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3. Chapitre III

3.7. Les mariages chez Jocaste: obligation ou tendresse?

Il nous paraît intéressant de parler aussi de différents mariages dans la pièce de notre jeune Arouet. Il est le premier auteur d’Œdipe ayant mentionné le

premier mariage de la reine. Dimas, le confident de Philoctète, vient nous parler des circonstances qui ont dirigé cet amant à l’exil :

J’ai plaint longtemps ce feu si puissant et si doux ; Il naquit dans l’enfance, il croissait avec vous ; Jocaste, par un père, à son hymen forcé, Au trône de Laïos à regret fut placée. (IV,3)

Le mariage de Jocaste est un mariage forcé et elle reste toujours amoureuse de Philoctète. Et de même elle regrette ses autres mariages effectués :

J’ai deux fois de l’hymen allumé les flambeaux ; Deux fois, de mon destin subissant l’injustice, J’ai changé d’esclavage ou plutôt de supplice.

Et le seul des mortels dont mon cœur fut touché À mes vœux pour jamais devait être arraché. (Ibid.)

Il est évident que la reine n’aimait point le roi Laïos. Elle ne voulait jamais ces deux mariages, l’un forcé par son père et l’autre par les citoyens. En revanche, son mariage, avec Œdipe, qui n’est basé sur aucun sentiment amoureux, lui est convenable malgré tout, vu que « le vainqueur du sphinx était digne[d’elle]. » Un peu plus loin dans la pièce, elle montre la différence entre deux types de sentiments amoureux :

Je sentis pour lui quelque tendresse ;

Mais que ce sentiment fut loin de la faiblesse ! Ce n’était point Égine, un feu tumultueux, De mes sens enchantés enfant impétueux ; Je ne reconnus point cette brûlante flamme

Que le seul Philoctète a fait naître en mon âme […]

Je sentais pour Œdipe une amitié sévère : Œdipe est vertueux, sa vertu m’était chère. (IV, 2)

Ces vers très touchants sortant de la bouche de ce jeune Voltaire changeront au fur et à mesure qu’il mûrira. Il se transformera en un poète sec, cynique et rationnel. Il y aura très peu de traces de cette jeunesse sensible.

Ce passage est donc très original chez notre auteur. Il nous parle de deux différents amours. Son amour pour Philoctète est un amour passionné, celui d’Œdipe est loin de la passion et très différent de ce dernier. Son amour pour le

jeune roi est attiré par la vertu de son caractère. Et ce qui nous paraît intéressant chez Voltaire, c’est qu’il détourne encore une fois le sujet de l’inceste en supprimant la passion entre Jocaste et Œdipe.

Au moment où Phorbas déclare au roi et à la reine que le meurtrier recherché est Œdipe, Jocaste agit d’une manière étrange. Au contraire, la Jocaste de Corneille éprouva de l’amour et de la haine en même temps au moment de l’annonce effrayante. La Jocaste voltairienne est protectrice de son amant :

ŒDIPE- J’ai tué votre époux JOCASTE- Mais vous êtes le mien.

ŒDIPE-Je le suis par le crime.

JOCASTE-Il est involontaire.

ŒDIPE - N’importe, il est commis.

JOCASTE- Ȏ comble de misère !

ŒDIPE - Ȏ trop funeste hymen ! ô feux jadis si doux !

JOCASTE- Ils ne sont point éteints ; vous êtes mon époux. (IV, 1)

Cette scène nous indique l’amour voltairien qui est une nouveauté dans son Œdipe, Jocaste ne veut pas se débarrasser de son mari pour vivre avec son amant, au contraire, elle reste près de lui car les sentiments éprouvés par la reine sont le résultat, selon Scherer, d’une « alliance indissoluble de l’horreur et de la volupté» (Scherer 1987 : 170). Dans cette réplique de la reine, nous pouvons discerner les mots révélant l’amour autant que l’horreur :

Enfin, seigneur, on me prédit

Que mon fils, que ce monstre entrerait dans mon lit : Que je le recevrais, moi, seigneur, moi sa mère, Dégoûtant dans mes bras du meurtre de son père ; Et que, tous deux unis par ces liens affreux,

Je donnerais des fils à mon fils malheureux. (IV,3)

Voltaire, comme Corneille en évoquant l’inceste, se sent très gêné. Tous les ajouts sentimentaux de l’auteur veulent nous éloigner de ce mal à l’aise face à ce crime.

En discutant de l’inceste, n’oublions pas le deuxième forfait « le parricide » sur lequel le jeune Arouet met plus d’accent en escamotant la question de l’inceste.

Jacques Scherer remarque ainsi que Voltaire « [a renforcé] la charge émotive [du mythe] par une approche charnelle qui a ému ses contemporains et explique sans doute l’immense succès de la pièce» (Scherer 1987 :169). Cette nouveauté est formée par « l’approche charnelle » et l’amant de Jocaste

« apporte un intérêt d’amour à une intrigue qui en était à l’origine dépourvue ».

Voltaire et Corneille ont modifié d’une manière efficace le mythe antique et son contenu avec l’intention d’y ajouter un épisode amoureux sans toucher le personnage central. Il est bon de rappeler que l’inceste restera un tabou de la société moderne autant que l’époque classique où on ne le représente point sur scène. Cependant, nous verrons des transformations de la représentation de l’inceste dans les siècles suivants.

C’est ainsi que nous remarquons une différence entre la Jocaste de Corneille et celle de Voltaire sur le sujet du parricide. A la différence de la Jocaste classique, la Jocaste voltairienne, comme nous avons expliqué auparavant, n’est pas choquée au moment où elle apprend qu’Œdipe est l’assassin de son mari. Au contraire, elle pardonne aisément Œdipe, ce qui montre une haine envers son vieux mari. Jacques Scherer déclare que le jeune Arouet traite le drame d’Œdipe comme essentiellement constitué par le parricide: ce choix s’explique aisément par la nature violente du conflit qui, lorsqu’il écrivait Œdipe, l’opposait à son propre père» (Scherer 1987 : 170). Un détail intéressant de la vie personnelle de l’écrivain qui nous mène vers cette haine et c’est ainsi que Voltaire essaie d’amoindrir la culpabilité de son héros mythique par le rôle de son héroïne Jocaste. Nous savons très bien que Voltaire s’entendait très mal avec son père et il aimait profondément sa mère. Le grand respect pour sa mère et sa haine pour son père le poussent à décrire cette figure maternelle et douce chez Jocaste. Il critique aussi Corneille et sa Dircée disgracieuse envers sa mère.

Benzer Belgeler