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MECHVERETOrgane de la Jeune Turquie

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SUPPLÉMENT FRANÇAIS

v *

janvier iso».

RÉDACTION

48, Rue Monge, 48

PARIS

MECHVERET

Organe de la Jeune T urquie

Pu b l ié so us la Directio n de Ahmed RIZA

PARAISSANT 2 FOIS PAR MOIS

Prix du Numéro

10 C E N T I M E S

«

Ordre et Progrès

»

SOMMAIRE

Le n ouvel ambassadeur de la République à Constantinople, par Spectator. — *898, par Hà l il-Ganeji. — Stupéfiant croupissement, par P. An u é g h iax. — Les Brigands impériaux, par Un Amide l a Turquie. — Un monument russe aux portes de Constantinople ; Perfidies réciproques, par AhmedRiza.

— A vertissem en t, par X X . — M . Constans à Constantinople, par H. G. — La Comédie continue, par U. A,, d. 1. T. — Lettre de Constantinople. — Le Sultan de Roumanie.— L e Commissaire du Quatuor, par Ahmed Riza.

LE NOUVEL AMBASSADEUR DE LA REPUBLIQUE

à C o n s ta n tin o p le

La diplomatie française sent le besoin de s'infuser un sang nouveau. De plus en plus, depuis ces dernières années, les postes élevés delà hiérarchie sont attribués à des étran­ gers à la carrière. M. Lozé, M. Poubelle, MM. Paul et Jules Gambon, M. Parère, M. Gérard, M. Harmand, M. Pichon, transfuges de l’administration ou de la politique, voire de la Commune, ont été pourvus de très importants postes diplo­ matiques. Aujourd’hui, c’est M. Constans qu’on envoie à Constantinople, en attendant que M. Léon Bourgeois soit pourvu de l’ambassade de Pétersbourg.

A vrai dire, dans le cas de M. Constans, le nouvel am­ bassadeur de la République française près le Sultan, ce n’est pas d’un début qu’il s’agit : c’est d’une rentrée. M. Constans a occupé, en effet, voilà quelque quinze ans, un poste des plus difficiles, celui de Pékin, et les personnes au fait des choses de Chine assurent qu’il est le seul des représentants de la P'rance près le Fils du ciel qui ait joui là-bas d’un véritable prestige. Ce n’est pas sa faute assu­ rément, si la France n’a jamais eu en Chine que de désa­ gréables affaires de missionnaires à régler et si l’unique levier de son influence a été et est encore — malgré cer­ taines apparences — le protectorat catholique.

Désagréables, douteuses et improfitables affaires de mis­ sions, louches affaires industrielles (syndicat Thévenet, pots-de-vin Ristelhueber, dragues du Fleuve jaune et le reste); la France passée à 1 état de petite puissance — ce qui existe ou a existé en Chine — M. Constans le retrouvera à Constantinople. Son expérience des choses de Chine pour­ ra donc le servir dans son nouveau poste. Nous voulons es­ pérer qu'il en profitera.

Sur quel levier s appuiera le nouvel ambassadeur pour tenter de redresser la situation fausse et humiliée faite à son pays par de récents événements auxquels les fautes de la diplomatie française ne sont certes pas étrangères? Pour remettre la France à son rang de grande puissance en Orient, à quelle force fera-t-il appel ? Au prestige de la France libé­ rale, émancipée et civilisatrice ; ou bien à l’influence du pro­ tectorat catholique ?

Les intérêts matériels (commerciaux, industriels, finan­ ciers) ne viennent qu’en seconde ligne : leur prospérité

dépend étroitement du prestige politique. Les progrès

inouïs du commerce et de l’industrie allemands dans le monde, depuis 1870, le prouvent bien clairement.

,La, se posera-t-elle, en Orient, comme la fille aî-nee de 1 Eglise, ou comme la fille de la Révolution ?

« L anticléricalisme n’est pas un article d’exportation ». A vec ce mot d esprit, la France s’est crue, depuis vingt- cinq ans, dispensée d avoir une politique en Orient et en Extrême-Orient. Sous le prétexte absurde que l’anticléri­ calisme, (c est-à-dire, au fond, les idées de neutralité reli­ gieuse, 1 esprit laïque), ne devait pas s’exporter, on a con­ tinué à exporter en masse les idées cléricales. Pour servir, pour s’attacher une infime clientèle religieuse, on s’est aliéné les masses profondes et les classes dirigeantes de l’islam et de la Chine, et la France de 1789 et de 1792 — ô ironie — est tout simplement, en Oriynt et en Extrême- Orient, le gendarme du pape.

Les résultats de cette politique sont aujourd’hui claire­ ment visibles ; ils donnent au total, non pas zéro, mais une quantité négative ; car il faut bien compter comme telle la prodigieuse impopularité que son attitude a valu à la France.

I eut-être serait-il temps, enfin, de changer de politique. Au lieu de s’appuyer exclusivement, comme on n’a cessé de le faire sous tous les gouvernements qui se sont succédé depms vingt-cinq ans, sur ce protectorat catholique, sans realite et dès lors sans force, peut-être conviendrait-il de se recommander un peu plus des idées libérales, des principes de tolérance, de neutralité religieuse, introduits dans le monde par la Révolution française.

L ’empereur allemand s’est proclamé l’ami de la Turquie et de l’Islam. Ce rôle, qni parait incompatible avec le carac­ tère piétiste de la nation et du souverain allemands, ne con­ viendrait-il pas merveilleusement à la France républicaine et émancipée ? A défaut de ses sentiments, ses intérêts de puissance musulmane en Afrique ne lui commanderaient-ils pas une semblable politique?

Que la République française remette donc au pape ou à une autre puissance (l’Allemagne même, celle-ci était assez naïve pour accepter ce dangereux et inutile fardeau) la pro­ tection des missionnaires catholiques; quelle pratique en toute occasion, une politique de véritable sympa­ thie à 1 égard de 1 Islam ; qu’elle se montre, conformément à son génie, l’amie des réformes dans l’Empire ottoman et s’emploie à les faire aboutir! Je ne lui demande pas dix ans pour voir les résultats moraux et matériels de cette nouvelle politique.

Si M. Constans, qui a pu constater le profond néant de la politique catholique de la France en Extrême-Orient, voulait se pénétrer de ces idées et les faire accepter par son gouvernement, il aurait rendu, tant à son propre pays qu’au pays vers lequel on l’envoie, le plus signalé des services.

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MECHVERET (Supplément français)

1 8 9 8

L ’année 1898 très agitée, très menaçante comme une mer furieuse, finit dans le calme. Il n’y aura pas de guerre pour cette raison bien simple que personne n’en veut, ni les Anglais qui sont trop habiles pour s’engager dans une pa­ reille aventure alors que la paix favorise leurs empiète­ ments, ni les Français qui maintenant aiment profondément leur tranquillité, ni les Allemands qui sont repus, ni les Ita­ liens que Ménélik a assagis, ni les Autrichiens si conciliants, ni enfin les Russes dont le Souverain préconise le désarme­ ment en faisant fabriquer force canons. Il y a bien les Turcs qui sont toujours restés guerriers ; mais ils se corri­ geront de ce défaut. Il y a aussi les Américains qui se mon­ trent belliqueux; mais ils sont si loin de nous. Ils ont enlevé quatre colonies aux Espagnols sans répandre beau­ coup de sang. Ce sont là opérations financières plutôt qu’actions de guerre.

Un Syndicat s’était formé pour accaparer l’île de Cuba, un autre pour s’emparer des Antilles et des Philippines, de même qu’il existe à Londres un puissant Syndicat pour mettre la main sur une grande partie de l’Afrique. Ce sont aujourd’hui les princes de la finance qui commandent en maîtres et les monarques obéissent.

Ils disent à l’Italie de rester tranquille et l’Italie ne bouge pas ; ils disent à l’Angleterre : vous compromettez nos opé­ rations en blés et autres denrées, ne faites pas la guerre ; ils disent à la-France: vous êtes la nation généreuse, donnez, donnez toujours, il vous restera la gloire d’avoir inauguré dans le monde la politique des mains nettes ; ils disent enfin à la Russie : si vous bougez, nous ne tenterons rien pour le

succès de vos emprunts.

Voilà pourquoi, malgré des apparences contraires, nous nageons en pleine paix et pour changer cela, il faudrait que les peuples fussent amenés de force à se battre, tant ils se trouvent bien de la longue période de calme qu’ils viennent de traverser.

C ’est du reste le désir unanime des nations de vivre en paix. Les peuples ne sont plus disposés à se dévorer entre eux et quand ils auront la fringale ils iront manger en A sie ou en Afrique. Les militaires eux-mêmes ont subi à ce point de vue, une métamorphose étonnante et les chefs des armées des nations les plus belliqueuses travaillent avec un zèle louable à consolider la paix universelle. Une noble émulation s’est emparée d eux, d autant plus méritoire qu’ ils passent leur vie à apprendre a leurs soldats le maniement des armes.

Jamais le monde n’aura été plus pacifique qu’en cette fin de siècle. Les disputes littéraires ont remplacé les conflits sanglants. Les écoles philosophiques elles-mêmes ont dé­ sarmé et ne cherchent plus à faire prévaloir leurs opinions. Entre temps on assiste à des faits inouïs comme cette question crétoise où le vaincu reçoit une récompense, tandis que le vainqueur est dépouillé de son bien. L a morale du jour le veut ainsi, le droit est partout méconnu sans que personne s’en inquiète. Tant pis pour ceux qui ne sont pas satisfaits de cet état de choses et qui ne comprennent pas les beautés de cette civilisation raffinée qui, en Occident, est parvenue à rendre les hommes si doux. Ils ont gagné en résignation et en nonchalance ce qu’ils ont perdu en témérité et en audace. Les caractères sont devenus un peu revêches ; mais il n’y a là qu’une apparence de rudesse. On

se boude, mais au fond on s’aime. Jamais la charité n’a été plus vivace dans les âmes. Seuls, les Musulmans n’en béné­ ficient pas.

II n’y a, en effet, que les pauvres Mahométans qui ne trouvent pas grâce aux yeux des nations civilisées qui les exploitent sans songer à améliorer leur sort ni à les délivrer de cet affreux despotisme asiatique qui les ronge.

Dans les dix dernières années, on rencontrait encore quelques idéalistes q u i, poursuivant la réalisation d’un rêve généreux, travaillaient avec ardeur à l'affranchisse­ ment des peuples du joug de la tyrannie. Ces hommes qui étaient la force de la démocratie ont disparu peu à peu de la scène politique et les opprimés sont restés sans dé­ fenseurs.

Cornély nous dit tous les matins dans le F ig a ro que le monde est bien comme cela et qu’il est impossible que l’humanité soit plus heureuse qu’elle ne l’est, encore qu'il reconnaisse qu’il se commet par ci par là quelques injus­ tices. Ecoutons ce sage !

Nous ne pouvons, toutefois, nous empêcher de penser, au début de la nouvelle année, qu’il fut un temps où l’on rai­ sonnait autrement dans cette généreuse France. Tout en se livrant à la spéculation, les Français gardaient pour l’idéal un petit coin dans leurs cœurs. Les intérêts ne primaient pas tout et les immortels principes de 89, si favorables à l’extension de la liberté dans le monde, n’étaient point oubliés.

E t puisque c’est le moment de formuler des vœux, nous désiions que rompant avant la veulerie universelle, la France revienne à ses traditions libérales qui ont fait sa gloire dans le passé et qui, seules, peuvent assurer sa grandeur dans l’avenir ; nous désirons qu elle se déclare pour les faibles et les opprimés, pour le triomphe de la ju s­ tice ; nous désirons qu’elle marche aux clartés de son propre génie, qu’elle se montre toujours vaillante, quelle soit, en un mot, la France de nos beaux rêves de jeunesse et la France de l’histoire telle que l’ont faite douze siècles de bonté, d’héroïsme et de luttes pour la conquête de la liberté.

Ha l i l Ga n e m.

Stupéfiant Cro up î sse me ni

C ’est un spectacle profondément honteux et étrange, rare dans l’histoire, que celui auquel nous assistons en ce moment : Une brute couronnée, repue du sang du ses sujets, tuméfiée des crimes les plus infâmes, flétrie par l'humanité entière, tenant épouvantés et hagards sous sa babouche des millions d’êtres issus d’une des plus vaillantes races qui existent au monde; — les ployant sous sa tyrannie extravagante, les menant comme un troupeau de moutons, les dévalisant, les affamant, les égorgeant au besoin ; — par contre, verdissant de terreur au seul froncement de sourcils d’une puissance étrangère et s’aplatissant devant elle au moindre comman­ dement, telle une fille au simulacre du coup de poing de son Alphonse. Cette autocratie, cet absolutisme qui écrasent si impitoyablement de leur poids les seuls Ottomans, se trans­ forment en une obséquieuse obédience, en de lâches abandons et cessions, aussitôt qu’apparaît le bout du nez de l’Angleterre, delà Russie ou de 1“Allemagne. Féroce avec son peuple, Abdul-Hamid montre patte de velours aux Etats eu­

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MEÇHVERET (Supplémentfrançais) 3

ropéens. L ’ogre se fait brebis — et la tondeuse marche ! C ’est ce qu’on appelle « garantir l’intégrité de la Turquie ». Nous avons à maintes reprises énuméré les territoires qui ont été subtilisés à l’empire pour « garantir son intégrité » ; nous aurons prochainement, sans aucun doute, à parler de la Macédoine... comme nous avons eu à parler de la Crète. L a Macédoine, elle aussi, fait partie de 1’ « intégrité ». Cette « intégrité » englobera bientôt la capitale elle-même. Pour­ quoi pas, du train dont vont les choses? Le Sultan dit : « Laissez moi ma peau, et prenez tout ce que vous voudrez! » Le peuple, lui, ne dit rien.

Le peuple ne dit rien, et voilà ce que j ’appelle un spec­ tacle profondément honteux, devant lequel l’esprit reste interdit, partagé entre l’horreur et la pitié. Comment se fait-il donc que tant de misères, tant de souffrances, tant de calamités le laissent encore inerte? D ’où vient que de tels évènements aient pu se succéder, plus épouvantables les uns que les autres, sans atteindre sa fierté nationale, sans galva­ niser tout son être? Qu’attend-il donc pour jeter par delà le monde, par delà l’espace, vers l’Humanité, ce cri de légale révolte, cet appel de liberté, cette clameur formidable d'une âme, d’une conscience, d’une chair trop longtemps et de monstrueuse façon torturées qui à la fin aspirent aux séré­ nités, aux joies de la Vie ? De quoi a-t-il peur? Est-ce des ténèbres qui enveloppent Yildiz-K iosk? Est-ce d e là « ma­ jesté » de celui qui s’y cache? Est-ce des spectres sanglants qui semblent planer sur la demeure maudite?... Hector Dépassé aurait-il à ce point raison quand il écrit que « les foules aiment à trembler, àavoirpeur comme les enfants, et qu’elles se créent à elles-mêmes des fantômes qui, n’ayant aucune réalité que dans leur imagination, sont les instruments les plus positifs de leur éternelle servitude? »

Ces instruments, il faut vite les briser. Ce n’est pas au peuple d ’avoir peur. Le peuple n’est pas coupable, le peuple n’est pas responsable des forfaits du Chef. Il ne l ’est pas encore. Mais il le deviendrait aux yeux des nations civili­ sées, des nations qui ont conquis leur indépendance en un vigoureux réveil de leur patriotisme, en un inflexible défi jeté à la tyrannie, s’il continue à croupir dans son fakirisme, à s'enliser dans l’abjection de son esclavage. Il va sans dire que nous ne voulons pas pousser le peuple à une révolte sanguinaire quelconque; nous demandons simplement qu’il manifeste collectivement et énergiquement son mécontente­ ment et son désir de voir cesser un état de choses qui est un outrage à l’Humanité. Alerte! alerte! Car malheurau peuple ottoman le jour où l'on finira par dire : « 11 a le souverain qu’il mérite ! »

P. An m é g h ia n.

L E S B R I G A N D S I M P É R I A U X

On a lu dans les journaux, sans y prêter plus d’attention, qu’un certain Ghani, lieutenant-colonel au service du sultan Abdul-Hamid, avait été assassiné à Péra. Or, ce Ghani représente à lui seul tout un système de gouvernement; il est le symbole de tout un régime politique et, à ce titre, il n’est pas inutile d’évoquer et sa vie et sa mort pour bien faire toucher du doigt le vice de l ’organisation politique dont la Turquie souffre depuis que le malheur s’est abattu sur elle sous la forme du Sultan illégitime que l’on con­ naît.

Nous avons maintes fois raconté que, depuis son avène­

ment, Abdul-Hamid n’a eu qu’un souci : se débarrasser peu à peu de tous les hommes d’Etat ottomans distingués, afin de gouverner despotiquement et d’imposer sa volonté à tous. Mais à mesure qu’il éliminait les honnêtes gens, Abdul- Hamid se constituait un entourage d’hommes « perdus de dettes et de crimes » dans un but de conservation éminem­ ment personnel. Tout Constantinople connaît cette garde prétorienne d’A bul-Hamid, qui terrorise Stamboul et Péra ; mais les aventures du lieutenant-colonel Ghani sont trop suggestives pour ne pas mériter une mention spéciale dans l’histoire de ce règne néfaste.

« Il y a deux ans, nous écrit un correspondant de Constantinople, Ghani était condamné à mort par la cour criminelle de Yanina pour une demi-douzaine d’assassinats. L e chef des Tufekdjisdu Palais l’ayant signalé au Sultan comme un homme d’une bravoure exceptionnelle et pouvant être utilisé pour des opérations délicates, Abdul-Hamid le gracia aussitôt, l’incorpora, à Constantinople, dans le corps des Tufekdjis (fusiliers) avec le grade de lieutenant-colonel. Ghani débuta, à Péra, par l’assassinat d’une femme galante, de la mère de celle-ci et de leur domestique, puis par l’assassinat, à Bechiktache, d’une italienne et enfin, à Péra encore, d’un autre italien, très brave homme celui-là, mais qui avait le tort de connaître les détails de cette boucherie ordon­ née par le Palais pour complaire à une haute personnalité. Après ces exploits, dans l’accomplissement desquels il avait été aidé par trois autres tufenkdjis, Ghani reçut un nouveau grade. Il continua, pour son propre compte, une série d’exploits tels que : coups et blessures à des employés dans l’exercice de leurs fonctions, extorsions d’argent sous menaces, etc., etc.

Quand fut près d’éclater la guerre avec la Grèce, Ghani fut envoyé en mission en Epiée. Il commença par y assassiner ou y faire assassi­ ner, sous prétexte de tiédeur, quelques musulmans qui lui déplaisaient, puis passa aux Grecs qu'il torturait quand ils lui refusaient des dons. Il avait la spécialité d’aveugler ses victimes en leur faisant sauter les yeux au moyen d’un coup porté avec le médium et l'index de la main droite. On dut l’écouter, ou feindre d’écouter les plaintes des vu times, et une enquête fut ouverte. On trouva, à Janina, sa maison pleine de dépouilles, mais Ghani le prit de haut, déclarant que tout ce butin était sa propriété légitime, puisqu’il lui venait de la guerre. L ’ordre d’étouffer l’affaire vint de Constantinople où Gheni fut rappelé et... décoré. I reprit aussitôt le cours de ses exploits, qui vient d’être tragiquementl arrêté. »

Le meurtrier est un fonctionnaire de la préfecture, attaché lui-même à la police du Palais, et il est à présumer que l’assassin n’est pas plus intéressant que sa victime.

11 est de notoriété publique qu’Abdul-Hamid recrute géné­ ralement le personnel de son entourage parmi les voleurs et les assassins de marque auxquels il fait grâce de la peine qu’ils ont encourue, sous serment qu’ils lui seront dévoués jusqu’à la mort. Comblés d’honneurs et de richesses, ils n’ont d’autre garantie contre la justice qui les guette, que la vie même de leur bienfaiteur dont la disparition marquerait leur propre fin et leur mort qu’ils ont cent fois méritée. Fort de l’appui et du dévouement de ces bons serviteurs, Abdul- Hamid, retranché, d ’ailleurs, derrière sa forteresse inexpu­ gnable de Yildiz, peut braver le mécontentement de son peuple qu’une presse stipendiée, d ’autre part, a sevré d'infor­ mations politiques étrangères ou nationales, à telle enseigne, que la plupart des Turcs ignorent actuellement que la Crète est perdue pour l’Empire. Les brigands, impériaux, se reposant, à leur tour, sur une protection qui leur assure l’impunité — et des prébendes — se feraient un scrupule de ne pas justifier la confiance de leur maître qui a élevé la terreur à la hauteur d’un système de gouvernement. Aussi, ils se livrent, sous le nez et à la barbe de la police, aux excès les plus révoltants : ils arrêtent les passants dans les rues et

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4 MECHVERET (supplémentfrançais)

les fouillent sous prétexte qu’ils cachent dans leurs poches des publications hostiles au Sultan ; s’ils n’en découvrent pas, ils confisquent leur bourse pour leur enlever les moyens de s’en procurer. Toujours sous le même prétexte, ils pénè­ trent, en invoquant le nom du Sultan, dans les maisons où ils savent qu’ils trouveront une jeune fille ou une femme réputée pour sa beauté. Le nom d’Abdul-Hamid remplit toutes les familles de terreur et l’on sait que, résister à un de ses hommes, c’est la mort à huis-clos. On a vu de ces brigands, après avoir volé et violé, s’installer cyniquement à la place du maître et commander un café avant de prendre congé. Lorsque le père ou le mari outragé se plaint à la préfecture de police ou bien aux ministres, on leur répond invariable­ ment : ces hommes relèvent du Palais, allez vous plaindre au Sultan.

Abdul-Hamid,qui se méfie même de ses propres créatures, s’inspirant toujours de la fameuse maxime : diviser pour régner, seme très habilement, parmi ses serviteurs, la ziza­ nie et la discorde : leur mésintelligence l’instruit de leurs faits et gestes qui l'intéressent et dont il s’amuse. Personne n’est dupe cependant ; mais pour flatter la manie du Maître, ses flatteurs et ses espions simulent en public des batailles où l’un des combattants s’astreint à mordre la pous­ sière. Pour le dédommager de sa défaite, le Sultan donne au vaincu une gratification ou un grade. Chacun a son tour de bataille et de défaite. Quelquefois, lorsque les combattants sont désunis par une rivalité amoureuse, ces luttes se termi­ nent tragiquement.

Les rues, et notamment certaines maisons de la capitale, sont le théâtre fréquent d’assassinats et, si l’on n’a parlé en Europe que de la mort deGhani, c’est parce que cet homme avait, à Constantinople, la réputation d’être un grand terro- riseur et qu’il avait sur la conscience un plus grand nombre d’assassinats que les autres espions. Abdul-Hamid, qui em­ ployait souvent Ghani à certaines besognes, serait, dit-on, l’instigatenr de ce crime, parce que Ghani, qu’il avait employé trop souvent à certaines opérations délicates, serait devenu, à la fin, trop compromettant. C ’est hypocritement qu’il aurait dit à son entourage, que la perte de cet homme dévoué (sadyk adam) l’attristaic profondément. Il a promis une récompense de 1,000 livres turques (23,000 francs,) à qui découvrirait la retraite du meurtrier. Ce n’est qu’une feinte; car il est a présumer qu’Abdul-Hamid, émerveillé de l’audace et du courage (?) du meurtrier lui donnera avec son estime, la place de Ghani, son grade, ses émoluments.... et un revolver cl’honneur.

Un Ami dela Turquie.

U N M O N U M E N T R U S S E

a u x po r te s de C o n s t a n t i n o p l e

Le Tzar, jaloux du succès de Guillaume II le Voyageur, tient essentiellement à ce qu’on s'occupe également tant soit peu de lui.

Son fameux projet de désarmement, qui a été pour les journaux et certaines revues un sujet de discussion lucratif, n’a été considéré dans le monde politique sérieux que comme une innocente plaisanterie, destinée à détourner un instant l’attention de nos gouvernants des intrigues plus ou moins machiavéliques de la Russie.

Loin d’indiquer aux Etats intéressés une solution pratique

quelconque, le tzar continue à fortifier son armée et il aide également ses petits alliés des Balkans à armer.

Il fait plus : il sème dans le monde entier des haines et provoque des agitations funestes, obligeant ainsi les autres peuples à s’armer et à se tenir prêts contre toute attaque imprévue.

Un grand réformateur, travaillant sincèrement à améliorer l’état de choses actuel, aurait songé avant tout à la cause, à l’origine du mal. Or, l’empereur Nicolas, tout en voulant jouer au digne successeur de Pierre-le-Grand, ne me paraît pas capable de comprendre la contradiction qui existe entre ses paroles et ses actes.

Je viens d’indiquer ici-même les résultats fâcheux pro­ duits par la nomination du prince George. L ’inauguration d’un monument élevé par la Russie aux portes de Constan­ tinople, en mémoire des soldats russes tombés pendant la guerre de 1877, ne produira guère un effet plus rassurant.

Le gouvernement français a pensé, lui aussi, à l’érection d’un monument en souvenir des soldats français rrtorts pen­ dant la guerre de Crimée. Le Sultan lui a fait cadeau d’un grand terrain situé à Gallipoli, à l’entrée des Dardanelles. Abstraction faite du choix d’un emplacement aussi straté­ gique, cette intention de la France ne peut que consolider l’amitié qui existe depuis des siècles entre Turcs et Français. Mais le gouvernement russe n’a, au contraire, en vue que de rompre les liens de paix et de bon voisinage qui se sont établis peu à peu entre les deux Etats. A u lieu de laisser se cicatriser la blessure cruelle qu’il nous a faite en 1877, il semble prendre plaisir à envenimer et à déchirer nos plaies, profitant de la peur et de la faiblesse d’un souverain dénué de tout sentiment élevé et patriotique.

Ce monument russe, destiné à rappeler le souvenir de nos défaites, est situé sur les bords de la mer, à San Stefano, à l’endroit même où a été signé le honteux traité turco-russe. Il se compose d’une église, d’une chapelle et d’un caveau, dans lequel sont renfermés les ossements des soldats; le tout est surmonté d’un clocher, au-dessus duquel s’élève une croix dorée haute de six mètres. A l’entrée principale est placée également une immense croix dorée. On ne peut s’empêcher de se livrer à de bien amères réflexions, en cons­ tatant que l’érection d’une croix dorée de plusieurs mètres de hauteur s’est faite, juste au moment où les soldats russes arrachaient avec un archarnement brutal les petits crois­ sants de quelques centimètres de dimension qui se trouvaient sur les mosquées de la Crète.

Le monument russe s’élève au centre d ’un terrain couvrant trois hectares et entouré d’un mur épais avec des tourelles élevées aux quatre coins. C ’est bien là une véritable forte­ resse qu’on vient de construire aux portes mêmes de la capitale. Qu’une insurrection éclate un jour, ces ossements se transformeront en soldats armés jusqu’aux dents et prêts à massacrer les Turcs. On a déjà vu en Roumélie et en Ana­ tolie des églises remplies d’armes et de munitions.

Ce monument est donc non seulement une véritable insulte à notre sentiment patriotique, mais aussi un danger pour la sécurité de notre pays.

On peut avoir deux patries; il n’y a pas deux sortes de patriotisme.

Je m’adresse aux Français, à ce peuple qui a su person­ nifier en lui ce noble sentiment, et je leur demande s’ils permettraient aux Prussiens de venir ériger un pareil monu­ ment commémoratif sur les hauteurs de Saint-Cloud.

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MECHVERET (Supplément français) 5

man, sur des conceptions à la fois morales et religieuses : il est par conséquent doublement atteint.

Si le peuple ne se révolte pas, c’est qu’il n’ose pas, et il fait bien : la Russie et le Sultan seraient enchantés de pro­ fiter de cette occasion pour écraser et anéantir complète­ ment les groupes patriotiques. Mais si le peuple ne se laisse pas aller à des manifestations extérieures, il n’en est pas moins profondément indig né. Ee silence absolu est imposé par le gouvernement aux journaux turcs ; il leur est défendu de parler de ce monument, comme des affaires de la Crète et de toutes les affaires intérieures. Mais prenons patience ; espérons qu’Abdul-Hamid payera un jour chère­ ment sa lâcheté et sa trahison.

J ’ai même la consolation de penser que ce monument rap­ pellera aux générations futures les blessures de la Patrie.

Ahmed Riza.

P E R F I D I E S R É C I P R O Q U E S

Le Sultan a interdit, ai-je dit plus haut, aux journaux ot­ tomans de parler de la perte de la Crète et de l’inauguration du monument russe, en présence des délégués grecs, serbes, roumains, bulgares et monténégrins.

« La lance n’entre pas dans le sac » dit un proverbe turc, il en est de même du monument russe : il est aux portes de Constantinople et son immense globe de cuivre avec sa croix dorée crève les yeux de tous les passants.

Les réfugiés crétois, malgré l’interdiction formelle qu’on leur a imposée d’entrer à Constantinople, pénètrent tout de même dans la ville et parviennent à se mêler à leurs coreli­ gionnaires auxquels ils apprennent la vérité sur les tristes affaires de l’île.

Le Sultan a beau dénaturer les choses et faire écrire par ses journaux que le grand-duc Nicolas n’est venu en T u r­ quie que pour lui présenter ses hommages et pour consolider « les liens de respect et de sincère amitié qui unissent le Tzar au Padichah » ; tout le monde sait, chez nous, ce qu’il faut en penser. Personne n’ignore que la presse, com­ plètement muselée, n’est qu’une docile servante du Palais et que les communications officielles ne sont qu’un tissu de fourberies fabriquées par Abdul-Hamid, le grand artisan de ruses et de mensonges.

Le peuple n’est pas si bête qu’il se l’imagine ; il met du temps, il est vrai, pour comprendre une chose, mais il finit toujours par la comprendre.

Le peuple ottoman a vu et compris que l’amitié de Guil­ laume II, tant vantée et exploitée, n’a servi arien dans la so­ lution des affaires crétoises ; elle a plutôt produit un effet per­ nicieux, et cela par suite des jalousies qu’elle a provoquées. Il a vu et compris que le Grand-Duc n’est venu à Constanti­ nople que pour inaugurer un monument.

Le cousin du Tzar se trouvait à la tête de dix colonels russes, accompagnés chacun d’un sous-officier, en qualité de représentants des corps de troupes qui prirent part à la guerre. S ’il est allé au palais d’Yildiz, c’est tout simplement pour re­ mercier le Sultan du vaste terrain qu’il a donné à la Rus­ sie.

Le cadeau valait bien ce petit dérangement. D’autres chefs d’Etat et Souverains européens s’empresseraient peut-être aussi d'aller serrer les mains ensanglantées du Sultan s'ils avaient quelque espoir d’obtenir des concessions aussi im­ portantes que la Dormit ion de Jérusalem et l’emplacement

de San Stefano. L a plupart de leurs représentants ne négli­ gent d’ailleurs pas cet acte de courtoisie, lorsqu’il s’agit d’obtenir, — au nom de leurs compatriotes, bien entendu —■ une concession quelconque.

M. Aschmead Bartlett, qui s’est fait remarquer au Parle­ ment anglais dans tous les débats relatifs aux affaires de la Turquie, prenait, ces derniers temps, la défense du Sultan, avec une exagération qui fait sourire.

Pendant mon dernier séjour à Londres, je n’eu, malheu­ reusement, pu lui faire comprendre qu’il fallait défendre l’intérêt des Ottomans et de l’Empire, plutôt que celui d’un despote qui les opprime. Ce distingué membre du Parle­ ment court, depuis quelques mois, à Constantinople, après plusieurs concessions à la fois.

Le prince Ferdinand de Bulgarie appelait, encore hier, le Sultan, dans un dîner de gala qu’il offrait en l’honneur du commissaire impérial : « mon illustre et bien-aiméSuzerain ». Et M. Bourgeois, ancien chef d’un cabinet radical, celui qui a voulu, sur la demande d’Abdul-Hamid, supprimer le

M echveret et expulser ses rédacteurs, n’est-il pas allé, lui

aussi, prendre des mains mêmes du criminel couronné les insignes du grand cordon du Medjidié ?

Le peuple commence à voir ces choses d’un œil triste et inquiet ; il paraît comprendre, enfin, comment et par quels procédés honteux le Sultan se maintient sur le trône.

A . R.

A V E R T I S S E M E N T

Quand les Arméniens, que nous aimons et que nous avons défendus dans ce journal avec une ardeur sincère et un zèle qui ne s’est jamais démenti, ont voulu proclamer leur auto­ nomie, nous leur avons crié : casse-cou !

Depuis les récents évènements de Crète, quelques jour­ naux syriens, parmi lesquels nous ne comptons que des amis, ont manifesté les mêmes velléités. Qu’ils nous per­ mettent de leur adresser le même avertissement, ils courent de gaîté de cœur au devant des plus terribles catas­ trophes. Et tandis qu'aux Etats-Unis, où ils sont en grand nombre, ils respirent un air de liberté qui les grise, ils devraient songer à ceux qui se trouvent au pays natal.

Nous ne voulons pas qu’il y ait des vêpres Syriennes comme il y a eu, hélas 1 des vêpres arméniennes et nous estimons que, pour conquérir la liberté, il faut avant tout prêcher l’union et la concorde.

Nous aimons trop les Syriens pour leur laisser ignorer que leur bonheur et leur bien-être dépendent de leur persé­ vérance à poursuivre le but qu’ils ont poursuivi jusqu’ici avec nous et qui consiste à attaquer et à démolir pierre par pierre la forteresse du despotisme, au profit de la collecti­ vité.

Où trouveraient-ils, d’ailleurs, une capitale comme Cons­ tantinople ? Que feraient-ils d’une indépendance illusoire qui les rendrait tributaires de l’étranger? Ils sont bien malheu- heureux, sans doute, sous le gouvernement abject d’Abdul- Hamid; mais qu’ils attendent donc et qu’ils espèrent !

Abdul-Hamid n’est point éternel. Puis, grâce aux jeunes générations cjui surgissent autour de nous, qui montent dans les sphères radieuses de l’Idéal, et qui viennent s’ad­ joindre à nous, les vieux combattants, l’Empire otto- mann retrouvera un jour la tranquillité, la dignité et le

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6 MECHVERET (Supplémentfrançais)

-bonheur qu’il a perdus. L ’heure de la délivrance'esRprôche. Restons unis et nous deviendrons libres et indépendants

•sous l ’égide de la Constitution, X . X .

M. CONSTANS A CONSTANTINOPLE

On avait douté un instant de l’acceptation du Sultan rela­ tivement au choix fait par le Gouvernement français de la personne de l ’ancien ministre de l ’intérieur pour remplacer M. Cambon à la Cour du grand Seigneur. On n’a pas tar- .dé à être rassuré sur ce point et bientôt on a su que le Sul­

tan avait donné son consentement à cette nomination. M. Constans rentre donc dans la carrière diplomatique à 65 ans. I ly occuperaune place honorable ; mais quelle mission a-t-il reçu de son gouvernement et quelle sera sa tâche ? S ’il suitlamême ligne de conduite que son prédécesseur, il échoue­ ra comme lui et le séjour de l ’ancien ministre de l’intérieur, à Constantinople, n’aura été qu’une simple villégiature. S ’il reprend au contraire d’une main ferme les traditions de son pays, s’il défend en Orient les idées libérales et s’il donne au Sultan le conseil d’abandonner le despotisme pour entrer résolument dans la voie du progrès et de la légalité, il pren­ dra en Turquie une place qu’aucun de ses prédécesseurs n’a occupée depuis vingt ans.

M. Constans perdrait d’ailleurs un temps précieux à vou­ loir être flagorneur. Nous lui conseillons d’aller droit au but et de dire à Abdul-Hamid que cet état de choses ne peut durer et que s’il ne veut pas rétablir la Constitution, qu’il fasse régner au moins la justice dans son empire et qu’il donne un peu de liberté à ses peuples.

M. Constans fera-t-il cela ? Nous le croyons sans peine. Guidé parson patriotisme, il comprendra que l’intérêt de la France lui impose une autre direction que celle suivie par son prédécesseur qui n’a cherché à arrêter le Sultan dans la mauvaise voie où il était entré, que quand c’était déjà trop tard.

Aussi la tâche du nouvel ambassadeur sera-t-elle difficile. Qu’il se mette du côté du peuple, que les Ottomans sachent que la France leur veut du bien et qu’elle n’est pas avec ceux qui les tyrannisent et il aura assuré le succès de sa mission. Car le palais le redoutera et il lui sera loisible de' donner quelques bons conseils à Abdul-Hamid qui les accueillera peut-être favorablement, mù par ce sentiment de crainte qui a été : .qu’à ce jour le mobile de toutes ses actions.

H. G.

L A C O M É D IE C O N T IN U E

Les quatre puissances qui ont livré la Crète à la Grèce n’ont pas perdu une seule occasion pour affirmer la suze­ raineté de la Turquie sur cette province qu’elles lui ont arra­ chée, en fin de compte, par des moyens qu’en matière commerciale on qualifierait de frauduleux.

Mais si habitués que nous soyons aux injustices de la politique européenne, dans ses relations avec les peuples de l’Orient et, notamment avec les pays musulmans, il ne nous avait pas été donné encore d’en voir l’hypocrisie s’étaler avec un sans-gêne que des esprits impartiaux et assoiffés de justice traiteraient de cynisme. Nous avons maintes fois raconté l’illégalité de traitement qui a présidé

à la répression des révoltes successives qui ont mis l’Orient à sang.

Lorsque les condamnés sont des chrétiens, une large amnistie venait corriger la sévérité des juges ; mais dès qu’une sentence s’abat sur des musulmans, elle prend un caractère définitif, sans appel. Le prince Georges n’était pas encore débarqué dans sa bonne île, que déjà les amiraux, appréhendant un bon mouvement de son cœur que lui aurait, d’ailleurs, commandé une politique habile de conciliation, s’empressent de lui signifier qu’il n’ait point à étendre sa clémence « aux crimes ayant entraîné des sentences capita­ les » sous peine de voir la sécurité des témoins « grave­ ment compromise ». Seuls des musulmans ont été condamnés à la peine capitale, et les témoins qui contribuèrent à leur condamnation étaient des chrétiens. La peine des premiers ayant été commuée, si l’amnistie les rendait à la liberté, les témoins auraient tout à craindre que leurs victimes ne les convainquissent de mensonge et de faux témoignage. Est-ce à cette iniquitéque les amirauxauraient voulu prêter la main?

Vraiment, à voir toutes les finasseries cousues de fil blanc auxquelels ils ont recours pour atténuer, dans une large mesure, aux chrétiens de I’île, l'effet de la haute suzerai­ neté » du Sultan, on se prend de pitié pour des représen­ tants qui ont abdiqué toute courtoisie internationale.

« Afin d’éviter au prince Georges la vue du drapeau turc, les matelots français ont eu recours au stratagème suivant. Ils ont hissé d’abord — naturellement — le drapeau français. Vingt secondes après, on vit le drapeau anglais flotter à côté des trois couleurs françaises. E t ainsi de suite pour les drapeaux des autres puissances. Quand est venu le tour du drapeau turc, le Bugctiud était déjà loin et le prince Georges n’a pas vu le symbole de la suzeraineté du Sultan. Ce manège — que les journaux grecs qualifient de « compliment dangereux » — a été re­

marqué de la foule de Crétois accourus sur le rivage ponr voir a rri­ ver le prince, et le cri de : « Bravo, les Français ! » retentit dans plus

d’un groupe. »

C ’est le Temps qui relate ce fait. « Compliment dange­ reux était, en effet, le mot de la situation et comme un augure de conflits à venir ; mais le Temps rectifia le lende­ main, décF rant que c’est « compliment généreux » qu’il vou­ lut dire, .fous maintenons, nous, que « compliment dange­ reux ? est plus en situation. Reconnaître, d’une part, la « haute suzeraineté » du Sultan et, d’autre part, la compro­ mettre et la mépriser ne nous paraît pas digne d’une grande nation qui doit donner au monde l’exemple de la parole loyalement tenue.

Que dirons-nous de l ’Angleterre ? Notre confrère YOsma-

n li se livre, à son sujet, aux considérations suivantes pleines d’amertume et de regrets.

« En pendant nombre de malheureux, dont le crime principal était de réclamer pour soi une partie des privilèges si généreusement accordés aux insurgés chrétiens, l’Angleterre a inconsidérément commis une action aussi barbare qu’impolitique. Pour atténuer l’horreur de ces révoltantes pendaisons, on allégua que : l’amiral anglais sévissait sévè­ rement, parce que le sang précieux d’un officier de marine et de dix matelots anglais avait été versé par les insurgés musulmans de Candie. Mais, pourquoi et comment ce sang avait-il été versé? L a réponse pourrait peut-être déplaire aux Anglais qui ne reconnaissent pas volon­ tiers leur tort, mais la vérité la réclame de nous, cette réponse. Les troupes anglaises avaient attaqué injustement un groupe de musulmans implorant des droits les plus primitifs, sans lesquels des êtres humains ne peuvent pas exister. N’obéissant pas à l’injuste sommation de l’offi­ cier anglais, celui-ci eut l’imprudence, calculée sans doute, de com­ mander feu à ses soldats. Deux musulmans tombèrent, mortellement atteints. C’est alors seulement qnc les camarades de ces victimes tuèrent

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MECHVERET (supplément français) 7

l’officier et quelques soldats anglais dont les survivants' ne cessaient de tirer sur eux. On connaît le reste. Nous voulons’souhaiter pour l’hon­ neur de la morale chrétienne, que parmi les gens trouvés suspects et condamnés à mort par les Anglais, il y eût plus de coupables que d’in­ nocents !...

« Sous l’égide de la protection des quatre Puissances, ajoute YOsmanli, des bandits poussant le fanatisme jusqu’au cynisme, souillèrent récem­ ment l’intérieur d’une mosquée, en y foulant aux pieds le livre sacré, et allèrent frapper aux ¡sortes d’honnêtes femmes musulmanes, en leur lançant à la face des propositions cyniquement outrageantes. E t tout cela s'accomplit impunément à la barbe des mandataires des grandes Puissances dont les premiers ministres assurent hypocritement aux foules crédules et indifférentes d’avoir enfin achevé une œuvre humani­ taire et pacifique ! »

Puis, c’est au tour du principicule lui-même qui, tout en admettant la « haute suzeraineté du Sultan », oublie de la respecter dans les cérémonies officielles. A la Canée, à une solennité, « une estrade aménagée pour la circons­ tance était ornée des portraits du tzar et de la tzarine, du roi Georges, de la reine Olga et du prince Georges, (et de toute la famille de Danemark, sans doute, et du Pape et de l’empereur de Chine aussi, la dépêche n’en dit rien) et décorée de trophées formés de drapeaux russes, hellènes et Crétois.

On pourra objecter qu’Abdul-Hamid ayant soustrait ses traits à la peinture, il était impossible de lui donner une place parmi tant d'autres; mais le drapeau turc, lui, à si peu de chose qu’on l’ait réduit, il avait quelque droit au trophée !

li paraît qu’à Constantinople on a été vivement froissé « que le nom du Sultan suzerain n’ait pas figuré dans les manifestations officielles qui ont eu lieu à l’occasion de l’entrée en fonctions du prince Georges. » On le serait à moins. Mais pourquoi les puissances se gêneraient-elles contre un souverain qui a donné les preuves de toutes les lâchetés et de toutes les concessions? L ’arbitraire et les abus de pouvoir de l’Europe sont faits des défaillances incessantes de celui qui devrait commander autrement à une nation de braves.

Cependant, à ne considérer que la morale absolue et les principes de la civilisation bien entendue, l’Europe moins qu’Abdul-Hamid aura mérité la réprobation de la conscience universelle, le jour où cette conscience se sera réveillée au sentiment de Injustice et de la vérité.

Mais que dire, en attendant, de cette presse libérale euro­ péenne ; concluerons-nous, avec notre excellent confrère

l’Osmanlï :

Généralement si éloquente et si pressée, lorsqu’il s’agit de révéler au monde, plutôt les torts et les imperfections du peuple turc, que les abus et monstruosités de son inique gouvernement, elle s’obstine dans un mutisme si indifférent vis-à-vis des iniquités des gouvernements chrétiens contre la nation ottomane ! L ’attitude d’une presse qui se dit libérale et éclairée, ne devrait-elle pas être impartiale avant tout, par­ tant équitable ? A peu d’exceptions près, l’attitude de cette presse soi- disant libérale fut d’une passivité telle à l’égard des questions vitales concernant les Turcs, qu’on est forcé d’y voir du fanatisme religieux.

U. A. d. 1. T . Depots d e v e n t e du Mcchveret. — Paris : rue Monge, 38; boule­ vard des Capucines, kiosque to; papeterie Bichara, boulevard Bonne- Nouvelle, 42 bis ; papeterie Thibaudeau, rue des Ecoles, 30 ; galeries de l'Üdéon. — Bruxelles : galeries Saint-Hubert. — Genève : librairie Circulante, rue du Cendrier, 28. — Vienne : Zeitungs-Rureau, I WoiT- zeib, 6. — Athènes : Agence de la Presse internationale. — Le Caire : ¡ibrairie F . Diemer. — Bougie (Algérie) : chez Aluned Ben Derrah.

LETTRE DE CONSTANTINOPLE

L ’opinion chez les Turcs est toujours très aigrie par la solution de l’affaire Cretoise. Le Sultan le sait, s’ exagère même les conséquences possibles de cette impression et, selon son habitude, prend des mesures de précaution non moins exagérées. Les pa­ trouilles d’infanterie et de cavalerie qui, depuis le massacre des Arméniens, n’ont jamais cessé de sillonner la ville, ont été triplées ces jours derniers. Le seul résultat de ce déploiementde forces inu­ tile a été de causer des inquiétudes dans la population chrétienne, qui craint que l’entrée du prince Georges en Crète ne détermine ici un massacre auquel les Musulmans sont bien loin de penser.

Pour se faire des ressources, sans toucher à son épargne, qui est énorme, et aux revenus de sa liste civile, qui grandissent tou­ jours, le Sultan a imaginé de faire opérer une retenue de 20 0/0 sur les traitements de tous les fonctionnaires. Il a dû en parler à son entourage et il s’est, par hasard, trouvé un chambellan qui lui a fait la juste observation suivante :

' « Les gros fonctionnaires qui arrivent, au moyen de concessions « diverses, à quintupler au moins le montant de leurs traitements, « accepteront volontiers cette retenue pour faire preuve de « zèle ; mais les petits qui doivent vivre avec ce qui leur est offi- « ciellement alloué, seraient d’autant plus exaspérés qu’ils souffrent « déjà d’un arriéré énorme. Il n’est pas prudent, dans les circons- « tances actuelles, de fournir encore ce motif de mécontentement « à la masse. t>

Le Sultan se l’est tenu pour dit et a fait démentir les bruits qui couraiextt déjà à ce sujet.

Après le rejet parle Tzar de l’humble requête que le Sultan lui avait adressée pour l’affaire crétoise, il (le Sultan) a eu la belle idée que voici : Il a fait dire à l’ambassadeur de Russie que si l’attitude de son gouvernement vis-à-vis de la Turquie ne se modi­ fiait pas, il se verrait contraint par Opinion musulmane d’ac - cepter les ouvertures que lui faisait l’Angleterre et à s'entendre avec cette dernière.

A peine cette communication était-elle faite à M. Zinoview, qu’Abdul-Hamid en adressait une identique à l’ambassadeur d’Angleterre, faisant dire à ce diplomate que si les rigueurs de l’Angleterre ne cessaient pas, il serait forcé d’ accepter les ouver­ tures de la Russie et s’entendrait avec elle.

Chez les Turcs cet incident commence à être connu et on en rit outrageusement.

Il est certain que les ambassadeurs d’Angleterre et de Russie connaîtront chacun la farce qui leur a été jouée et le crédit du Sultan grandira d’autant.

On fait de nouveau courir le bruit d’un changement de cabinet, mais je ne crois pas qu’il soit très prochain. Le Sultan ne serait pas fâché de congédier, en grande partie au moins, ses ministres pour pouvoir faire dire qu’il les punit d’avoir fait perdre la Crète à l’Empire, mais outre que la ficelle est un peu forte, l’Allemagne lui conseille de les garder encore. Il se pourrait que les choses train assent jusqu’au Baïram.

LE S U L T A N DE ROU MA N I E

On se souvient que le gouvernement roumain, cédant aux sollicitations du .Sultan, a interdit, il y a quelques mois, la publication d’un journal libéral turc, à Bukarest. Nous avions, à ce moment-là, vivement reproché à la Roumanie ces mesures arbitraires si peu dignes d'un gouvernement qui se prétend libéral. Nous apprenons que, sur une nou­ velle demande d’Abdul-Hamid, le gouvernement roumain a

arrêté deux Jeunes-Turcs, le colonel Chéllk Bey et Halil Bey aux fins d ’une expulsion. Malgré l’énergiqne protesta­ tion de MM. Scortescu et Kogalniceano et de plusieurs journaux indépendants, nos camarades ont été chassés du territoire roumain.

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8 MECHVERET (Supplément français)

Ieloge fait dernièrement par M. de Bülow, ministre alle­ mand des affaires étrangères, à propos des progrès réalisés par les Roumains, et l’expulsion simultanée des étrangers dans ce dernier pays et en Allemagne.

Nous ne nions pas ces progrès, au contraire; nous tenons à les constater et nous les admirons ; mais nous estimons aussi que la base d’une politique vraiment civilisatrice doit être la justice et non la tyrannie, l’indépendance chez soi et non la soumission aux ordres d’un souverain étranger qu’il s’est baigné dans le sang.

On sait que le roi de Roumanie est le chef d’un régiment russe, celui-là même qui a battu les Turcs devant Plewna, grâce aux interventions stupides d’Abdul-Hamid.

L ’empereur Nicolas, qui adresse de sa main gauche des messages aux grands Etats,en faveur du désarmement géné­ ral, et qui distribue de sa main droite des armes et des mu­ nitions de guerre aux petits Etats, ses protégés, a envoyé, il y a quelques jours, une députation à Bukarest, chargée d’offrir au roi les épaulettes avec les chiffres conférées au susdit régiment.

Au dîner donné à cette occasion, le roi a prononcé le toast suivant : « Je lève mon verre en l’honneur de mon brave régiment,en lui souhaitant de nouveaux lauriers, etc.»

Nous parlerons ailleurs du rapport qu’il peut y avoir entre ces souhaits de nouvelles victoires contre les Turcs et le projet de désarmement ; nous voulous simplement faire observer ici combien les souverains actuels tiennent à se ménager, et à être agréables les uns aux autres, au mépris des droits des peuples comme au détriment de toute poli­ tesse de bon voisinage.

Si le gouvernement roumain marche dans la voie de la réaction morale qui semble s’étendre en ce moment dans toute l’Europe, nous voulons espérer que les esprits libé­ raux et clairvoyants de cet Etat en voie de progrès ne se prêteront pas aux petits calculs dynastiques et qu’ils sau­ ront revendiquer hautement pour leur pays, ainsi que l’ont déjà fait les deux vaillants dépu tés et nos confrères, le droit d’asile, ce noble apanage d’une nation vraiment libre.

L E C O M M I S S A I R E D U Q U A T U O R

Le prince Georges est un homme néfaste. L ’an dernier, au moment de la guerre turco-grecque, il était à la tête d’une escadrille hellène dans le commandement de laquelle il a déployé largement toute sa nullité.

Le peuple l ’avait maudit ; la presse l’avait traîné dans la boue. Avant comme après la guerre, le prince Georges n’a jamais fait ses preuves dans une administration quelcon­ que ; : il n’a montré nulle part qu’il eût les capacités d’un gouverneur. Cependant les quatre puissances qui ont, un beau matin, jugé de première nécessité qu’un haut commis­ saire fût nommé en Crète, ont désigné ce prince même. « Comme étant la personne qui leur paraissait être le mieux indiquée pour accepter ce poste. » Et elles l'ont nommé après avoir p r ié le roi de Grèce de donner à son fils l ’auto­ risation d’accepter ce mandat ; du même coup, elles pas­ saient outre au consentement du Sultan, reconnu pourtant, par elles-mêmes comme suzerain ; mais peu leur importe !

Le prince Georges, qui ne touchait à Athènes que sa solde de capitaine de frégate s'élevant à 250 fr. par mois, aura( en Crète, un traitement annuel de 300,000 fr. Le gou­ verneur ottoman n’émargeait au budget que pour 70.000 fr. « En vue de pourvoir aux charges personnelles de S. A . R. le prince Georges, chacune des quatre puissance fera une

Paris. — lmp, Jean Gainche, 15, rue de Verneuil.

avance d’un million de francs qui sera ultérieurement rem­ boursée sur le produit de l’emprunt à réaliser par la Crète

sur ses revenus ».

Je n’entrerai pas ici dans les détails de ces manœuvres financières qui mériteraient pourtant qu’on en parlât ne fût- ce que pour faire voir comment on s’apprête à exploiter les Crétois. Je me borne à rappeler que la candidature du prince Georges fut proposée et soutenue énergiquement par la Russie; les autres Etats ont été entraînés par elle. Le Tzar a fait seul la conquête de la Crète dans le but d ’en faire cadeau à son ami Georges.

L a Russie comptait, dans la guerre turco-grecque, sur un soulèvement général des Macédoniens et, par conséquent, sur la défaite de l’armée turque. Son rêve ne s’étant pas réa­ lisé, elle a voulu consoler le roi de son insuccès et témoigner à son fils sa reconnaissance pour un service que celui-ci avait rendu jadis au Tzar. La guerre, les insurrections, tant de ruine et de massacres n’ont été préparés que pour arriver à cet inexorable but : récompenser le prince Georges.

Il avait sauvé, dit-on, la vie à Nicolas II, au Japon, dans une circonstance encore peu connue, d’ailleurs ; mais peu importe, le service valait bien une province, dût-on l ’acquérir au prix de cent mille malheureux morts ou réduits à la misère.

Les trois puissances ont été, ai-je dit, complices de la Russie dans ses manœuvres perfides. L a France, depuis quelques années, ne fait que suivre, sans élever la moindre observation, la politique intéressée de son alliée. Il a paru même qu’elle était heureuse de trouver en Crète un terrain favorable pour manifester publiquement ses sentiments phil- héllènes et anti-islamiques.

L ’Angleterre a été, je crois, jouée en Crête, comme en Chine d’ailleurs, par la Russie. 11 serait difficile de com­ prendre autrement pourquoi elle a tant soutenu la candida­ ture du prince Georges. L ’impératrice des Indes et le prince de Galles ont, il est vrai, un faible pour ce jeune homme.

La reine s’est empressée de lui faire envoyer ses félicita­ tions par une lettre autographe. On a même parlé du mariage du prince avec la princesse de Galles ; mais le prince, une fois nommé à son poste, ayant réfléchi qu’une princesse de trente ans — bien qu’Anglaise — ne faisait point son affaire a objecté que la religion orthodoxe n’admettait pas le mariage entre cousins germains.

Tous ces calculs et faveurs de cour ne devraient pas avoir une influence sur la politique anglaise. L ’Angleterre reste à Candie, elle y attend quelque chose: un évènement, probablement une insurrection qui éclatera après le départ définitif des trois autres puissances. Le commissaire du quatuor trouvera peut-être la mort dans ces troubles, et la flotte anglaise, qui évoluera par hasard dans les eaux de l’ile, viendra, au nom de l’humanité et de la civilisation, occuper la Crête et venger le sang de son commissaire en pendant tous les chefs des partis qui pouvaient gêner son protectorat.

La Crête a le malheur d’être située entre Malte, .Suez et le Bosphore ; la Grande-Bretagne a un intérêt capital à ne pas laisser une pareille position stratégique à la Russie qui elle, de son côté, compte certainement sur le prince Georges pour se servir au moment opportun des avantages qu’offre cette île dans la Méditerranée.

La rivalité des deux partis maintient la situation crétoise dans une trompeuse sécurité. Le nouveau commissaire, impuissant à calmer les passions déchaînées par tant de révolutions, n’est qu’un instrument dangereux entre les mains étrangères, d’une part, et celles des insurgés d’autre part. Parmi ces derniers mêmes, il vient de se produire une scission ; l’ambition personnelle entre en jeu en ce moment; nous verrons bientôt les conséquences de tous ces conflits.

Ahmed Riza. Le Gérant : Houillon.

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