OCTOBRE 1953
■77(ûUtM0
'r>~ '/■>
29
Sultaniye vapuru Le bateau à vapeur «Sultaniyé»
Le «M oniteur» du 26 therm idor, an X I, re latait un événem ent sensatio n nel: une exp érience qui ven ait de fa ire la ¡oie des Parisiens d ’alo rs, le 14 août 1 8 03.
Il s’ag issa it des premiers essais d'un bateau e x tra o rd in aire, un bateau à vap e u r lancé sur la Seine par l’Am éricain Robert Fulton. Ces essais étaient im patiem ment attendus depuis plusieurs semaines et cependant on n ’en escom ptait guère la réussite; l'esprit public restait sceptique en fa c e de cette nouveauté.
Le fam eu x bateau était am arré au pied de la co lline de C h a illo t; la fo ule s'écrasa it sur les berges de la Seine, massée aussi sur la rive de l’île des C y gnes. Le lit du fle u ve, en ce point, était assez larg e pour perm ettre au bateau d ’évoluer librem ent.
« O r, dit le «M on iteur», c ’est un bateau d 'a p p arence b iza rre , puisqu'il est arm é de deux grandes roues posées sur un essieu comme pour un chario t; derrière ces roues est une espèce de grand poêle avec un tu yau, que l'on dit être une petite pompe à feu destinée à mouvoir les roues arm ées de rames p lates, et p ar conséquent à propulser le b atea u .»
L'expérience, donc, se poursuit. A la joie adm ira- tive des b ad au ds, l’esquif évolue plusieurs fois entre la pompe à feu de C h a illo t et la « B arriè re des Bons hommes». On fa it d ’incro yables essais de vitesse, et les Ponts et Chaussées extasiés constatent avec sa tis faction que le m erveilleux esquif, rem ontant le cou rant, avan ce à « la vitesse d'un piéton pressé», c ’est- à-d ire que, — vitesse record, — il parcourt environ 2 .4 0 0 toises, soit 4 kilomètres et 1/2 à l’ heure. Une telle m erveille sera enregistrée dans les « A n n a le s de l'Adm inistration des Ponts et C h aussées».
O va tio n s, enthousiasm e de la fo ule des sp ecta teurs. C ’est un étrang e revirem ent d 'o pinio n, car Ful ton, jusque là , n 'a v a it rencontré que l'ho stilité la plus g ran d e . Un prem ier bateau presque terminé a v a it été coulé en Seine sur son chantier, accident ou m al v e illa n ce , quelques sem aines a u p a ra v a n t. Et quelques heures a van t l'exp érien ce d é fin itive, on tra ita it encore le nouvel engin de «Fo lie Fulton».
Cette fo is, l'adm iration est rée lle et spontanée. C ep en d an t, si B o n ap a rte, avec le Directoire d ’ab o rd , puis prem ier Consul, s’intéressa a u x e x p é riences réitérées de l’inventeur, ce fut tout; m algré l'in sistan ce et les regrets des techniciens ses c o lla b o rateurs, il refusa d'utiliser cette nouveauté. Fulton quitta la France, porta la découverte en son p ays n a ta l; et M arm ont, dans ses «M ém oires», le d éplora fort.
Rem arquable m écanicien et grand novateur, Ful ton devait pourtant à un précurseur, à un ingénieur fra n ç a is, l’ idée du mode de n avig ation qu’il cherchait à mettre au point: Jo u ffro y d ’A b b a n s, presque un quart de siècle a u p a ra v a n t, a v a it étudié la question avec succès, mais sans aboutissem ent d é fin itif, hélas! Peut-être assistait-il avec amertume a u x essais de son riv a l, car à cette d ate, il était depuis peu de retour à Paris.
Et, sans doute, il se rem ém orait ses expériences d 'e n fa n t am oureux de la m écanique, alo rs qu’il es s a y a it de petits modèles munis de palettes sur les ruisseaux de sa Franche-Com pté n a ta le . H anté par l'id ée d'im iter les palm ipèdes, il am bitio nnait déjà de transform er les «g a lè res à ra m e s» ... Une visite à la
30
TOURING ET AUTOMOBILE CLUB DE TURQUIE
pompe à feu de C h a illo t, que les frères Périer v e n a i ent d 'in sta lle r en 17 74, lui a v a it ouvert des horizons immenses.
De premiers essais av a ie n t eu lieu sur le Doubs en 1 7 7 6 ; essais demeurés infructueux. N aturellem ent, les raille rie s ne lui av a ie n t pas m anqué; les sots l’av a ie n t a ffu b lé du sobriquet de « Jo u ffro y -la - Pom pe»; mais il n ’était pas homme à s’émouvoir pour si peu, et a v a it continué à tra v a ille r avec a c h a rn e ment. En 17 83, il était parvenu à lan cer à Lyon un grand bateau pourvu de son nouvel a p p a re il... L’em barcatio n remonta la S aô n e, jusqu’ à l ’île B arb e, sous les yeu x d ’un public enthousiasm é, et surtout en p ré sence des Académ iciens de Lyon qui dressèrent pro cès-verbal de la réussite. Le bateau à aubes avait m arché à souhait.
L’a d m irab le découverte était fa ite ; dès lors, Jouf- fro y songea à fo nd er une com pagnie pour explo iter son inventio n; mais il se heurta à des refus succes s ifs ... Il lui fa llu t attendre jusqu’en 1816 pour fo nder cette com pagnie; mais d'autres étaient venus. Une ruineuse concurrence l’empêcha de réussir. Découragé, il ren o nça.
Nous le retrouvons en 1830 au x Invalid e s, où il a été admis au titre d ’ancien c a p ita in e . C ’est là qu’il meurt du cho léra en 18 32.
M ais il fau t remonter plus loin encore dans la g énéalo g ie des b atea u x à vap e u r. Il y a , au début du 1 8ème siècle, le dernier acte de la trag éd ie d ’ une existence lam entab le s'il en fû t: il y a ce b ateau , ce prem ier de tous les b atea u x à vap eur, qui ne fut qu'un b ateau x-fan tô m e, et qui, pourtant, un matin de sep tembre 17 07, navig ua pendant quelques heures sur la Fu ld a, dans le H anovre. Ultime tentative de l’in venteur m alchanceux que fut Denis Papin e xilé . Il était sur le point d ’a b o u tir... Le prem ier de tous les b atea u x à vap eur s'ab îm a dans le fle u ve, détruit par la vindicte des b ateliers de la g h ild e de M unden, ja loux de leurs p rivilèges. C ’était l'anéantissem ent de tous les espoirs du m alheureux précurseur qui a lla mourir de désespoir en A n g le te rre ...
C'est g râce à ces lab o rieu x efforts de Denis P a pin, de Jo u ffro y d 'A b b a n s, de Fulton, de bien d ’autres encore, que l’ave n ir décida, et que se leva l ’aube de la n avig ation à vap eur.
Utopie encore, prodigieuse nouveauté, vers 18 20. N ouveauté dont le public restait e ffa ré : un v a p e u r!... Il fau t relire les lignes que Victor Hugo dans les « T ra v aille u rs de la M er», réserve au « d e vil-b o a ts» , au x b atea u x-d iab le s dans lesquels les pêcheurs d ’alors croyaient voir « l’enfer qui flo tta it» .
« Id ée fo lle , erreur grossière, absurdité, «Tel a vait
été le verdict des au gures, ou plutôt des sommités consultées au début du 19ème siècle. A vait-o n le droit de fa ire tra v a ille r ensem ble le feu et l'e a u ?»
Les esprits hardis passèrent outre, et le résultat ne fut pas si m auvais.
V o ilà comment, il y a juste un siècle écoulé, le prem ier vap e u r d'une g ran d e Com pagnie maritime fra n ç a ise , qui a v a it nom le « P é riclè s» , po uvait, dans toute sa g lo ire, quitter le p o rt...
Claude ESIL
L’Union Européenne des réfugiés
Le grand congrès de l ’Union Européenne pour l'Etude des problèm es concernant les émigrés et les réfugiés a inauguré ses tra v a u x p ar un grand dis cours de son Président, Dr. F. K . G e u k a y , G o uverneur d ’Istan bul.
A cette séance assistaient, en plus des délégués des p ays membres de l ’Union, les délégués du C on seil de l'Europe de l ’U N ESCO et de nombreuses per sonnalités du monde des sciences.
A près avo ir fa it rem arquer qu’il n 'y a pas de m eilleurs gardiens de la p a ix que les hommes qui ont passé p ar le creuset de la so uffran ce qu’occasionne la condition d ’ém igré, le Dr. G e u k a y a souligné q u ’en ven an t au monde, l'être humain app orte avec lui, et en lui, l’am our de l ’ hum anité.
— L'intelligen ce hum aine, a-t-il ajo uté, doit être consacrée à d évelo pper ce sentim ent. Et c'est avec regret que nous constatons que la ré a lité se d é velo p pe en sens inverse.
— On comprend donc, a dit le Dr. G e u k a y , com bien terrible soit tout mouvement qui tend à priver l'homme de ce fo ye r et de biens qu’il possède. D evant cette situation, le devoir qui incombe a u x hommes de sciences est celui de sau ve g a rd er l'hum anité d ’ un p areil flé a u .
«N ous sommes réunis ici précisément pour étudier les problèm es que pose les sans fo ye rs. Nous y som mes venus pour tra v a ille r dans le cad re de ces réalités et contribuer à l’établissem ent de la p a ix . N otre vo ix s’élève pour un seul but: app orter une a id e à des personnes qui so uffrent.»
L'orateur a décrit ensuite ce que la Turquie a fa it pour so ulag er la misère des m illiers de ces personnes rentrées dans la mère p atrie , et il a term iné, en sou h aitan t succès au x congressistes.
Le discours du Dr. G e u k a y a été longuem ent et chaleureusem ent ap p la u d i et le congrès s'est mis au tra v a il pour prendre co nnaissance des rapports des experts.
İstanbul Şehir Üniversitesi Kütüphanesi Taha Toros Arşivi