle Nikola- yeva.

Leyla, quelques amies et moi - même, nous nous étions rendues au bal avec un certain retard pour assister au résultat. Mais à peine avions-nous pénétré dans la Mar- morsafl, que les applaudissements crépitaient déjà..

Peu après le résultat du concours imprimé sur papier fut distribué à toute l ’assistance. Je lu avec joie que notre modèle présenté par M lle Nikolayeva avait remporté le prem ier prix. Un autre de nos mo­

dèles était classé troisième.

Mais cet événement qui me ré­ jouit beaucoup pesa lourdement par la suite sur notre budget.

Lorsque l ’année suivante, les or­ ganisateurs du bal eurent recours à moi, ils me dirent que les mai­ sons du mode allemandes ne trou­ vaient pas bon qu’une maison é - trangère parùcni&gà, ce bal et que je devais pafe r pB^Accflt^fl’entrée si je voulais y exhiber mes modè­ les.

N ’ayant pas l ’habitude de m’ar­ rêter à mi-chemin, je payais la somme. Cette année là mes robes étaient portées par deux belles dames de l ’ambassade de Turquie Par un heureux effet de la fortu­ ne, notre maison fut encore clas - sée première.

La troisième année j ’exhibais mes modèles sur mes clientes al - lemandes. La chance me favorisa encore e t, je gagnai le premier

prix. * Mariaient du». bfll Feuilleton de “ La République y\%

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Par REBIA TEVFÏK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

ir r r---lu- i f r î T l r I i ni 1

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radée augmentant -choqua an

Tout en nous occupant de ncs affaires à la maison, le Club Turc ne chômait pas non plus. Notre ambassadeur , Kemalettin Sami pasa, avait désiré l ’ouverture d’u­ ne succursale de l ’association pour la Protection de l ’Enfance à Ber­ lin. Cette succursale fut fondée au Club Turc sous le patronage de T ambassadeur et de l ’ambassadrice On m’élit au comité d‘administra - tion.

Nous organisâmes un bal au

Club pour avoir de quoi envoyer de l'argent à Ankara. Kemalettin Sami pacha s’en remit à moi et au peintre Kenan du soin de préparer les décors.

Nous ornions les salons du Club avec des drapeaux turcs et nous placions de petites tables pour en faire un coin les plus intimes. Les jolies filles du conseiller d’ambas­ sade occupaient le bar placé daiis un coin. Nous préparions égale - ment une loterie. L ’ambassadrice avait fait venir d’Istanbul des ob­ jets très précieux pour être mis en loterie.

J’invitais au bal quelques riches tits nécessiteux de la patrie loin- couples d’industriels allemands sur taine.

lesquels j ’avais beaucoup d’in - U était déjà cinq heures du ma-fluence. Ils acceptèrent l'invitation tin, mais personne ne manifestait à la condition que je prendrais l ’intention de partir. La danse, la place à leur table. Il y avait aussi musique, la loterie, tout continuait les K a *fc nous retînmes une table Au buffet, il ne restait plus de de dix personnes. hors d’oeuvre et de boissons.il n'y

Mes invités trouvèrent exce] - avait plus que quelques olives dans lents le bal et l ’ambiance, Ils é - une assiette. Il semble que le cham taient pleins de gaieté. L ’atmo - pagne nous avait donné quelque sphère joyeuse qui régnait à notre exaltation, de sorte que je voulus table plut à notre "ambassadeur vendre très cher ces olives.J’alla's qui manifesta le désir de faire la au buffet et je dis :

connaissance de u o sjgô te^ _ 01ives gasdi o liv e s Saa. Ce fut surtcid% ±j±l*^fKa#|. qui, di...

plut à l ’ambassadeur, c a r ^ J f e d W ^ Les Allemands demandèrent : lui raconta qu’il avait été le com- — Combien cela^coûte 7 mandant de l ’escadre des torpil -

leurs à Istanbul pendant la guerre, et qu’il avait emmené avec lui,sur un torpilleur.. En ver et Talat pasa qui quittaient la Turquie par lq mer Noire.

J’étais extrêmement joyeuse

— Cinq marks rirrresa

■marn* pièce. Ce sont les derniers

hors d’oeuvre

— Maïs c’est un prix fou !

Je riais: ■

— Ne savez-vous pas que tout cette nuit car Abidin bey qui te - ce qui est marque «S adi» coûte nait le compte des rentrées m ’a - cher ? • • ■

vait m urm ur^à l ’oreille que la cou 11 y eut de nombreupx éclats de sommation faire à notre seule ta- rire et des voix pour répondre : ble dépassait §00 U *ti*m Tout cet .— C ’est vrai, parfaitement vrai, argent devait aller aux tout pe - ( à suivre )

(9)

a u x ^ eU ts disait

98 ^ olives que vous avez si bien su

_________.décrire tout fi l ’heure, de ces

oli-Mais en cette meme'"minute, iTilives embuées par la brume mati- autre tableau se présenta devant! nale de la Marmara et bercées au mes yeux : les forêts d'oliviers! chant des rossignols sur la route couleur vert foncé que je remar-l de Bursa. Je n’en veux pas d’au- quais sur la route de Mudanya en» très ' f 'I f nf -

allant à Bursa avec ma ^amacmmi Et S ^ W ^ rîa rit au temps de mon enfance... 11 me à Christine :

semblait revoir ces terres de la pa- — Regarde h'ienf Rebla ne vend trie que je croyais être alors les pas des olives au buffet, mais plu-, seules de l ’Anatolie du train pous- tôt des diamants noirs !

sif qui grimpait les pentes telle Tous le monde rit à ces mots, une voiture à cheval. y compris l ’ambassadeur qui nous

J’essayais de décrire ce tableau observait de loin en souriant, de Bursa la verte, vu dans mon en­

fance avec la nostalgie qui

m’ani-Feuilleton de “ La République

***

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Par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

mait à ce moment.

Un gros invité disait à sa fem ­ me :

Que les hommes sont étranges. Les olives auxquelles personne n’a vait voulu goûter de toute la nuit leurs semblèrent délicieuses en ces — Gretchen, remarque bien, ces derniers minutes. Et, pendant que olives ont un goût spécial. je remettais à Abidin bey une as

Plus loin, un homme, dont on siette pleine d’argent, contreva - disait que c’était un richard suisse leur des mes fameuses olives, Ke- me dit en me tendant une coupu- malettin Sami Pasa me disait : re de cent mark : •— Je tiens à vous avertir que

— Bursa la verte va m ’acculer si on accorde aux dames turques à la faillite, madame. Nous allons le droit d ’être élu à la chambre, vois®, ce que vous allez me mon vote sera pour vous,

donner pour ces cent marks. Mais Cette nuit, en rentrant chez eux je vous en prie, donnez - moi de les invités allemands me faisaient

les recommandations que voici : — N ’oubliez pas de nous inviter tcutes les fois qu’il y aura un bal turc. Nous avons passé de belles heures ici.

Quelque jour plus tard un con­ flit éclata au sein du comité d’ad­ ministration à propos de la répar­ tition des recettes du bal. Une par­ tie des membres voulait que l ’on cédât une certaine somme aux so­ ciétés de bienfaisance allemandes tandis qu’une autre, dont je fa i­ sais nantie, insistait pour que cet argent fut intégralement envoyée

aux enfants nécessiteux turcs. I e comité ne pouvant s’entendre dé­ missionna.

On décida d’(élire le nouveau comité d’administration en ayant également recours au veto des Turcs résidant à Berlin et à celui

des étudiants fmrcs.

Une nuit, leé^Turcs de 'Berlin

heureuse, car je savais que j ’allais pouvoir travailler d’un façon bien plus féconde Je cette manière.

* * *

J’étais également en excellents rapports avec quelques familles turques établies depuis longtemps à Berlin dont la femme d’Abidin bey et ses enfants. Abidin bey pos sédait une grande propriété esti - vale à fjjm o v it c h , sur la côte de la Baltique. Il s’y rendait chaque été et louait les chambres en sur­ plus, sans faire servir le repas.

Nous nous y rendîmes 17 Turcs pendant les vacances d’été de 1928

^ F 'nrnit -nvnoillrar d’-nmhnrnrt

de ■Baüid-Jlasit .b e y , spg...huiu filin

it fait parcourir dans toute l ’ipu ro^e ;; il s’était la it un idéal cM d e r ^ l a formation saine et syli - de de >bi jeunesse turque. Luttant contre despotisme cruel de i ’om pire penchant des! années, /l avait réussi à jet^f dans le p a j^ le s

fon-m r.v<| n t À n / c l l ’C

physique. I l était pr asmé lorqu’ü voj sir dans n’impor ’est pourquoi il te de modes turqu réussi. Lui - mêm temps à ne /r.e| émept enthous:- it fin turc réus­

uel domaine, it été très ccn maison qui\avait si BTen

passait pas son faireVà Berlin. totttoc trào belles- et bien ¿lovée?, Kemalettin s a m i pacha \ui ayant

l ’ettnghA H

-h|n, n ~ — mftv»

kkiserifi' d'mnini, ,rM im Girri boy ,' rn femmsiot Gaii damt fillesi

T’ nnin fnit In r r m f f n n ir * — 'de fiirri un rinb tm^— -A léunis au club m ’éürent à Tu- Rei-lrrr 1 toujours par Pe ntrom-ioe-nanimité à la Présidence de la suc

cursale de Berlin de l ’association pour la proieetion de l ’Enfance dont le patronage était confié à l ’ambassadrice. Cela me rendit très

B-otPo amlauvurfriTU.

C ’était un ilw m e"d e valeur qwî avait boauooup vnyagù ; ayant -T-r^tnd-ir rn gu H " r—- ... . 1.-,. /'Urjpcntirv.i -U Hn

--J e sentiment national f^ : p'n finli i i i J i V i i i i J i Turcs de/Berlin( Selim S i\ i bey se mit le lendemain même \ en- seigner/aux jeunes gens un ai\ de _____^Zevhpk» qu’il avait lui Vné

me /imposé. À la fête que n donna huit jour plus tard, cet^p danse remporta lq plus franc suc

!S.

(10)

Ce même été, L e yla se rendit à Istanbul. Sa tante malade, l ’avait mandée par dépêche. J’aimais be­ aucoup passer chaque été quelques jours à JTgîfnovitch, car j ’empor­ tais Didon. En effet, je passais très souvent mes vacances en dehors de l ’Allemagne. Je trouvais plus a - vantageux d’aller en France, en Suisse ou ailleurs. Mais, cela me réjouissait beaucoup de passer quel ques jours dans la v illfl, d’Abiriin bey, m’amusant comme une folle avec Didon.

Cette année, j ’avais amené de Londres un compagnon à Didon. Mutchi était de couleur grise alors que Didon avait le pelage fauve comme celui d’un lion. Qu’il serait amusant de les voir se débattre en­ semble dans la mer !

Notre société qui réunissait 17 Turcs à ^JÉfnovitch fut des plus amusants et intimes. I l y eut, certes, à une ou deux reprises des incidents qui nous énervèrent. L e premier fut causé par l ’antisé - mitisme. Abidin bey avait un fils

99 — de vin gt ans aux cheveux frisés

au nez un peu épaté. Un jour qu’­ on était au casino, un jeune A lle ­ mand vint le gifler en disant : — Nous ne voulons pas de juifs par­ m i nous. L ’enfant répondit du tac au tac, la police se mêla de l ’affai­ re ; on finit par tirer tout au

clair mais cela provoqua une gros­ se émotion dans le village.

L e second incident eu lieu à, eau se de mes chiens.Un matin, pleins de gaieté, nous nous étions rendus tous les Turcs à la plage. Mais au moment où nous allions nous bai­ gner avec les chiens, un gros A lle ­ mand se mit à gueuler de toute la force de ses poumons :

— Nous ne voulons pas de chiens sur cette plage i Maudits étrangers qui se croient partout chez eux !

On remarque beaucoup de ces grossiérétés parmi les gens de la classe moyenne en Allemagne. Je savais gela mais je fus très éner­

vée. gdjpB ÊËÊ individu ne voulait pas entendre raison et disait tout ce qui lui passait par la tête. Fina­ lement nous fûmes obligés de nous plaindre à la police.

Feuilleton de “ La République ” « M

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Traduit du turc par MAZHAR KUNT

étonnent. Je ne le savais pas si xé­ nophobes.

I l paraît qu’aux termes des rè­ glements allemands, on permet - trait aux chiens de se baigner à 500 mètres des gens, Nous nous éloignâmes donc de §00 mètres de l ’endroit initial. Le même jour, en rentrant à la pension j ’achetais de la toile blanche et rouge et après déjeuner je façonnais un grand drapeau turc.

L e lendemain je pris une hampe et plantais le drapeau sur ma hutte au bord de la mer. Il n’y avait

dé-*

sormais plus lien à craindre. Le rude souffle de la Baltique tenait toujours bien déployé le fier pa­ villon. I l n’y aurait désormais plus personne pour nous crier “ Mau­ dits étrangers ” . Ce jour - là, tous les Turcs, se téunirent à ¿ ’ombre

Ces événements Fournissaient le sujet des conférences que Selim Sirri bey allait donner à Istanbul S irri bey disait :

— Vraiment, ces Allemands m ’

Lorsqu’en automne j ’allais pren dre Leylâ au train, elle se jeta à mon cou les larmes aux yeux et me dit :

— Je n’ai plus que toi au mon­ de chérie. Ma tante est morte. Il ne faut plus m’abandonner.

— Leylâ, lui dis - je, tu es un bonheur que le sort a voulu m'ac­ corder. Est - ce qu’il peut y avoir au monde quoi que ce soit à qui je puisse comparer à tfi'vm im » ? Mais je ne veux pas être égoïste. Tu es encore bien jeunes. Je voudrais pour ton bonheur, que tu te maries avec un homme capable de te corn prendre.

E lle me regarda surprise au fond des yeux :

— Chérie, c'est qu'alors tu ne m ’ as pas comprise. Je n’ai dans le coeur rien que je puisse donner a un mari.

Lorsque le soir, nous nous aban­ donnâmes à nos fauteuils, l ’une en face de l ’autre, je lui dis :

— Leylâ tout le monde deman­

de de tes nouvelles. Ton absence a causé un vide non seulement pour moi, mais pour tous ceux qui te connaissent.

— Mais, quelle peut - être mon influence en cela ? On ne s’inquiè­ te de moi que pareequ’on sait que je suis ton amie.

— Voyons. Leylâ, laisse cette modestie, tu connais ton pouvoir mieux que quiconque. Te rappe­ lés - tu ce que notre ambassadrice avait dit récemment ?

— Non...

— Elle avait dit en pariant de toi “ il y a en cette femme une for­ ce qui vous attire. Tu as donc ou­ blié ? C’est que notre ambassadrice est aussi intelligente que belle... Elle n’aurai-; pas dit cela si elle n‘ avait constaté quelque chose de particulier en toi.

L ’autre jour la femme de gene­ ral Kôrner m 'avait invirée à de - jeûner Après le repas nous fîmes une promenade en auto au lac Wanzee avec Didon et

( à suivre )

s h ifp + i* '

d jL * ( L ê t x t î r ^

Taha Toros Arşivi

Referanslar

Benzer Belgeler

La première voulait faire la connaissance d’une dame de Paris plutôt qu’elle ne dé­ sirait s(e flaire confecficJtaner

Nous sommes très contents de vous avoir parmi nous.. Mme Damgar et moi préférâmes prendre du

Elle est tellement riche qu’elle ne perdra rien pour attendre encore quelque temps.. Où trouver ces soixante dollars qui représentaient alors de quoi acheter une

simple. Cet enfant d’Izmir plei nde franchise me ra­ contait son amour et me proposait le mariage.. Ça tombe juste. Ses parents lut envoient très peu de chose. La

admettait la moxt, si 1 amour voir rudement lutté pour échapper Le jour où ayant rompu mes pouvait tuer, mais elle ne pouvait à la tourmente qui vous

Nous travaillions beaucoup avec quelques ouvrières Que nous avons déniché au prix de mille difficul­ tés pour terminer les robes que nous avions. Nous allons

Mais si nous voulons que la pauvre Hélène nous fasse cela, nous deviendrons ridicules.. Du reste, nous ne resterons pas

Ro^jr nous écrivait toujours de Londres et chaque fois elle nous demandait d’y aller pour quelques jours.. SilVqffcdU Foreign