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ancien
X i r e t c h ^ o u r n o u
La mort de Hakki pacha m’a ramené par la pensée à Kiretch-Bournou, où s’é coula une partie de ma prime enfance, où l'ancien grand-vézir passa une partie de la sienne et où, quelques heures durant, pen dant le dernier Bayram, j’avais été renouer le ¿1 fragile qui nous rattache aux àns ré volus. Ces ans, j'en ai remonté le cours, non sans quelque douceur triste ; j’ai re vécu les instants d’autrefois où Hakki, alors grave, et joufflu comme toujours, occupe une place si grande. Son souvenir s’est confondu avec celui du village que j’avais été revoir et qui n’est plus du tout ce qu’il était alors : un lieu calme et discret, aux quelques habitations clairsemées, aux trou peaux presque constamment répandus dans ses sentiers déserts. On a voulu en faire un endroit fréquenté ; on^ n’y a réussi qu’à moitié. On y a installé un tas de gens venus dailleurs. Ses ruines elles-mêmes sont encloses de toitures. Il a perdu son charme.
Mais je l’ai évoqué tel qu’il avait été, *t il a revêtu pour moi sa grâce rustiaue
rustre que j’étais n’avait pas l’air de s’en apercevoir. Je le précédais, volontaire, quoique son cadet. L’ascension prenait fin par son affaissement sur le gazon, et tandis qu’il proférait avec peine :
— Si vous le jugez bon, je vous atten drai ici.
Le magnifique paysage, au surplus, ne paraissait pas trop 1 intéresser. Et alors que je le dévorais des yeux, du kiosque haut perché de son* habitation, pendant que mon père nous donnait à tous deux nos premières leçons d’alphabet français, jui suivait attentif les indications d’un maître que je n’avais pour ma part, aucune rai son de redouter. L’avance qu’il pri- bien tôt sur moi fut telle que le professeur ne put se retenir un jour d’émettre une pro phétie que le temps devait se charger de réaliser :
— Mon enfant, celui-ci deviendra un jour quelqu’un,et toi tu ne deviendras pas grand’chose.
Son père à lui était un homme tout rond et tout blanc, de laille plutôt vite
habitudes que je ne saurais blâmer, certes, mais que mes Idées m’empêchent d’ad mettre en ce qui me concerne.
Chacun ses usages, — voulait il dire, et les choses n’en iront que mieux : pa roles de conservateur tolérant,— pour em ployer un terme dont il devait se faire un jour une devise politique à la tribune de la Chambre, en de mémorables circons tances.
Atavisme ? Pour ma part, je ne puis me remémorer cette réponse sans qu’aussitôt se ranime dans mon esprit la silhouette de Remzi effendl, en proie à une sainte mais calme colère à l'énoncé des théories modernes émises 'en sa présence par le général Nédjib pacha, celui que l’on avait finir par désigner du nom explicite de « Monsieur Nédjib ».
Une fois dans le mouvement, Hakki bey se désintéressa de la lointaine maison de Kiretch-Bournou, qui passa bientôt en la possession d’un autre habitué de l'en droit, aujourd’hui directeur d’un établis sement financier de Galata. Je crois bien même qu'elle l»rûla une fois, intérieure ment. Restaurée, elle domine encore de ses grandes baies de l’étage supérieur la perspective de l'échancrure par laquelle l’écartement des parois du Bosphore laisse le regard se perdre dans l’infini de la mer Noire. C'est un coup d’œil qui ne se re trouve nulle part ailleurs. Kleides Pontou, avaient dit autrefois les Grecs, grands manieurs d’images allégoriques.
Mais de ma pauvre maisonnette à moi, il ne reste même pas les fondations. Le feu l'a consumée et le torrent qui descend de la colline en a emporté sans doute les vestiges en nivelant le sol. Nul ne saurait deviner qu’il y eut là une habitation. Cet accueil que me faisait Kiretch-Bournou venait à l’appui des paternelles prévisions de jadis. Il m’incitait à porter plus loin mes pas. Je remontai vers le superbe bou quet d’arbres qui abrite,, depuis bientôt deux siècles, l’intarissable fontaine d’Ishak- Àgha, vers les petites esplanades où nos prédécesseurs allaient rêver, des journées durant, au spectacle de l’épanouissement du détroit, bercés par la brise constante qui, des rameaux épais la protégeant de leur ombre, tirait un bruissement
harmo-Je n’ai plus retrouvé le cafetir demander les escabeaux deqonc t lire tasse. Sa boutique était ferm voisinage désert. Sur les terrasses tro u v a i jadis le temps d’aller reve
petites mules d’intendance et leu ducteurs, qui devisaient dmpam d lion. Mais la fontaine d lshak-A versait tout aussi généreusement s claire ; il ne manquait que des a à sa discrète musique. Elle ava cette eau, cent soixante-dix ans à ronger en entaille profonde, par ininterrompu et sur une longue^ douzaine de centimètres, le gros de sa gargouille. La chose est att le millésime de l’évidente tnscrip la surmonte et qui dit la mem- tiative de celui qui l’eleva. b*-n ba tefois, disparaît maintenant sous t épais de bétonnage. Il en resujte
une sourdine pour sa musique Moltke. . . . .
Cet Ishak agha avait ete inter néral des douanes à une époqqe p
de l’empire: sous Mahmoud 1er. à Kiretch-Bournou, comme le p. seur de Remzi effendi, ou, mieux, tait à Kétélikeuy, un peu plus singulier Mourad molla dont pat dans ses Mémoires ? Ce dut être tous les cas, un de ces « maîtres ut dont parle un moderne reveur qu coup écrit sur l'Orient. Il ne fit choisir ce site pour y édifier la pi nous'a conservé son nom : n le constructeur de cette grande de Beïcos qui est bien, par ses lions et par son agencement fort l’une des plus remarquables de <- .nople.
Kişisel Arşivlerde Istanbul Belleği Taha Toros Arşivi