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Notes pour servir a la reforma de la societe musulmane

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Academic year: 2021

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-Prince SaïD Halim. — Notes pour servir à la Réforme de la Société

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pour servir à la Réforme

de la Société musulmane

C’est avec une satisfaction infinie que nous voyons de nos jours les peuples musulmans se réveiller enfin de leur torpeur et aspirer ardemment à s’émanciper du joug étranger. Ils ont donc fini par comprendre que le devoir de tout Musulman, devoir sacré entre tous, est de jouir de la liberté et que, sans liberté, il n’est ni bonheur ni progrès réel.

Nous devons avouer cependant que cette satisfaction n’est pas sans mélange. Nous constatons, en effet, que la grande majorité des représentants des classes intellectuelles musulmanes ne tendent qu’à doter leurs pays de copies à peine déguisées des institutions occiden­ tales et ne croient pouvoir réaliser leur relèvement qu’en adoptant les conceptions et les principes du monde indo-aryen.

C’est cet état d’âme de 1’ « l’intelligenzia » musulmane qui nous afflige, parce qu’il prouve qu’elle ne se rend plus compte que l’Isla­ misme, en nous enseignant l’adoration du Dieu unique, nous dota, en même temps, d’un ensemble de principes moraux et sociaux dérivant de la croyance même à l’unité divine, que ces principes nous sont imposés par elle et que toutes les sociétés musulmanes en ont été

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Il semble donc que cette élite intellectuelle ne se dise plus, avec l’assurance que donne une conviction pleine et entière, que la religion musulmane est la religion humaine par excellence, la religion dans sa formule la plus haute et la plus complète, qu’elle est la civili­ sation même dans son esprit le plus vrai et sa signification la plus parfaite, et que, par conséquent, il ne peut y avoir de salut social comme de salut éternel en dehors d’elle.

Il semble qu’elle oublie que, si pour le monde chrétien tout chemin mène à Rome, pour le monde musulman tout chemin mène à la Mecque ; autrement dit que chacun de ces deux mondes est appelé à suivre une direction différente, une destinée différente, à remplir un rôle différent dans l’évolution générale de l’humanité.

Nul doute, qu’entre les idéaux, les conceptions et les aspirations du monde chrétien, entre ses besoins et ses moyens de les satisfaire et ceux du monde musulman, la différence ne soit aussi grande qu’entre les croyances, les conceptions morales et sociales, la men­ talité en général, l’origine et les traditions chrétiennes, d’une part, et celles de l’Islam, d’autre part. Pouvait-il en être autrement, puisque les premières naissent des secondes ?

C’est donc une erreur flagrante de croire que les institutions dont s’est pourvu le monde chrétien pour répondre à ses propres besoins, qu’ils soient d’un ordre politique ou social — en dernière analyse les deux notions se fondent l’une dans l’autre — , puissent jamais nous convenir quelles que soient, du reste, les modifications de détail qu’on pourrait y apporter. Ces mondes sont, en effet, si essentiellement dissemblables qu’aucun effort ne pourrait les faire communier dans une même conception de la vie individuelle et collective.

Nous ne pouvons attribuer la véritable déformation de la mentalité musulmane signalée plus haut, qui attend de son assi­ milation à la société occidentale la régénération de la société musul­ mane, qu’à l’influence néfaste de la domination étrangère subie par les peuples soumis à la loi du prophète, domination qui a joué le rôle de dissolvant intellectuel parmi eux.

Nous nous proposons de dissiper les erreurs dont cette mentalité se trouve chargée et de prouver qu’au point de vue moral et social, la

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« Cité >» islamique n’a rien à envier à l’Occident, rien à apprendre de celui-ci, qu’au contraire, c’est la chrétienté qui sous ces deux rap­ ports devrait se mettre à l'école de l’Islamisme.

Rien ne saurait mieux éclairer, et d’une façon plus nette, les cons­ ciences sur cette question d’une importance transcendante, que d’éta­ blir ce que fut l’œuvre sociale de 1 Islam. Cette évocation convaincra nos compatriotes et coreligionnaires que la réforme islamique consis­ terait tout simplement à ce que les fidèles, apprissent a mieux com­ prendre et à mieux appliquer les enseignements de leur sublime religion.

Πuvre sociale de 1 Islamisme

Toute l’œuvre sociale de l’Islamisme repose sur le principe fonda­ mental de la souveraineté du « Chériat ». La société musulmane est celle qui est soumise à cette souveraineté.

Or, le Chériat est l’ensemble des vérités morales et sociales nain-

relies, que le Prophète nous révéla au nom du Créateur, desquelles

dépend le bonheur humain.

La souveraineté du Chériat n’est donc que celle des lois moi aies et sociales qui ont leur source dans la nature même, qui sont, par conséquent, immuables et indépendantes de la volonté humaine, au même titre que les lois physiques. Il est évident que devant ces lois tous les hommes sont égaux, la liberté dont ils jouissent n’étant limitée que par le respect et la soumission qu’ils doivent à la volonté divine dont elles sont une manifestation.

En instituant le Chériat ou plutôt sa souveraineté, l’Islamisme établit le principe de la vraie égalité, de la vraie liberté et avec lui, le principe de la vraie solidarité humaine, créant ainsi l’idéal social le plus élevé et le plus vrai.

Comme on voit, le principe de la souveraineté du Chériat est la reconnaissance de la vérité fondamentale que toute existence, de quelque nature qu’elle soit, est soumise aux lois naturelles qui lui sont particulières, et conséquemment, que l’existence sociale des hommes se trouve soumise aux lois sociales naturelles, comme leui

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existence physique l’est aux lois physiques naturelles. C’est ainsi que l’Islamisme est arrivé à établir le principe que l’homme ri’est nulle­ ment astreint à subir la loi de son semblable, fût-elle le fait de la volonté du groupe le plus nombreux, l’arbitraire devant fatalement s’y mêler à un certain degré, et qu’il ne doit obéissance qu’à la volonté de son Créateur se manifestant par les lois naturelles.

Par là, l’Islamisme subjugua l’empirisme et le rationalisme, amas l’un et l’autre de préjugés et d’erreurs, qui avaient guidé jusque là les hommes dans la formation et le développement de leur orga­ nisation sociale, et formula des principes leur permettant de s’éman­ ciper des souverainetés imaginaires qu’ils s’étaient données pour satisfaire leur besoin naturel d’une autorité capable d’assurer l’ordre et la discipline, aussi bien au point de vue moral et social que politique.

C’est l’Islamisme qui, incontestablement, créa la conception la plus vraie de l’autorité, qui lui donna sa signification réelle en appre­ nant à l’homme que l’autorité indiscutable procède de Dieu seul, qu’en l’espèce elle se trouve dans le Chériat qui est la sanction de la vérité morale et sociale, conséquemment la sauvegarde de la sagesse et de la justice dans le gouvernement des Etats. Il mit fin à la croyance que l’autorité dérive de la fragile raison humaine dont les lois sociales et politiques n’ont créé, en réalité, qu’un pouvoir tyran­ nique et usurpateur, né de la violence, une souveraineté convention­ nelle et usurpatrice occupée à satisfaire des buts égoïstes se déplaçant avec ceux qui détiennent le pouvoir.

De tout ce qui vient d’être dit, il ressort que le Chériat est bien d’essence divine, sans qu’il ait, d’ailleurs, aucun caractère surna­ turel comme on se le représente si souvent. C’est ce qui explique l’absence de sacerdoce dans l’organisation islamique. En fait, le Chériat est un code divin, composé de lois parfaitement naturelles.

Si le Chériat mérite le respect et la soumission absolus, c’est qu’il contient la vérité divine appliquée à l’organisation de la société, vérité précieuse entre toutes puisqu’elle seule est capable de donner le bonheur social, et que, pour être connue, il a fallu que le Prophète la révélât.

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plus larges et différentes de celles du rationalisme qui, par son dogma­ tisme prétentieux, le paralysait et l’empêchait de se développer norma­ lement. Il produisit une révolution radicale dans le domaine de la pensée humaine, qui fut aussi salutaire, aussi décisive que celle qu’il provoqua, partout où il s’établit, dans le domaine de la vie pratique. Grâce à l’orientation nouvelle fournie à l’esprit par l’Islamisme, l’homme put développer en toute liberté ses facultés intellectuelles, ses capacités d’observation et de raisonnement, ce qui l’amena à inventer la méthode expérimentale et à créer la science moderne. Les premiers savants, dans le vrai sens du mot, furent les savants musul­ mans. Ce furent des initiateurs et des précurseurs dont les travaux seront une des gloires éternelles de l’humanité.

L ’erreur qui consiste à croire que le Chériat est un code de lois surnaturelles et que ceux ’qui s’y soumettent sans réserve sont de simples fanatiques, est due au fait que les vérités contenues dans ce recueil n’ont pas été connues par les mêmes procédés que celles qui servirent à l’acquisition des autres connaissances naturelles ; que ces vérités ne sont pas les produits de l’observation et du raisonnement, mais qu’elles furent révélées par le Prophète. Les facultés de l’homme et son expérience ne sont intervenues que pour confirmer et justifier ces vérités. Mais nous le répétons : en dehors de leur origine, les lois du Chériat n’ont rien que de naturel.

La question se pose maintenant de savoir pourquoi la révélation dp Chériat a eu lieu. Ces facultés d’observation et de raisonnement qui suffisent à l’homme pour lui faire connaître les lois scientifiques, pourquoi n’arrivent-elles pas à lui faire découvrir les lois morales et sociales ? La réponse est bien simple. Il est évident qu’entre ces deux catégories de connaissances, il existe une différence essentielle. En effet, [les premières, en tant qu’elles concernent l’homme, n’offrent de base certaine à l’étude, qu’au point de vue de son être physique. Elles sont donc d’un ordre purement objectif. Les secondes se rap­ portent à l’être humain, en tant que créature morale, consciente et sociable. Par là, elles sont d’un ordre sentimental, psychologique, c’est-à-dire qu’elles sont éminemment subjectives et n’offrent pas de base à la réglementation positive.

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L ’homme dispose bien de l’indépendance et de l’impartialité d’esprit nécessaires pour tirer des conclusions justes concernant les faits et les phénomènes qui se produisent mécaniquement en dehors de sa volonté et sur lesquels ses particularités personnelles n’ont pas de prise. Il peut en dégager des règles et des lois répondant à la vérité.

Mais aussitôt qu’il s’agit d’étudier l’existence de l’homme en tant qu’être moral et social, c’est-à-dire de facteur pensant et agis­ sant pour son propre compte, et de formuler des lois gouvernant sa conduite, à ce point de vue l ’observation et le raisonnement, si disci­ pliné qu’en soit du reste l’emploi, deviennent des guides incertains et le plus souvent trompeurs, parce qu’ils sont toujours entachés des infirmités de celui qui s’en sert.

Cette incapacité naturelle de l’homme à découvrir [la vérité dans ce domaine, se manifeste péremptoirement dans l’ignorance où sont encore les peuples pourtant ultra-civilisés de l’Occident, des lois morales et sociales répondant aux principes naturels et dans les souf­ frances qui sont le résultat de cette ignorance, alors que le travail leur a procuré à un si haut degré la connaissance des autres lois naturelles.

C’est donc un fait : l’homme n’aurait jamais connu les lois naturelles morales et sociales, dont dépend principalement le bonheur humain, si le Prophète ne les eût révélées.

C’est donc l’impuissance de l’homme à arracher à la nature le secret des lois morales et sociales qui fit intervenir le prophète pour le lui révéler, dans un code spécial, lui laissant le soin de découvrir lui-même par son travail personnel les autres lois naturelles, mais en lui recommandant tout particulièrement de cultiver la science qui y mène.

L ’insistance du Prophète sur l’importance de l’instruction scien­ tifique, de l’acquisition de cette instruction dont il fait un devoir spé­ cial pour le Musulman, en lui disant, notamment, « d’aller jusqu’en Chine» pour l ’obtenir, est un des aspects les plus remarquables et les plus distinctifs de l’Islamisme. Le Prophète fait de la science un des facteurs essentiels du bonheur humain.

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En résumé, l’enseignement social de l’Islamisme consiste à nous apprendre que la société humaine naturelle, celle qui est conforme aux lois morales et sociales naturelles, est la société qui est édifiée sur le principe de la souveraineté absolue du Chériat. Le point cardinal de cet enseignement est que Yautorité, base de l’ordre et de la stabi­ lité dans la société, ne peut dériver que d’une source incontestable et incontestée, en l’espèce de la parole de Dieu lui-même, puisque la science se trouve impuissante à fournir cette source.

L’Islamisme noüs apprend, en outre, que la société la plus heureuse est celle qui connaît et applique le mieux non seulement les lois morales et sociales, mais aussi les lois physiques, autrement dit la société qui sait le mieux obéir à l’ensemble des volontés du Créateur. L ’Islamisme insiste, en effet, sur le fait que le bonheur assuré par les lois morales et sociales seules, bien qu’il soit réel et stable, est néan­ moins incomplet parce que le côté matériel lui fait défaut, tandis que celui qui naît uniquement de la connaissance des lois scientifiques procure sans doute le bien-être et les jouissances matérielles, mais n'assure pas la paix sociale, base véritable des jouissances morales.

Souveraineté nationale

Malgré la supériorité manifeste de la doctrine musulmane en matière d’organisation sociale, la mentalité musulmane se trouve faussée de nos jours, au point de préférer au principe de la souve­ raineté du Chériat dont cette organisation découle, le principe de la souveraineté de la volonté nationale, omnipotente et irresponsable, bien que ce principe soit né d’hier et que considéré comme infaillible, il n’ait certainement atteint son but nulle part.

Eblouis par la puissance et la prospérité matérielles de la société occidentale, un nombre croissant d’intellectuels musulmans se plaisent à attribuer cette situation, objet de leur admiration sans bornes, à l’effet « miraculeux » du principe de la « souveraineté nationale »,

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Ayant fait adopter ce principe dans certains pays musulmans, — pour la forme, car le fonctionnement en est resté tout à fait artificiel, — ils voudraient que le Chériat cessât d’être la source d’inspiration et le critérium des gouvernants musulmans.

Or, cette conception de la souveraineté nationale omnipotente est aussi fausse que toutes les autres conceptions de souveraineté qui la précédèrent en Occident. Elle repose sur un droit imaginaire que la nation s’adjuge de sa propre initiative et autorité, imitant en cela ses maîtres d’autrefois, l’Eglise et la Royauté qui avaient proclamé, elles aussi, de leur propre autorité et à tour de rôle, leur souveraineté omnipotente, irresponsable et infaillible.

A la base de ces souverainetés, on trouve toujours le même prin­ cipe : la force. Le résultat est une lutte constante pour le pouvoir, dans laquelle les haines sociales s’enveniment et s’émiettent les forces nationales. Ces] souverainetés sont donc [des prérogatives imposées de vive force et non des principes qui s’imposent d’eux-mêmes au respect par le seul prestige de leur valeur morale intrinsèque ; consé­ quemment elles représentent des usurpations, c’est-à-dire des injus­ tices.

C’est qu’en réalité le droit réel ne naît que de l’accomplissement d’un devoir. Il est la chose méritée par un devoir accompli. Autrement, ü n'est qu’injustice et usurpation.

On croit, en général, faire preuve de grand libéralisme en préten­ dant que l’être humain vient au monde pourvu de certains droits naturels, entre autres celui d’être libre. Or, rien n’est plus faux, nous dirons même plusjanti-libéral. L'homme ne|jouitjd’aucun droit naturel. Il ne possède de naturel que la faculté de s’adapter à son milieu, c’est-à-dire d’observer les lois naturelles auxquelles est soumise son existence morale et physique et de s’y conformer, autrement dit d’accomplir des devoirs.

C’est en remplissant son devoir de s’instruire qu’il acquiert le

droit d’être écouté, c’est en pratiquant la vertu qu’il acquiert le droit d’être respecté, et c’est en se conformant à ses devoirs moraux

et sociaux, qu’il acquiert le droit à un certain degré de liberté, dont la valeur est très exactement déterminée par la valeur morale et

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sociale intrinsèque des devoirs qu’il accomplit et par la façon dont il s’en acquitte.

C'est pourquoi, du reste, l’Islamisme ri’enseigna à l’homme par le Chériat, que ses devoirs essentiels, ceux dont l’accomplissement parfait doit lui assurer comme conséquence le droit de jouir d’un bonheur complet et étemel.

' Etant née de l’évolution d’un principe faux, la souveraineté natio­ nale est destinée à disparaître comme ses devancières par la continua­ tion de cette évolution.

Au surplus, ce qu’on est convenu d’appeler la volonté nationale n’est en réalité que celle de la majorité de la nation, une majorité qui est susceptible de ne représenter que la moitié de la nation, plus une voix, c’est-à-dire la volonté d’une très faible majorité en opposition à une très forte minorité, une minorité presque égale à la majorité.

Le principe de la souveraineté nationale n’est donc que la recon­ naissance à la majorité du droit d'imposer sa volonté à la minorité, une volonté qui fait loi en toute chose et décide sans appel, conséquem­ ment une volonté absolue qui ne se prévaut que de la force du nombre, celle qui, — à supposer qu’elle né soit pas artificielle, ce qui est souvent le cas — , est précisément la moins capable de s'inspirer de la vérité et de la sagesse.

Si l’on se rappelle que dans les siècles passés le même droit appartenait à une minorité, aristocratique ou cléricale, qui ne manquait pas d’en abuser à sa fantaisie, l’on conviendra que la souveraineté de la volonté nationale n’est qu’une revanche de la majorité sur la minorité, revanche qui ne manquera pas tôt ou tard de s’attirer à son tour quelque nouvelle revanche qu'elle aura bien méritée.

Il serait absurde de méconnaître ou de vouloir déprécier la valeur de la volonté nationale exactement exprimée et de ne pas admettre qu’elle représente un ensemble de volontés individuelles qui sont la manifestation très précieuse de la conscience d'une société, l’exercice d’un droit de sa part et l’accomplissement d’un devoir. Elle doit par conséquent jouir d’une certaine considération et d’un certain respect. Mais quelque grande que soit cette déférence, il ne faut pas oublier que tout ce qui existe ici bas est soumis aux lois naturelles, les

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phéno-LA RÉFORME DE phéno-LA SOCIÉTÉ MUSULMANE 27

mènes sociaux aussi bien que les phénomènes physiques, et que toute volonté humaine, dans n’importe lequel de ces domaines, doit être guidée par les lois qui régissent chacun d’eux et que, par conséquent, la sagesse consiste à conformer la volonté humaine aux exigences de ces lois.

Si la volonté nationale n’est pas souveraine et omnipotente dans le domaine physique, si elle est obligée-de respecter les lois qui gou­ vernent ce domaine, elle ne peut prétendre à la souveraineté et à l ’omni­ potence dans le domaine moral et social et doit, comme dans l’autre respecter les lois qui s’y rapportent.

Comme d’autre part, la détermination de ces lois n’est pas possible au moyen de l’observation et du raisonnement, la croyance en la souve­ raineté du Chériat s’impose, la souveraineté nationale prenant une place secondaire qui doit respect et soumission à celle du Chériat.

Conséquence du Principe de la Souveraineté du Chériat

Ces conséquences sont d’une importance capitale car elles con­ sistent dans la naissance de toute une société nouvelle édifiée sur des fondements nouveaux qui la distinguent très nettement des autres sociétés.

L’œuvre sociale de l’Islamisme se résume dans l’établissement d’un état social basé sur l’égalité et la liberté dans leur esprit et leur caractère les plus naturels, un état social d’où disparurent les rivalités de classe, les luttes de caste et où ne se produisit plus aucune reven­ dication de liberté ni d’égalité. C’est ainsi que cet état social connut la solidarité humaine la plus vraie et la plus sincère, qui, s’étendant d’un peuple à l’autre, établit cette fraternité musulmane, phénomène sans pareil dans l’histoire du genre humain, qui réunit en une grande famille tout un monde de près de 400.000.000 d’êtres humains, appar­ tenant aux races les plus variées et vivant dans des conditions et sous des climats les plus opposés.

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idéal commun constant qui ne cessa de présider à leur évolution et grâce auquel, depuis plus de treize siècles, dans leur splendeur comme dans leur décadence, ils ne cherchèrent qu’à conformer leur conduite aux enseignements du Chériat, qu’à lui obéir de leur mieux, n’espé­ rant toujours leur salut que de lui.

Une autre conséquence de l’établissement de la société islamique fut d’assurer à l’autorité un prestige et une influence inconnus ailleurs et à toute autre époque. Par là, elle se fit craindre, respecter et aimer à la fois.

Elle se fit aimer parce qu’elle est née du Chériat pour le servir et le faire régner, qu’elle est donc d’une légitimité sans reproche écartant d’elle tout soupçon d’usurpation ou de spoliation.

Elle se fit craindre et respecter par la toute-puissance que lui vaut son origine impeccable et sa qualité d’être la sanction des vérités morales et sociales.

Aussi les erreurs et les abus qid se commirent en son nom ne purent- ils jamais porter atteinte au prestige dont elle se trouva investie dès le début,ni à la confiance qu’elle inspira. De tout temps les peuples musulmans gardèrent la conviction que les injustices et l’arbitraire dont ils eurent à souffrir n’étaient ni dans l’autorité clu Chériat, ni dans les institutions et lois qui en sont dérivées, mais bien dans les vices de ceux qui détenaient le poiivoir 'et qui agissaient au nom de la loi.

Us ne pensèrent jamais à contester la légitimité de l’autorité établie par le Chériat, ni à l’amoindrir de quelque façon que ce fût. Le remède aux abus et aux injustices, ils le cherchèrent dans le chan­ gement de leurs gouvernants dans un sens qui semblait leur promettre une meilleure représentation du Chériat et une meilleure application de la loi.

L’absolue justesse du principe de la souveraineté du Chériat se trouva donc établie par le respect constant, immuable, que cette souveraineté s’assura à travers les siècles. Son efficacité se manifesta de la façon la plus éclatante dans la création d’un état social qui remplit toutes les conditions essentielles pour garantir à l ’homme un bonheur individuel et collectif réel et complet. Elle supprima comme

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par enchantement les mille obstacles qui jusqu'alors entravaient le développement et le perfectionnement de l’homme et donna naissance du jour au lendemain à une civilisation admirable qui durant des siècles éclaira le monde de ses lumières fécondantes, lui enseignant la science, la justice et la sagesse et procurant surtout à la société qui subissait directement sa loi, un bien-être moral et une prospérité matériel sans pareille.

Période de décadence

Depuis environ deux siècles, la civilisation musulmane se trouve en pleine décadence, quoique le monde musulman soit resté inébran­ lablement fidèle à ses croyances, qu’il reconnaisse toujours la souve­ raineté du Chériat, et qu’il s’emploie de son mieux à observer les sublimes enseignements et commandements de l’Islam tout comme au temps de sa grandeur.

Si les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, si l’action de l’Islamisme ne donne pas les mêmes résultats, c’est, à coup sûr, que les peuples musulmans sont tombés dans l’incapacité de com­ prendre et d’accomplir avec la même exactitude leurs devoirs isla­ miques.

On a cherché à attribuer la décadence islamique à toutes espèces d’autres causes plus ou moins erronées et fantaisistes. Les détracteurs de l’Islamisme ont été jusqu’à prétendre, à l’encontre de la logique et de la vérité historique, que le principe de cette décadence se trouve dans la loi même du Prophète et que les peuples islamiques sont con­ damnés à rester dans leur état actuel d’infériorité tant qu’ils conser­ veront leur foi en elle.

Rien ne serait plus facile que de confondre les ennemis invétérés de l’Islam. Mais nous considérons qu’il serait oiseux d’entrer en dis­ cussion avec des gens que dominent le parti-pris et les préjugés.

Nous nous contenterons donc, sans plus nous occuper de ces augures fâcheux, de préciser l’incapacité dont se trouve atteint le monde musulman à déchiffrer ses devoirs islamiques, incapacité qui est la

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source unique de la décadence musulmane. Ceci nous permettra de déterminer le caractère de cette chute et nous indiquera en même temps les moyens d’y remédier.

En quoi consiste la décadence musulmane ?

Quels sont les devoirs islamiques que les peuples musulmans ne parviennent plus à remplir aussi exactement qu’auparavant ? Telles sont les deux questions qui se posent et auxquelles il importe de répondre.

Peut-on raisonnablement prétendre que la liberté, l’égalité et la solidarité aient disparu de la société musulmane, alors qu’au con­ traire nous constatons que, pas plus qu’à aucune autre époque, les haines de classe et de caste, les antagonismes de race ne s’y mani­ festent, alors que la fraternité islamique s’affirme plus vivace, plus active que jamais, alors enfin que l’autorité du Chériat conserve son prestige et jouit dans une pleine mesure de la confiance et du respect des fidèles ?

11 est évident que, sous ce rapport, les peuples musulmans, malgré leur décadence, sont plus heureux que les peuples occidentaux, chez qui les troubles sociaux sont plus marqués que jamais, chez qui l’autorité est battue en brèche avec une violence croissante, parce qu’elle n’inspire ni confiance, ni respect.

Malheureusement, il n’en est pas de même de la condition écono­ mique des peuples musulmans. C’est ici que nous touchons à la plaie.

A ce point de vue, la comparaison est toute à l’avantage des sociétés d’Occident. Autant la prospérité matérielle et la puissance économique de celles-ci ont grandi, autant celles des sociétés musul­ manes ont baissé. Sous ce rapport la Cité islamique est bien à plaindre, elle a toutes les raisons d’envier le sort des peuples d’Occident et a beaucoup à apprendre d’eux.

L ’abaissement de la condition matérielle du monde musulman a eu pour conséquence sa déchéance politique. Réduit à l’impuissance par sa pauvreté et les lacunes de son outillage, il n’a pu défendre son indépendance contre les entreprises ambitieuses des peuples d’Occident. Il a connu ainsi tous les maux, toutes les humiliations de l’asservis­ sement. Mais, — et ceci donne la mesure de la puissance intrinsèque

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de domination de l’Islamisme, — les calamités qui s’abattirent sur sa tête ne lui firent pas perdre un seul instant sa foi ardente en sa religion, ni, — et ceci marque la puissance de l’organisation musulmane — ne purent l’anéantir socialement, malgré sa ruine économique et politique.

La puissance vet la prospérité matérielle étant l’apanage des sociétés qui savent profiter des bienfaits de la nature en discernant les lois qui la gouvernent, la décadence musulmane peut être attribuée en dernière analyse à l’ignorance, contre laquelle le Prophète avait cependant mis spécialement en garde les fidèles.

Si déplorable que soit la condition des peuples musulmans du fait de cette ignorance, le cas n’est pas mortel. En effet, il s’agit d’une décadence matérielle, par conséquent facilement réparable. Au point de vue moral et social, la structure musulmane a survécu. C’est l’essen­ tiel. Il y a là de quoi se consoler largement.

L ’histoire du monde musulman donne la confirmation catégo­ rique de notre diagnostic sur sa décadence. Elle nous apprend en effet que le déclin de ce monde coïncida avec l’apparition dans son sein d’une certaine scolastique. La religion musulmane est absolument opposée aux subtilités et aux raffinements excessifs de la pensée religieuse, et c’est ce . qui explique l’absence du sacerdoce dans l’Islamisme.

Cette scolastique propagea la croyance que les si pressantes recom­ mandations du Prophète en faveur de l ’étude et de la science se rapportaient exclusivement aux vérités contenues dans le Chériat, et que la méditation de ces vérités devait absorber l’esprit humain. Il y avait là une interprétation foncièrement arbitraire des intentions du Prophète ; car, après nous avoir appris les vérités morales et sociales dans le Chériat, il ne cesse d’insister, ainsi que nous l’avons déjà relevé, sur la nécessité d’acquérir par nous-mêmes toujours plus de science, de nous instruire sans répit. Il nous dit que c’est par la science que nous apprécierons davantage notre religion et la prati­ querons d’autant mieux. Par là, il entendait nous assurer, au moyen d’un labeur constant qui devait nous livrer les secrets de la nature, un bonheur matériel digne du bonheur moral et social qu’il nous offrait gratuitement dans le Chériat.

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Néanmoins, le mysticisme, dont le monde musulman devint victime du fait du pseudo-clergé qui s’établit à faux dans son sein, se géné­ ralisa au point qu’il finit par dominer la mentalité musulmane. Par l’effet de la scolastique, le monde musulman se désintéressa de plus en plus de l’étude de la nature et abandonna presque complètement les sciences naturelles.

C’est ainsi que les peuples musulmans tombèrent dans une inca­ pacité de plus en plus marquée de s’assurer le bien-être matériel et la puissance dont ils avaient besoin pour vivre libres et défendre leur indépendance contre les assauts du dehors. Ils sont donc eux-mêmes responsables de leur déchéance économique et politique.

Cependant l’insuccès persistant de leurs efforts pour se relever, leur contact de plus en plus intime avec l’Occident, et surtout les enseignements que celui-ci leur fournissait, finirent par créer dans le monde musulman la conviction que les lois du Chériat étaient contraires aux exigences du progrès matériel.

Trompés par cette idée funeste, les uns crurent devoir sacrifier leur bien-être matériel à leur bien-être moral et social, autrement dit, les lois du progrès à celles du Chériat, tandis que les autres crurent

au contraire agir plus sagement en se décidant à sacrifier les exigences du Chériat à celles de leur relèvement matériel, alors qu’elles sont non seulement compatibles les unes avec les autres, mais qu’elles se complètent.

En agissant de la sorte, les premiers espéraient ressusciter un passé glorieux, mais déjà lointain, sans se rendre compte que le progrès matériel est le complément nécessaire du bien-être moral et social, tandis que les seconds s’imaginaient pouvoir créer de toutes pièces une société nouvelle prospère et puissante en détrônant le Chériat de sa souveraineté.

Voilà comment naquit d’abord le désir de l'occidentalisation dans l’esprit musulman.

Il est vrai que les partisans de cette tendance ne furent jamais qu’une infime minorité, mais cette minorité représentait la majorité dans les classes intellectuelles et éclairées. Elle finit donc par exercer une influence considérable sur le sort de la société musulmane, grâce

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surtout à l’appui que lui accordaient les représentants de la domi­ nation occidentale dans le monde musulman.

L ’ « intelligenzia » musulmane s’était ralliée d’autant plus faci­ lement au principe de l'occidentalisation que cette classe s’était fait instruire en grand nombre dans les centres occidentaux ou dans les écoles que les puissances étrangères s’appliquaient à créer en pays musulman en rivalisant les unes avec les autres, préoccupées qu’elles étaient d’établir par la propagande leur domination morale et intel­ lectuelle sur le monde musulman, afin d’y consolider leur domina­ tion économique et politique.

Formés dans ces conditions, les intellectuels musulmans finirent par ne plus juger leur religion qu’à travers une mentalité plus ou moins

occidentalisée, c’est-à-dire qu’ils ne comprirent plus les vérités morales

et sociales qu’elle enseigne. Il arriva même qu’ils perdirent la foi en ses principes moraux et sociaux, leur témoignant une indifférence pleine de dédain ou une animosité violente.

Ainsi, en s’occidentalisant, cette soi-disant élite s’aveugla complè­ tement sur le mal qu’elle voulait guérir, et de même qu’elle n’en comprit pas le caractère, elle cessa de discerner les ressorts de la société où ce mal était logé.

En somme, elle ne fit que compliquer la condition déjà très précaire du monde musulman et y troubler la conscience publique en la défor­ mant partiellement à l’image de la sienne.

Quant aux partisans du Chériat, trompés et subjugués par la scolas­ tique, ils ne furent pas plus heureux dans leurs efforts pour remédier à la décadence musulmane par le système du renoncement.

Mais rendons-leur justice. C’est grâce à eux que dans le monde de l’Islam surgit une foule de gens qui continuèrent à étudier, à méditer et à commenter les vérités du Chériat, à s’en nourrir et à leur consacrer toute leur pensée, tout leur cœur, toute leur intelligence.

Il finit par se créer ainsi toute une science basée sur le culte du Chériat, où l’homme n’observe, ne compare et ne conclut que par ses vérités, une science dont le but est d’apprendre à l’homme de se conformer au Chériat dans toutes les manifestations de son être moral èt de l’appliquer dans tous ses actes.

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Cette science, qui est propre à l ’Islam et qui est connue sous le nom de « Fikih », est certainement ce que l’esprit humain a pro­ duit de plus considérable e t de plus pariait dans le domaine des sciences morales et sociales. Elle fournit dans ce domaine une disci­ pline qui correspond à la méthode expérimentale dans le domaine des sciences positives. C’est grâce à elle que le monde musulman put .garder intacts ses conceptions, ses principes et ses traditions, ainsi que son esprit et son idéal islamiques, à travers les siècles et les mille vicissitudes de la domination étrangère. 11 lui doit d’avoir échappé.ainsi à la décadence morale et sociale, ce qui eût été irrépa­ rable.

Maintenant que nous connaissons la nature du mal dont est rongé le monde musulman et les causes qui le produisirent, le moyen d ’y remédier s’indique de lui-même.

Il apparaît clairement en effet qu’il consiste simplement à acquérir les connaissances positives qui lui manquent. Comme, d ’autre part, ces connaissances se trouvent être possédées par les peuples d’Occi- dent, c’est chez eux, que nous devons aller les chercher. C’est d’.eux que nous devons réapprendre la méthode expérimentale que nous avons oubliée, et la technique moderne que nous avons négligée.

Mais il importe de préciser que c ’est là tout ce que nous avons à demander aux peuples d’Occident. En effet, s’il est indiscutable que le seul moyen de mettre fin à la décadence musulmane est d’emprunter à l’Occident sa science positive et ses procédés techniques, cela ne veut nullement dire que nous devions adopter les applications qu’il a faites de ses connaissances scientifiques, notamment dans le domaine de l’organisation du capital et du travail. Loin de nous, le système de rapports qui s’est établi en Occident entre ces deux facteurs de la production !

La sagesse élémentaire nous enjoint de nous en tenir sur ce point aux prescriptions du Chériat, qui ont fait leurs preuves en épargnant à la société musulmane les dissensions et les luttes entre classes qui n’ont cessé de troubler l’existence des nations occidentales. C’est au « Fikih », qui est basé sur le Chériat et en a développé l’esprit et le sens, que nous devons nous adresser pour créer et régler notre orga­

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LA RÉFORME DE LA SOCIÉTÉ MUSULMANE 35

nisation économique. Nous y trouverons la garantie d’un fonction­ nement des lois positives dans un cadre social exempt des pertur­ bations qui vicient les .systèmes occidentaux.

Ces lignes dqplairont sans doute à nos.occidentalisants. Mais quelle que soit l’énergie avec laquelle ils croient devoir protester, iis ne pourront altérer le fait que leurs jugements-exprimant une admiration sans réserve des conditions de l’Occident ne reposent pas sur des études approfondies, ni sur des comparaisons établies dans un esprit suffisamment philosophique, et que, par conséquent, il y a des chances sérieuses qu’ils se trompent. Le sentiment qu’ils professent notamment à l’égard du régime social des peuples occidentaux, leur est simple­ ment inspiré par le spectacle de la prospérité matérielle de ces peuples, de même que le dédain qu’ils témoignent avec tant d’ostentation envers le système social musulman et en général envers toute l'œuvre sociale, pourtant si admirable, de l’Islam, procède de la vue de l ’infé­ riorité des conditions matérielles d’existence de la société musulmane. Or, la prospérité matérielle d’une société est le produit de son activité dans )e domaine des connaissances techniques. Elle ne constitue pas une preuve suffisante de la supériorité de son régime social. On pourrait même dire qu’en Occident, la prospérité règne

malgré ses conditions sociales qui sont manifestement très impar­

faites.

En somme, ce qui a induit nos occidentalisants à professer leur admiration sans bornes pour l’Europe et leur dédain pour l’Islam, double erreur qui les classe parmi les sociologues dilettanti, c ’est le goût immodéré des jouissances qu’ils ont contracté au contact de la première.

L a Société occidentale

En suivant l ’évolution des sociétés occidentales depuis leur formation jusqu’à nos jours, on constate que d ’abord le pouvoir spirituel y domina et ensuite céda le pas à la royauté, c’est-à-dire au pouvoir temporel. Nous verrons que ce dernier finit par amener le règne de la démocratie, régime faussement dénommé qui se

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caractérise actuellement par l ’omnipotence de la bourgeoisie. Grâce à cette omnipotence d’une classe industrieuse, peu idéaliste et par conséquent égoïste, les questions économiques ont acquis une impor­ tance exceptionnelle dans la dernière phase de l’évolution des peuples occidentaux, au préjudice des questions d’ordre moral et social, dont le rôle au point de vue du vrai bonheur humain est bien plus considérable. Ce processus imprima un caractère très particulier à la phase actuelle de l’évolution occidentale. Il a eu pour résultat de développer chez l’individu la soif de la vie de plaisir et de luxe et de le pousser à la conquête de la richesse qui assure cette vie. L ’idée de lucre exaspère son égoïsme et détermine une féroce exploitation du faible par le fort. A la poursuite de la jouissance, c ’est-à-dire de la richesse, l'individu finit par croire que tout lui est permis.

L'essor prodigieux de l’industrialisme, auquel nous assistons de nos jours, développement sans pareil dans l’histoire, est le produit de cette évolution. L ’industrialisme constitue la base sur laquelle repose presque en entier l’édifice social occidental.

Mais, si c ’est la bourgeoisie capitaliste qui créa cet état, c’ést le prolétariat qui l’entretient et le fait durer par son travail. De ce fait, ce dernier se trouve avoir acquis dans la société occidentale une importance au moins égale à celle de la bourgeoisie. Aussi voyons-nous ce prolétariat faire tous ses efforts pour imposer sa volonté, non seule­ ment à la bourgeoisie, mais à la société entière, dont il- voudrait renverser les institutions, pour les remplacer par une nouvelle orga­ nisation conforme à ses conceptions propres, et qu’il se propose de diriger exclusivement.

Comme on le voit, la société occidentale n’a jamais cessé d’éprouver le besoin de changer et rechanger les modalités de son existence collective. A ce point de vue, son évolution ne fut qu’une suite de tâtonnements, de recherches, d’expériences toujours d’un caractère essentiellement empirique et où elle se laissait guider par des préjugés, des besoins momentanés et des circonstances passagères. S'il en a été ainsi, c’est évidemment que cette société n’est jamais arrivée à se donner un idéal social constant. Le sien changea sans cesse, s’inspirant de l’évolution de ses sentiments, de ses besoins

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LA RÉFORME DE LA SOCIÉTÉ MUSULMANE 37

matériels et de ses connaissances techniques. Son idéal, ou plutôt ses idéaux, ne guidèrent pas son évolution générale, ils la suivirent. Or, si un idéal social n'est pas fixe, s’il se transforme à chaque instant sous 1 influence des faits accomplis, s’il dépend de l’évolution sociale au lieu de 1 inspirer, c’est que cet idéal est creux, qu’il ne repose pas sur des vérités morales et sociales naturelles, celles qui sont indé­ pendantes de la volonté de l’homme et s’imposent à son respect par leur valeur intrinsèque, mais bien sur des décisions arbitraires et capricieuses de tel ou tel groupe de gouvernants.

Il est donc évident que la société occidentale n’a pat; encore appris les vrais'principes moraux et sociaux, c’estrà-dire ceux qui ont leur fondement dans la nature immuable et sont seuls capables d assurer à la collectivité des conditions stables d’existence, ïa stabi­ lité signifiant 1 équilibre, catégorie sans laquelle. le bonheur social est toujours incomplet et éphémère.

L instabilité d’un régime social est la preuve évidente qu’il ne satisfait qu’une partie de la société, tandis qu’il mécontente l'autre, qu’il favorise l’une au préjudice de l’autre. Il s’ensuit que plus un régime est instable,, plus il est oppressif, mais combattu avec acharnement. Il ne se maintient que par la violence et la répression et finit par se ruiner lui-même du fait des injustices et des abus qu’il commet pour se maintenir.

Voilà comment dans la société occidentale, l’autorité, cette chose indispensable à l’existence de la collectivité, est combattue sans trêve ni répit. Quelle différence à ce point de vue entre cette société et la société musulmane, où inspirant une confiance et un respect inébranlables, l’autorité ne subit aucune atteinte !

Peu importe que ce soit la Royauté ou l’Eglise qui gouverne, que ce soit le laïcisme ou le spiritualisme qui domine, que la démocratie ait supplanté l’aristocratie, ou que le socialisme soit substitué au capitalisme, le mal ne fait que se reproduire sous d’autres formes et d’autres, aspects. Ce sont toujours de nouveaux abus, de nouvelles injustices qui remplacent les anciennes et qui en enfantent à leur tour d’autres dont doivent souffrir les générations futures.

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le bien-être matériels dont jouisse à un moment donné une pareille société, son bonheur sera éphémère et incomplet, puisqu’elle ne- connaîtra pas la stabilité et que le vrai bien-être moral lui fera défaut Qu’y a-t-il de réellement enviable dans une pareille condition?

Parmi les* plus chères illusions que nourrissent k l’égard de l’Oc­ cident la grande majorité de nos intellectuels, il en est une qui demande à être dissipée car elle est une des plus fausses et des plus dangereuses. C’est celle qui consiste à s’imaginer que dans la société occidentale, l’homme jouit d’une dose de liberté inconnue jusqu’ici.

Or, le degré de liberté et d'égalité se mesure, quelle que soit, du reste, la société dont il s’agisse, à la stabilité de son équilibre social, autrement dit, à la valeur de la justice qui y existe. Si, donc, dans la société occidentale, les rivalités et les antagonismes des classes subsistent au point de les pousser à se combattre avec la violence que nous voyons, si la solidarité ne s’affirme que parmi les membres d’une même classe au détriment de la société entière, si en un mot l'équilibre social y est constamment rompu ou menacé, il y a là autant de preuves concluantes que la liberté et l’égalité y sont loin d’être aussi parfaites que nos intellectuels veulent bien le croire.

I>u reste, il est bien difficile d’instaurer la liberté et l’égalité réelles dans une société fondée ainsi que l’est celle d’Oceident sur la négation de ces principes. Car, qu’on ne s’y trompe pas : la faveur et le privilège, tant en ce qui concerne l’individu, qu’en ce qui concerne certaines sections de la collectivité, sont à la base de l’organisation sociale de l’Occident. Dans un pareil monde, on a beau édicter des lois soi-disant libérales, la mentalité, étant foncièrement anti-libérale et anti-égalitaire en vertu des préjugés séculaires qui s’y sont ancrés au cours des siècles, maintiendra les injustices dans la pratique. Pour remédier à cette situation, il faut réformer la mentalité au moyen d’un système d’éducation approprié, appliqué avec patience et intel­ ligence pendant des générations entières. Les distinctions de classe, de rang, de race ne disparaîtront réellement de la société occidentale que quand l’esprit d’impartialité et de tolérance aura passé dans la conscience publique et que les hommes, quelles que soient leur origine et leur situation, ne verront dans leurs semblables que des égaux ne

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différant entre eux que par leur capacité individuelle à remplir leurs devoirs, et à exercer leurs droits.

C’est à ces seules conditions que l’homme peut se faire une conception vraie de la liberté et de l’égalité et qu’il peut en jouir selon ses besoins et dans une mesure entière. En effet, il s'agit pour lui de comprendre que la valeur de la, liberté et de l’égalité, existantes, dans une société déterminée, dépend de la valeur morale et sociale des individus qui la composent, et que la valeur morale et sociale de l’individu dépend à son tour des principes moraux et sociaux sur lesquels, cette société se trouve édifiée, et non des lois de circonstance, plus ou moins accidentellement justes, qu’elle, se donne pour corriger les injustices sociales qui s’y perpétuent à la faveur de l’esprit d’into­ lérance et de partialité.

Seule, cette refonte de la mentalité occidentale pourra faire cesser les rivalités et luttes de classes qui y persistent à travers les multiples changements au moyen desquels elle a pensé y échapper. Toutes ces aspirations vers la liberté et l’égalité, toutes ces revendications sociales qui se font jour avec plus ou moins de violence sans être jamais satisfaites, ne se réaliseront qu’a cette condition. La justice sociale que l’Occident cherche depuis si longtemps sans la trouver, c’est alors qu’il la tiendra.

Des différentes constatations et comparaisons que nous avons faites, il résulte — disons-Ie encore une fois — que la société musul­ mane n’a aucune raison de préférer les principes moraux et sociaux de l’Occident à ceux du Chériat. Ceux-ci sont incomparablement supé­ rieurs à ceux-là. Ce n’est pas en nous en séparant, c’est au contraire en cherchant à les mieux comprendre et appliquer, que nous pouvons espérer mettre fin à la décadence actuelle du monde musulman.

LA RÉFORME OE LA SOCIÉTÉ MUSULMANE 39

Le Régime politique occidental

Comme tous les régimes politiques, ceux d’Occident sont nés de ses divers régimes Sociaux pour les servir et contribuer à leur évolution. Le régime politique occidental devait donc forcément subir les

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transfor-mations que lui imposaient celles du régime social au cours de son évolution. Ceci devait le rendre aussi instable et variable que le régime social dont il dérivait.

Nous ne nous occuperons pas ici des phases diverses que le régime politique occidental traversa dans le passé. Ce qui nous intéresse en ce moment, c’est sa phase actuelle.

Tel qu’il se présente à nos yeux aujourd’hui, il repose, lui aussi, entièrement, sur le principe de la souveraineté nationale. Cela devait nécessairement être ainsi du moment que la société occidentale ire consentait à voir la vérité et la justice sociales que dans la volonté nationale exprimée en toute liberté et sans restriction aucune. Jusqu’à nouvel avis il n’en sera pas autrement.

Une des premières conséquences de l’adoption de ce principe fut qu’il donna naissance à la représentation nationale. L ’institution de la représentation nationale fut l’œuvre politique capitale de la société occidentale moderne. C’est la base de tout son système politique.

Or, comme les nations occidentales se trouvent divisées en classes sociales ayant des idéaux et aspirations différents résultant de leurs besoins politiques et sociaux différents, souvent même opposés, il arriva que, dès ses débuts, la représentation nationale devint le champ clos des luttes de ces classes hostiles. C’est ainsi que naquirent les partis politiques dont les chefs, tout en se consacrant presque exclu­ sivement à la défense des intérêts de leurs classes respectives, n’en prétendent pas moins lutter au nom de la nation.

Les Parlements occidentaux devinrent ainsi l’arène où se livrent les luttes sociales, procurant tantôt à l’un des partis politiques, tantôt à l’autre, l’occasion de se saisir du pouvoir et de l’exercer à sa convenance pendant sa gestion.

Tel est le rôle rempli pour le moment par la représentation natio­ nale dans l’évolution sociale des nations occidentales. Il en sera ainsi aussi longtemps que l’antagonisme des classes persistera. L ’ère de paix et de concorde politique ne naîtra au sein des nations occiden­ tales que quand se feront la concorde et la paix sociales.

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régime politique que s’est donné la société occidentale répond parfai­ tement à son régiiiie social et le satisfait entièrement.

Quant aux droits et prérogatives de cette représentation nationale, aussi omnipotente, infaillible et irresponsable que la souveraineté nationale dont elle est issue, ils sont naturellement des plus étendus. On pourrait môme dire qu’ils sont illimités. Elle possède le mono­ pole de la législation, ce qui lui réserve le droit exclusif de faire connaître la volonté nationale et de l’imposer sous forme de lois. Elle exerce, en outre, sur le Pouvoir exécutif un contrôle qui, dans certains pays, va jusqu’à lui permettre de le dominer.

Le rôle principal de la Représentation nationale est donc de démocratiser la société, c’est-à-dire de soumettre la minorité à la volonté de la majorité, pendant que le droit de contrôle qui lui est conféré procure bien plus d’avantages à ses propres membres qu’il ne procure au pays une administration sage et honnête.

Sous un pareil régime, l’exécutif n’est que l’instrument docile du Parlement, et comme tout pouvoir qui perd son indépendance renonce en même temps à son caractère essentiel et se prive de la possibilité d’exercer consciencieusement sa fonction naturelle, l'exécutif finit par s’employer à servir les intérêts particuliers des partis et des person­ nalités qui le soutiennent au Parlement. Il cherche à leur recruter des partisans en créant et en distribuant des emplois grassement rétribués, à leur assurer la majorité par tous les moyens dans les élections, et se prête ainsi à toutes sortes de compromissions et de concessions qui corrompent l’administration, tout en la rendant de plus en plus oné­ reuse.

En résumé, sous un pareil régime politique, l’exécutif fait bien plutôt de la mauvaise politique que de l’administration sage et honnête.

De plus, un régime politique où le droit de légiférer appartient en monopole à un corps politique est toujours des plus indésirables, parce qu’il est d’une partialité évidente, qu’il est insoucieux de la justice, et que la loi n’y est plus qu’un instrument légal d’oppression plus ou moins sensible. Les lois viseront avant tout à satisfaire des intérêts particuliers, en même temps que de parti, sans tenir suffisam­

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ment compte de l'intérêt public d’un ordre plus général et élevé. Elles seront forcément entachées d’injustice et de partialité.

Si, en outre, on s’avise que le corps politique qui légifère est celui où les passions et les rivalités sont le plus vives, où conséquemment la modération et la sagesse font le plus défaut, on peut aisément concevoir le discrédit où doivent forcément tomber les lois qui sont l’œuvre d’un pareil régime.

Et cependant, les nations qui vivent sous cette forme d'organi­ sation politique se sont évertuées à soustraire aux mauvaises influences ceux qu’elles désignent pour interpréter et appliquer la loi, dans le but de prévenir les erreurs et les injustices.

A moins que ces nations ne pensent qu’il faille plus d’impartialité et de sagesse, en même temps que plus de savoir, pour appliquer les lois que pour les élaborer, on aperçoit dans l’attitude que nous sommes en train de critiquer, un aveu de la flagrante insuffisance du régime politique.

Il serait superflu de s’attarder plus longtemps à énumérer les défauts et les lacunes du régime dont il s’agit. La liste en est trop longue. Celui que nous venons de signaler suffit à le faire condamner. Il est le plus important et le plus grave, en même temps que la conséquence la plus directe du principe de la souveraineté nationale.

Mais, quelque grandes que soient les erreurs de ce régime, au point de vue de la justice sociale, répétons qu’il présente néanmoins le mérite de concorder avec le régime social dont il est la contre-partie politique, d’en être le produit logique et naturel, la manifestation sincère. S’il est défectueux, c’est qu’il est destiné à satisfaire aux exigences d’un régime social lui-même défectueux. C’est là, du reste, le seul mérite qu’on puisse lui reconnaître sans que pour cela on songe à le dédaigner. Mais il est évident que dans une société dont les besoins seraient différents de ceux de la société occidentale, il serait désas­ treux. 'Du Veste il n’aurait aucune raison d’être.

Il semble que ceux d’entre nous qui se déclarent partisans du régime politique de l'Occident sont influencés à leur insu par la parfaite convenance de ce régime au régime social qui le fit naître. En réalité leur admiration ne procède pas d’autre chose.

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LA RÉFORME DE LA SOCIÉTÉ MUSULMANE 43

Récapitulons.

Le mal dont souffre la société musulmane provient de son igno­ rance des lois physiques naturelles, ce qui l ’empêche de profiter des bienfaits de la nature et la condamne à la misère matérielle, tout en compromettant son indépendance politique.

D ’autre part, le mal dont est atteint la société occidentale provient de son ignorance des lois morales et sociales naturelles, ce qui la maintient dans une perpétuelle crise sociale.

La première de ces sociétés se trouve être privée du bien-être matériel, la seconde du bien-être social.

Pour échapper à son mal, la société musulmane doit dissiper l’ignorance qui en est la source. Elle doit, donc, s’adresser à la société occidentale qui, plus heureuse qu’elle sous ce rapport, possède la science. De son côté, la société occidentale, si elle tient à se guérir de son mal à elle, mal social, ne pourrait mieux faire que de s’adresser à la société musulmane pour lui emprunter les lois morales et sociales que contient le Chériat.

Ainsi donc, l’aide et le concours que la société musulmane a à demander à la société occidentale sont limités et d’une nature très précise. Cette aide et ce concours ne peuvent en aucun cas être d’un caractère social ou politique. En effet, l ’occidentalisation de la société musulmane sous n’importe qu’elle forme et à n’importe quel degré serait la plus grosse erreur concevable.

Régime politique musulman

Le meilleur régime politique est celui qui répond le mieux aux exigences du régime social auquel il ressortit, qui en interprète le mieux les principes fondamentaux, qui en est l’expression la plus fidèle. Partant de ce principe, nous essayerons de déterminer ce que doit être le meilleur régime politique musulman.

Comme nous l’avons expliqué précédemment, la société musul­ mane est celle qui est soumise à la souveraineté du Chériat. C’est, en d’autres termes, la société où chacun est tenu d’accomplir lui-même les

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devoirs que lui imposent les lois morales et sociales du Chériat et de veiller, d autre part, à ce qu’élles soient respectées et appliquées par les autres, — la collectivité toute entière.

C’est donc un devoir religieux pour tout musulman de tenir la main à ce que son Gouvernement assure la suprématie du Chériat. Ce devoir islamique a pour contre-partie un droit islamique incon­ testable : celui de contrôler le Gouvernement.

Ainsi donc, le régime islamique est représentatif par essence. Dans la société musulmane, qui ignore les rivalités de classe, où 1 idéal et les aspirations sociales sont les mêmes chez tous, la repré­ sentation nationale doit forcément prendre une forme toute diffé­ rente de celle de la société occidentale. Elle doit en différer par son esprit et son objectif, par sa composition, par ses droits et ses préro­ gatives.

La repiésentation nationale dans la société musulmane doit être assurée par une assemblée d’élus de la nation dont la composition garantira dans son sein le règne de la concorde et de la paix poli­ tiques calquées sur la fraternité entre classes qui est un des traits distinctifs de la société musulmane. Elle doit établir et maintenir dans le domaine politique la solidarité qui s’affirme dans le domaine social.

Dans le Parlement musulman il n’y aura donc pas de communistes, ni de socialistes, ni de républicains, ni de monarchistes. Il n’y-aura que des hommes de bonne volonté nourissant le même idéal et poursuivant le même but : celui d appliquer de leur mieux les sages commandements du Chériat. Ce seront des hommes ne différant entre eux que par le choix des moyens pour servir cet idéal commun.

Par conséquent, les représentants de la nation musulmane n’auront pas à se combattre pour vaincre et dominer. Ils n’auront qu’à s’entr’aider pour assurer la soumission de tous à l’idéal commun. Etant exempt de 1 esprit de rivalité, leur contrôle s’exercera sans passion, sans jalousie, sans haine, c’est-à-dire dans des conditions où l’acti­ vité humaine peut se rendre la plus bienfaisante et le plus féconde.

Quant aux droits et prérogatives de ce Parlement, ils seront assez larges pour lui permettre d ’exercer le contrôle le plus étendu, le plus

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LA RÉFORME DE LA SOCIÉTÉ MUSULMANE 45

complet, le plus efficace et le plus effectif sur le Gouvernement. Mais ils ne comporteront pas la faculté de légiférer. La reconnaissance d’un pareil droit à la représentation nationale serait contraire à l’esprit du Chériat, dont la sagesse et la justice parfaites ne sauraient admettre qu’un groupe d’hommes politiques, si élevé que soit leur caractère, fût chargé de la confection des lois.

De plus, les raisons particulières pour lesquelles ce privilège est reconnu au Parlement dans la société occidentale, n’existent pas dans la société musulmane. En fait, le Parlement musulman n’aurait pas à s’occuper de faciliter, en faisant des lois appropriées, les constantes tTansformations sociales que réclame l’état fluctuant de la collectivité occidentale. Il n’aurait qu’à perfectionner et à consolider l ’état exis­ tant, état stable par essence, en vue de sa conservation.

La représentation nationale dans la société musulmane serait donc

un pouvoir contrôleur et non législatif, car son but ne consisterait qu’à

assurer à la Société une administration sage et honnête et à y faire régner la justice la plus grande entre les individus et à aider ainsi la nation dans son œuvre de progrès constant.

L e Droit de légiférer

Etant donné que dans la société musulmane la fonction de légi­ férer est une fonction essentiellement sociale, de la plus haute impor­ tance, une fonction où, par conséquent, le caractère politique ne pré­ domine pas, comme dans la société occidentale/le droit de légiférer doit appartenir à celui qui sait faire des lois, c’est-à-dire au légiste, car ce ne peut être là une question de majorité et de minorité, mais simplement de compétence. Si c’est la compétence seule qui donne au médecin le droit incontestable de soigner la santé physique de l’indi­ vidu, c’est à plus forte raison la compétence et rien que la compétence qui conférera au citoyen le droit bien autrement important de soigner la santé morale et sociale de toute une nation. Et alors la contestation devient impossible en ce qui concerne l’exercice de ce droit.

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légis-lateur, la compétence qui permettra de les exercer devra être tout particulièrement élevée et se montrer en tous points supérieure. Evidemment le législateur devra connaître à fond le Ghériat. Celui-ci sera la source de sa compétence technique. Mais il devra en outre posséder de grandes qualités morales, notamment la modération, la prudence, l ’impartialité, et d’une façon générale la sagesse. Il sera psychologue et connaîtra à fond l’âme du peuple, son esprit et son tempérament.

Ce n’est qu’à ces conditions que le législateur fera pour ainsi dire des lois vivantes, qui seront aimées, craintes et respectées à la fois. Autrement ces lois n’auront que la valeur de réglements de police aux yeux de la nation.

C’est donc aux légistes que doit appartenir le droit de légiférer, c’est-à-dire à cette classe de spécialistes qui s’occupent surtout de l’étude du Chériat. Encore faut-il qu’à sa science vienne s’ajouter la vertu, pour que le législateur jouisse du respect et de la confiance populaires à un degré suffisant, et que ses lois imposent à la nation.

C’est donc à la nation d’élire son assemblée législative, laquelle sera aussi libre et indépendante que son Parlement, pouvoir contrôleur, et qui, comme lui, aura pour but suprême de consolider le règne et l ’omnipotence du Chériat.

De cette façon, la législation musulmane continuera à reposer sur un système treize fois séculaire dont l ’esprit de sagesse et de justice ont subi avec un succès éclatant les épreuves du temps. De cette façon, la société musulmane continuera à jouir de la stabilité dans l ’ordre et le progrès. C’est de cette façon encore que l ’Islam, garanti contre les changements violents par le maintien de ses tra­ ditions, se développera dans le sens de son individualité propre, d’après un plan médité, cohérent, logique et harmonieux.

L e Chef de l'Etat

Etant donné que dans la société musulmane l ’autorité émane du Chériat, dont elle n’est que la conséquence et la sanction, il importe, pour qu’elle assure tous les bienfaits qui résident en elle, qu’elle soit

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Ancak, birçok uzay mühendisi, baflka y›l- d›zlara yolculuk için daha hafif, daha kullan›fll›, ürettikleri h›z tüm roketlerinkini aflan, hatta ne-.. redeyse