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5. Chapitre V

5.2. André Gide et Œdipe “délibéré”

5.2.1. Gide et le mythe d’Œdipe

5.2.2.2. Personnages gidiens à la recherche du bonheur

La réponse de la question ci-dessus posée serait retrouvée dans les personnages gidiens mais chacun selon son point de vue. Antigone se retrouvant inquiète par la conduite d’Œdipe, essaye de mettre l’ordre dans les idées protestantes chez son père et ainsi chez ses frères et sœurs en les rachetant. Elle va voir sa sœur Ismène pour discuter sur le problème de leur père :

Antigone – Le bonheur de certains m’inquiète, Ismène […]. De mon père ; et plus je l’aime et plus le bonheur auquel il prétend me fait peur. Il omet Dieu, et l’on ne peut poser, que sur Dieu seul, rien de solide (p.16).

En fait, cette Antigone souffrante et soupçonneuse du bonheur de son père, est l’image de la cousine de Gide et son épouse; Madeleine Rondeaux, qui était elle aussi tourmentée par la vie d’adultère de sa propre mère42. Aux yeux de l’auteur, sa femme était victime de l’éducation sévère et religieuse qu’elle haïssait. Elle renonce à son propre bonheur en raison d’une blessure causée par sa mère et elle renonce à son bonheur car elle sait qu’elle ne peut la

42 Nous verrons plus tard dans notre travail les éléments autobiographiques inspirant Gide dans ce drame.

La mère de Madeleine avait refusé le tabou sexuel vu par la société et elle joue la malade pour son entourage afin de fuir ses devoirs maternels.

racheter que par elle-même. La même situation se reflète entre Antigone et son père. Madeleine comme Antigone renonce à son bonheur terrestre.

Gide un peu plus loin dans son drame va encore parler de Madeleine et de sa vie privée à travers son héros mais cette fois-ci parlant de Jocaste, il reflète encore l’idée de sa femme :

Œdipe – Tout ce que j’aime, elle le blâme et me dit que c’est défendu. Je n’ose même plus rire ou jouer devant elle. Je sais bien qu’elle est plus âgée que moi, mais c’est à croire qu’elle n’a jamais été jeune (p.16)

Cependant en passant à Ismène, l’auteur montre son côté épicurien et joyeux, provenu de sa conception dans Les nourritures terrestres, selon laquelle

« l’homme est né pour le bonheur, certes toute la nature l’enseigne » (Gide 1935 : 46) et Gide, cette fois-ci, grâce à son porte-parole Ismène qui est libérée de tout genre de pactes et de conventions, affirme que: « C’est en moi-même qu’est la joie, et je l’entends chanter dans mon cœur » (p.16).

Derrière chaque personnage gidien, que ce soit Ismène, Antigone ou ses fils, nous pouvons remarquer un esprit propre à Gide qui hait les gens ayant des règles et des principes dictés par la société. Le mal et le bien sont considérés par l’écrivain en quelque sorte comme des contraintes conventionnelles, c’est-à-dire, des contraintes artificielles imposées par la religion ou la société pour empêcher l’individu de vivre heureux et libre. Pourtant dans cette opposition envers les pensées du prêtre, le roi commence à ressentir des dérangements à cause de la voix de celui-ci, peut-être ressent-il des inquiétudes à cause de son refus des idées religieuses qui l’empêche même de dormir, et il parle ainsi avec Créon :

Œdipe – Et que dirait Tirésias ? Créon – Le crains-tu ?

Œdipe – Pas précisément. Mais le peuple l’écoute. Et moi-même parfois sa voix me trouble ; oui, le son de sa voix ; on dirait qu’elle sort des enfers […] (p.9)

Et les deux Chœurs proclament ainsi à Œdipe :

Le Chœur de droite – Sans doute as-tu vaincu le Sphinx ; mais souviens-toi pour la suite, pour avoir résolu l’énigme, tu prétends pouvoir te passer de la révélation des oiseaux.

Le Chœur de gauche – Et, comme ils troublaient ton sommeil, tu nous as fichus, dedans en nous autorisant à les chasser, malgré les prohibitions de Tirésias (pp.6-7)

Toutes ces répliques nous montrent des indices révélateurs de l’appauvrissement de l’exagération dans l’humanisme et l’individualisme gidiens et nous allons voir des signes de la soumission d’Œdipe-Gide. Dans la lutte entre l’égoïsme gidien replaçant l’homme au centre de l’univers, et la religion, c’est l’autorité divine, qui va vaincre l’égoïsme gidien. D’ailleurs, Gide avoue tout dans son Journal, d’où vient l’idée de cette pièce antique et comment Œdipe lui a inspiré le sujet de cette transformation mythique que nous verrons plus tard en détail dans la genèse de son œuvre.

Retournant au thème du bonheur, Gide expose à la fin de cette pièce un nouveau visage de son héros, d’un roi transformé, un héros plus religieux et non plus un égoïste, un individu intermédiaire entre religieux et individualiste.

Œdipe avoue :

Œdipe – Oui, certes, je me croyais guidé par un dieu ! Je puisais dans cette croyance l’assurance de mon bonheur. Et puis, même à cela j’avais cessé de croire pour ne dépendre plus que moi. Mais à présent je ne me reconnais plus dans mes actes (p. 25)

Et il regrette :

Œdipe – […] et moi qui me félicitais de ne pas connaître mes parents !...

Grâce à quoi j’épousais ma mère, hélas ! Hélas ! Et avec elle tout mon passé. Ah je comprends […] (p.25)

Et à la fin de la pièce, face à un prêtre religieux qui lui demande de se repentir de ses forfaits pour se catéchiser à Dieu, qui attend le héros mythique à grands bras ouverts, Œdipe crie ces mots : « très lâche trahison de Dieu, tu ne me parais pas tolérable » (p.26).

Il veut vivement échapper à cette divinité et à lui-même car il est victime de ses forfaits involontairement. Mais comment va-t-il faire ? Pour donner une réponse à cette question nous devons analyser les repères autobiographiques de Gide dans Œdipe.

Benzer Belgeler