FEVRIER 1950
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L'Arsenal d'Istanbul au XIXe siècle
Une réform e essen tielle de l ’A rse n al a été en tam ée vers la fin du XVI11e siècle. O n a charg é le b a ron de Tott, qui a v a it été e n g ag é au service du gou vernem ent, de fo rtifie r le Bosphore et les D a rd a n e l les; une école d ’ a rtille rie a été créée à K â g ith a n é .
Le baron de Tott a fa it ériger à l ’a rse n a l un a te lie r pour la production de mâts de 120 pieds de long. Il y a fa it construire une c a ra v e lle , dont il a sur v e illé les tra v a u x lui-m ême. Tous les canons de ce n a vire av a ie n t été fondus p ar ses soins.
La réform e de l’A rsen al a été poursuivie avec une énergie accrue ap rès 1 7 9 8 . On a fa it ven ir en notre p ays les ingénieurs de constructions n avales fra n ç a is Le Brun et Benois, ainsi que le suédois Klen- berg . Les tra v a u x entrepris p ar les spécialistes é tra n gers, ave c le concours des ouvriers turcs, ont donné en peu de temps de bons résu ltats. O n a commencé à construire des avisos d ’ un nouveau type et aussi des v a isse a u x à trois ponts.
O n a ach eté le jard in de la v illa des Ibrahim H a n za d e , à K a ra a g h a d j, de la Corne d ’O r et sur un em placem ent de 6 .0 0 0 “ z ir a " (a u n e s ) on a érigé 6 bâtim ents, ave c 20 chantiers de lancem ent ouverts sur l ’un de leurs côtés, pour la construction de ces bâtim ents.
L’A rsen al d ’ Istanbul a construit les v a issea u x
«Sélimiyé», de 62 can o ns, «Tavusubahri», de 82 c a
nons, «Heybetendaz» de 7 6 can o ns, «Badiinusfet» de 82 can o ns, «Aslani bahri» de 7 6 canons, «Asarinus-
ret», de 7 0 canons, «Bahrizafer» de 72 can o ns, ainsi
que les corvettes «Zaferiküsa», Djenguia», et
«Südjaibahri», toutes de 26 can o ns, «Saikaiabhri», «Atechfisan», «Salâbetnüm a». Cet n avires, sauf trois, a v a ie n t été construits p ar le Français Le Brun. Q u an t a u x v a isse a u x «Asarinusret» et «Bahrizafer», ils étaient l ’oeuvre d ’ Ism ail K a lfa ; la frég ate «Hüma-
yunuzafer» était l’oeuvre de Dimitri K a lfa .
Dans un rapport remis à l ’em pereur p ar l ’A m b as sadeur de France, qui était alo rs le g énéral Sebastia- ni, il est dit au sujet de notre flo tte : «Les forces n a vale s ottom anes se composent de 27 navires de com b at, dont 3 à trois ponts et une vin g taine de fré g ate s. Cette flo tte est la plus b elle de toutes celles qui existent en Euro pe». Le relèvem ent de l’a rs e n a l, con fié en de bonnes m ains, a été réa lisé avec succès. Un arse n a l fo nctio nnant bien et une fo rce n a v a le , qui a v a it retrouvé ses qualités com batives, accrurent la fo rce et le prestige de l’em pire.
N a v a rin , au début du X IX e siècle, fut une c a
tastro phe pour notre m arine. Et la surprise de Sinope a suivi ensuite. A près N a v a rin , le Sultan M ahmud II a tém oigné de la résolution de com penser rapidem ent nos pertes. La venue au pouvoir de quelques « K a p ta n p a ch a » énergiques permit à Mahmud II de réa lise r ses intentions.
La m arine à vap e u r a v a it p aru . La nécessité s’est imposée de créer un nouvel a rs e n a l. O n a érigé un nouveau lam ino ir sur le terrain du p a la is d ’A y n a li- k a v a k , qui a v a it été, désorm ais, entièrem ent a n n exé à l ’a rs e n a l. On y monta les roues à eng renag e que l’on a v a it fa it ven ir d ’A n g le te rre . On a construit une fo n d e rie . La fab riq u e de chaînes d ’Eyüb tra v a illa it avec les nouvelles roues à en g re n ag e , que l’on y a v a it m ontées. L’A rse n al a v a it commencé à produire des grues en fe r. La construction des navires co nti nuait ave c une g ran d e ra p id ité . C ’est ain si que les C h an tiers d ’Istanbul ont lan cé en 1 8 3 5 , le «Nusre-
tiyé», de 64 can o ns, en 1836 le «Tevfikiyé» et le «Sadiyé» et en 18 37, le «Peykichevket», de 64 canons.
Indépendam m ent de c e la , le ch a n tie r d ’Izmit a v a it construit trois grands v a isse a u x de différents nombres de can o ns. Les coques construites à Izmit et G hem lik recevaient leurs canons et leur m atériel divers d ’ Istan bul.
A la fin du X V IIIe siècle, on a v a it commencé à acheter des navires de guerre en France et en A n g le terre. Pour la prem ière fo is, une corvette a été a c h e tée des Am éricains en 1 8 3 1 . Et des ingénieurs de constructions n av ale s am éricain s, en tête desquels v e n ait F. Rhodes, sont entrés au service de l ’arsenal d ’ Istanbul.
En 1 8 37, F. Rhodes a livré le prem ier navire à vap e u r construit en Turquie. L’activité de cet in g é nieur à l ’arse n a l a v a it été très e ffica c e . Les navires construits à cette époque à l’ arse n a l sont q u alifiés de navires « à l ’am éricain e» et ils avaie n t été conçus, en p artie tout au moins, sur les plans et d ’après les c a l culs am éricains.
A partir de 1 8 34, la question des planches né cessaires à l’a rse n a l est réglée dans un esprit scien ti fiq u e. Les plan ches nécessaires pour les chantiers d ’Istanbul et d ’ Izmit étaient livrées p ar les forêts de K o d jaé li et Bolu.
En 1 8 34, on envo ya à ces forêts deux in g é nieurs fo restiers. Ils ont dressé des cartes du parcours entre les forêts et les échelles de chargem ent, ainsi que des zones dont les bois étaient fa v o ra b le s à la construction de n avire s. En outre, on a é tab li le
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TOURING ET AUTOMOBIL
cul des quantités de bois pouvant servir à la construc tion de navires et de leurs varié té s. Les bois mis à part à cet e ffe t étaient marqués p ar des pan cartes en plom b. Enfin , des g ard iens ont été a ffecté s à la surveillan ce des zones ainsi délim itées.
Les réform ateurs de l ’ère du Tan zim at ont aussi attribué de l'im po rtance à la m arine. Dans un de ses écrits, le grand Réchid p ach a souligne l'im p o r tance exce p tio n n elle que revêt la Turquie dans le monde, du fa it que ses territoires sont entourés de toutes parts p ar la mer. Et il en conclut q u ’une p a re il le situation géo graphique im plique, à la fo is, une g ran d e flotte m archande pour assurer les comm uni cations avec l ’Europe et une flotte de guerre pour la défense des côtes.
Le chroniqueur de cette époque, Djevdet p ach a, écrit que « l’une des deux a ile s, dont la M ajesté du trône im périal a besoin pour sau ve g a rd er son presti ge et sa puissance, est constituée p ar la fo rce m ari tim e». Et il ne fa it que refléter ainsi l ’im portance que les hommes d ’ Etat de son temps attrib u aient à la m a rine dans leurs conceptions et leur politique.
A près 1 8 54, lorsqu'on a commencé à construire d ’abord des navires «co m po site», puis des cuirassés, les hommes d ’ Etat ottom ans ont commencé à se p ré occuper des moyens de ranim er l'A rse n a l d'Istanbul qui a v a it commencé à décliner et à être in a c tif. Cette réform e a été réa lisé e dans une g ran d e mesure sous A b d ü lâ z iz . De nouveaux ateliers ont été créés pour la construction des b lindages et des m achines. On a fa it venir d ’A n g leterre des ingénieurs et des con tre-m aîtres. A cette époque, les chantiers de la Corne d 'O r atteignirent réellem ent un grand rendem ent. Et ils assurèrent la création et l ’entretien de la flo tte de guerre turque qui était a lo rs, la deuxièm e au monde.
Halûk Y. §EHSUVAR0GLIT
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