L'institution cJe Val<f
etL'impor-tance nistorlqvie de documents de Valcf
Prof. Dr. FUAD KÖPRÜLÜ
L'instilution de Vakf. constitue unc question de premiere importance tant aıı point de vue juridique qu'â celui de riıisloire en general, pour l'ctude du monde turc et musulman des temps moyenageux et moder-'les. I I est certain que des racontais — qui ont revetu un caractere presque classlque — dc-bites sur Toriğine de l'institulion de Vakf dans le monde musulman, ne reposent sur aucune base historique.
Toutefois nous constalons que la fon-dation des vakfs remonte, dans le monde mu sulman, aux periodes qui ont suivi les premie res conquetes musulmanes eii Syria et en Egypte, c'est" â dire au premier sieck de I'hegire. Au icours du deuxieme siecle. alors que des ecoles juridiques musulmanes setant formees, toutes les questions juridi ques furent minutieusement etudiees, la ques tion de Vakf a ete I'objet de constructions systematiques. Et aux epoques suivantes, les systemes juridiques sur le vakf ont ete coor-dones par les Hanefites, les Cliafiites, le* Hanbelites, les Malikites et les Imamites, avec
certaines modifications apportees par les ju-ristes appartenant â ces .differentes ecoles. L'application de I'institution de Vakf dans une large mesure et dans le monde musulm.an tout entier sous Tinfl uence de differents facteurs, ,qul ne sont autre que les necessites pratiques de la 'vie sociale, ont contribue evi-demment â lui idonner le caractere d'un su-jet juridique digne d'etre traite. Les oeuvres celebres traitant de la jurisprudence musul-inane, crees par 'des savants appartenant â divers rites renferment des notions detaillees â ce sujet. En outre i l existe des livres trai tant specialement de I'institution de vakf. tels que Ahkâm-alVakf (Le Caire 1904) <^'A 1 - K h a s s â f (mort en 261 H .
S75 E. C . ) ; El-is'uf uhkânı-ul-evkâj ( Le Cahe 1926) de 1 b r â !i i m b, M u s s a a 1 - T a r a b u ] u s î (mort en 922 H . - 1516 a. J. C.) Kilab Ahkâm-al
Vakf (lîayâar-ûbad, 1935) nonvelle C-di-lion de H i l â l b. Y a li y â (mort en
245 H ) . Des oeuvres telles que
Ahkâm-al-cv-kâf d'E u m e r H i l m i e f f e n d i et Alıkonialvııkûf de A l i H a y d a r E f -i end-i, red-igees nalurellemenl sur base du
rite Wimaiiie ont garde jusqu'a ces deriiiers temps la renommee d'oeuvres classiq'ies. Dans ces deux dernieres oeuvres on remarque cer taines reformes, certaines peliles modifica -lions que les juristes lures ont aj)portees, pen dant toule la longue duree ide la vie de FEm-j)ire Ottoman, suivant les exigences de la vie, dans la resolution de la queslion du vakf, sans pouvoir se deparlir iiaturellement des principes generaux poses par les grands
imams. Mais, ces auteurs )ion plus n'on Y'''Mf<»i
a se soustraire â un dogmalisme elroit, sous
la pression du milieu ou ils vivaient et de leur .propre mentalite.
Les etudes ainsi Ae\e\o])\)c(^i^ sur leg ins titutions de vakf dans les pays musulmans, conslituenl depuis un siecle, un sujet d'etude panni les juristesorienlalistes d'etude I'occi
-dent. Les Etats colonisateurs qui ont place
sous leur dominalion certains pays musul -mans oh exisle rinstitulion de vakf, s'effor-cerent naturellement â cludier celte institution lorsqu'ils ont entrepris I'etude du droit mu sulman qui y etait en vigueur. Voilâ pour-qui ont compte des ouvrages el des articles as-sez importants concernant specialement le vakf parmi les etudes faites en Occident sur le droit musulman.
L'une des preoccupations essentielles d'un etat colonisateur doit consister dans Ja
connaissance du pays el tie la j)opulali<)U qu'il gouvenie. et dans la conceplion des prın-cipes de droit qui regissenl leuı^ rcialions. C'est aiusi que nous sommes au cci'.ra'il de Fe-xislence de plusieurs ouvrages qui relalent la situation de Tinstilution de vakf dans dif-fcrents jıays et les precejJtes de vakf d'apres differentcs doctrines. On peul irouver dans an article intitule «irakf» de H e f f e n i n g paru dans VEncyclopedic dc rislaın, une bibliograplüe sans doute incomplete des principales etudes faites â ce sujet. Nos ju-ristes qui, jusqu"â preseni se sont occupes de la question de vakf n'avaient pas songe â rechercher les preceptes de vakf d'apres les a\ıtres doctrines, etant donne qu'ils se con-tentaient de consulter les oeuvres de certains
compilatcars, redigecs d'aprcs les ı>rincipes
du rite Hanefite, tandisque les juristes-orien-lalistes de I'occident ont etudie l'institution de vakf d'apres les differents rites, ont parfois etabli des conıparuisons et ils ont ete meme jusqu'a lechercher les questions d'ori
jine.
C'est vraiment surprenant de voir que toutes ces etudes soient restces ianorec-s dans notre pays gouverne iiourtant sur base des princij)es de droit nni -sulnian jusqu'a Tavenement du regime re-[Hiblicain et iiwr...'
jbondainment failes en Occident depuis un siecle, le s e u l asjject juridique de
Finstitu-lion tie rukj est loin d'etre eclairt'.
i-es iii.stitu/ions juridiques, cojujue loutes ies autres institutions sociales, doiveiil absoluinenl etre tHudices au j)oint de vue
his-lorique p o u r pouvoir eire expiiqiices scienti-'iquement.
U est impossible de roncevoir el d'ajquf'-cier une institution juridique quelconque, sans 1 a v o i r conisdcree jjrealablement dans son milieu nature! et sans avoir, poursuivi sou evolution historique. La formation de ['esprit
juridique, dans son sens actuel large et ve
ritable, est done impossible tant que la con-naissance juridique n'est p a s comple-fee par I'histoire et la socioltigie. Si nous appliquons cette regle gene -rale au sujet qui nous preoccupe, voici le re-sultat 0Û nous arrivons: I I ne suffit pas d'ap-prendre le.s systemes theoriques concernant 1 nistitution de vakf, construits par les an -ciens juristes miisulmans, pour pouvoir com-prendre le vrai caractere juridique de cetfc institution qui est une realiie sociale. Si nous parvenons â poursuivre sa naissance et son ('•volution dans les societes a])par -tenant â des periodes et des milieux iinidiques. ffernieie. reformes '^'^^ermines. cest a dire que si nous
Ce))endant. afin de ne ])as fausser les idees nous tenons â ajouter immediatenienl qu'a part certaines exceptions rare.s. les t'tu-des occidentales sur l'institution de vakf sont egalement assez arrierees. et se composent des recherclies juridiques et doginatiques, dans leur sens restreint. En general, ces auleurs n'ont pas pu se liberer des traditions creees par les auteurs musulmans et se sont surtout occupes des questions ayant une valeur el un caractere pratiques. Ces oeuvres qui sont ecrites i)ar des auteurs qui considerent It droit non pas comme une science basee sr I'histoire et la sociologie mais comme
IcchniquA juridique, ne peuvent suffire
expliquer I'evoloution de l'institution de vakf, meme au .seul point de vue juridique. Ainsi. malgre les etudes poursuivies en Orient de])uis des siecles el malgre le.- ]>ublicatlons ie sur une â
^. a Uiie que »i n""" pouvons saisir le processus de revolu tion historique du probleme, c'est alor.s şeu-lement que nous aurons atteint notre bu!. Kt c'est egalement alors que nous apprendrons aA-ec toutes leurs causes, la vaieur ])ratique dc ces systemes theoriques. leur possibilite d'ap-plicalion aux necessites de la vie. leurs cotes restes purement theoriques et les differences qui existent entre eux. L'on voit (Jonc que les etudes historiques preseiitent une importance primordiale, pour la comprehen sion de l'institution de vakf. meme au seul point de vue juridique. Or, independamment
de cette consideration, rinslitutiou de vakf
a une grande importance au point de vue pu rement historique. De nombreuses fonctions sociales qui presentent aujourd'hui le ca ractere de services publics, d'apres la con ception d'etat actuel. etaient assumees danf^ le lemps. par l'institution de vakf. Des tr.i-vaux publics tels que la conslruclion de \oie^
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el des püiıLs et les liavaiix d'inigalioıı; Jes travaux d'assistaııce sociale tels que les IKJ-pitaux et les assitances au'c pauvres, les af-1 aires de culture destinees ii assurer le subside du corjjs eııseiguarıt et de c;;ux qiii y rece\aient Tiustructiou. tels que les mcdresses et les bibliot'ueques etaieut geres dans le tenıjjs directement par les Vaki'. I I est done ıı;-dispensable, au point de \ ue d'histoin' so
ciale de savoir le vrai caractere de toutes ces
questions, leur degre de developpemeut, et do quelle maniere et ])ar quelle organisation ei-les etaient gerees.
Est-ce que des recherehes liisloriques ont ete faites sur l'instilution du vakj a ce point de vue?
Nous devons maliıeureusement avouer que des etudes 'serieuses de ce genre n exis tent pour ainsi dire ni dans nötre pays m dans d'autres pays nuısulmans. En dehors des etudes dogmatiques resserrees dans un cadre tres restreint. certaines eludes limilees ont ete faites seulement sur l'organisation ad
ministrative des vakfs, etudes que nous de
vons surtout aux orientalistes de FOccident. Et encore ces etudes traitent-elles presque ex-clusivement lu periodd des Mamclouks et en partie certains Etats musulmans de I'Afiiquo du Nord et VAndalousie.
II est possible d'acquerir des connaissan-ees exactes sur la question des vakfs de 1 epoque; des Alaraelouks sur lequel nous pos-sedons des sources historiques tres abondan-tes par rapport aux autres periodes. Outre V a n B e r c h e m, G. e t et J. S a u V a g e t qui ont traite de cette question dans plusieurs de leurs ecrits, G. D e ni o ml e g n e s I'a detaimlmlc d'une maniere satis -faisante dans son rernarquaitle ouvragc in • titule ,La Syrie a 1'epoque des Mamelouks
(Paris 1923). Pour les Etats musulmans de I'Espagne on trouve certains renseignenrciits dans VEspagne Musulmai'e (Paris 1932) de L e v i P r o V e n Ç a 1. Or c'est una necessi-le non seunecessi-lement juridique, niais historique dans le vrai sens du mot que d'etudier. au point de vue historique, Tinstitution de vaki dans les autres domaines et â travers les aut res epoques du monde musulman, de voir la maniere dont les differents etats geraient les
ati aires de Vakf a i n s i que les orgatiisat/(,!is rliargees de cede (piestioii; de suvoir q.unitl, ÜÛ et quels genres de Vakfs out etc institucs. En utilisanl d'une maniere minulieuse ei nie-tliodique k>s sources hislori(pies (jue n(,us possedons. i i est cerlaiii que ces poitK.. oh., -curs seront tant soil j)ou (»claires. NombreuM's sont les sources auxqueUes nous jjouvons jniiser j)our etudier fliisloire de i'insiii-ilion de Vakf c^hez les Klnvûrezınchâh, les
llhani-des, les Djelayerillhani-des, dans I'Elut Seldjoucide de rAiialolie, dans TEmjiire (/lionu.n, clio; les .Safe\iles e! dans les Elals lines de l7/r-dousta/i. ;i conjtiu'ncer j)ar le (inind /'.iiipire Seldjoucide. (Â'prndanl. h's eludes failes
jus-qu'a ]jreseiit sur I'hisloirc des Klals lures ci nuısulmans du iiioyen age el des Iciiips niodiM lies elanl (res iiisiffusanlcs. hi (juc-tioii dc
] ukj a ele rom))h~'len)enl negligee ciiiiMue d'ailleuis luules h>s aiilrtis (pjeslioii,-- d'liisloiic sociale. Done non seulemcnl les jurisles, niais
aussi bieu les hislorietis son! res])onsab(es du fail que la question dr vakf ne soil |);is efudiee jnsqu"ii /rresenl d'une maniere scieiitifique. Dans <;es condilioiis que fan -drail-i( faire pour eludier la queslion de vak( au point de vue liislorique el pour eelairer â ce sujet egalemeni riiisloire juridique el riiisloire sociale? Nous !'exj)liqiK'inns i)rie\e meiit.
Les premieres -ictinceri auxipielles i>n devrait avoir recours pour uiie elude Iiislo -rjque de rinslitulion de \aki. soul h's ecrils rl'ordre litlerairc lels que les clironiipies. les
nıiincheûte, les ouvra-j;es aco^r(iplii<pi('s qui
conliennent des details (res imporlanis '^iir l'administralion financiere. el les relations de voyages. Les chrouiqiies semi-officieis, (es miincheâle contenanl des documents on leurs copies et rediges souveni jiar les liauls foiicli-ounaires de la Cour charges de la nvk'clioii i\e> doeunients officieis el les om rages geograjdii-ques eonlenanl les renseignemeiils puises dans les ecrits officieis concenuui! la vie economi-que et financiere de differents pay.s, sont de premiere importance â cet effet. Par exemple, le Djâmi-ul-lcvûhlkh de I{ e c li i d-e d-D i n Ic
Dustoür • ul - Kâtib de A' a h d je van i, et
le Nuzhet • u! • Kouloub de 11 a m d o u 1 1 a li K a z V Î n Î sont de beaux exemples pour les
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periodes des lUıanides et des Djelayerides. Independamtnent de ceux-ci, les ouvrages d'ordre biographique, les oeuvres Hagiogra-phiques relatant les anecdotes des saints peu-vent, parfois, contenir de precieux materiels â ce sujet.
. Certains chroniques sont tres precieııses en tant que documents contenant aussi les titreş de certains vakfs ou certains passages de ces derniers fondes par lies souverains. Entre autres, Thistoire de li echi d-e d-d î n, contient d'abondants materiels precieux, di-gnes de confiance â tout point de vue â ce sujet, aussi bien que pour tous les autres domaines.
En dehors de ceux qui precedent i l va sans dire que les documents les plus im -portants qui pourraient servir â l'etude de ia question de Vakf sont les documents con cernant la fondation d'un vakf quelconque. On sait que les Etats turcs et musulmans du moyen âge, et des temps modernes possedaienl des archives soit dans la capitale soit dans les autres chefs-lieux de l'administration et que ces archives contenaient aussi des docu ment concernant le vakf, etant donne que les affaires de vakf, comme loul.es les autres affaires publiques etaient gerees ou contro-lees par I'admistration centrale. Nous savons egalement que surlout les archives de la ca pitale etaient souvent en ordre et qu'elles con tenaient tous les ordres, toutes les instvuc -tions, emanant de I'administration centrale, ainsi que tous les documents concernant le recensement, le releve de biens el les enre-gistrements de terrain effectues de temps en temps. Toutes sortes d'evenements, les guerres, les invasions, les revolutions, le incen -dies ont malheuresement aneanti ces archi • ves qui n'ont laisse presque aucune trace des documents officiels qu'elles contenaienV.
Seulement, nous savons qu'a certaines epoques, certains documents dont des ordres concernant les affaires du Vakf ou bien des conditions concernant I'institution d'un vakf quelconque ont ete graves sur des pierres.
Ces sortes de documents officiels qui ont resiste â la destruction du temps, sont les sources les plus anciennes et les plus sû-res auxquelles on puisse avoir directement
recours pour i'elude de la question du Vakf. Ce sont done les documents epigraphi-ques qui j)ourront nous fournir les materiaux de premiere importance pour Tetude directe de l.institution de Vakf. V a n B e r c h e m qui conservera toujours I'honneur d'avoir jele d'une maniere scientifique, les bases de I'epigiaphie musulmane, avail depuis long -temps dejâ, souligne la haute valeur que presentaient au point de vue d'histoire juri-dique, les inscriptions qui conservenl, sinon complet, du moins dans leurs conditions les plus essentielles, plusieurs actes de vakf dont les originaux sont disparus (Materie^x pour un corpus inscriptionum arabicarum, Egypl<i Le Caire P. V I I , Paris 1894). Ces inscrip; tions de vakf sont de differentes sortes. Cer taines d'entre el les renferment les condi -tions concernant Finstitution d'un vakf quel conque; certaines autres ont pour leur d'ecar-ter les illegalites; telles que perception d'im-pots exageres sur les immeubles du vakf en question; I I y en a d'autres qui temoignent de la suppression des agissements illegaux cons tates dans la gestion d'un Vakf quelconque. Ainsi,ces inscriptions qui interessent les dilfe-rents aspects de I'institution du vakf et qu'on trouve en Egypte, en Syrie, en Irak, â Viran et en Anatolie, constituent le materiel le plus important pour ceux qui s'occupent de I'histoire du Vakf. Grace â des publications a-bondantes faites â la suite des recherches ef-fectuees depuis un demi siecle sur l'epigra phie musulmane, i l est desormais possible de profiler de ces documents, avec un maximum de facilite. Le repertoire chronologique de l'epigraphie arabe, oeuvre magistrale que r i n s t i t u t f r a n ç a i s d ' a r c h e o l o -g i e o r i e n t a l e au C a i r e continue â publier activement, peut etre consideree de ce point de vue comme un auxiliaire de pre miere importance pour ceux qui doivent etu-dier I'inslitution de Vakf.
Apres les inscriptions de Vakf, nous pourrons citer comme les sources les plus im-portantes de I'inslitution de Vakf, les litres de Vakf, (Vakfiyye) qui epargnes par un heureux hassard, ont pu parvenir jusqu'a nous. L'importance des inscriptions de Vakf reside d'ailleurs dans le fait qu'ils rcpresentent des
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r i o A' D E V A K F
7 passages on ])Iut6t des resumes d'un vakjiyycdoııt I original a disj)anı. Supposous que nous avons retrouve un vakfıyye autlientique coıicernant un vakf queiconque. L'inscription qui contient le resume du vakfiye perdra alors son caractere de document original et s'ai)aissera au rang d'un auxiliaire doııt l'ü-lilite se limite â servir au contröle des par ties illisibles, s'il en existe. du vakfiyye en question. I I est regrettable de constatcr que les vakfiyyes originaux qui ont ete decouverls jusqu'a present soient des pieces aussi i)en nonibreuses que relativenient recentes. Nous utilisons ici le mot original parce que. le-= do cuments cites sous le nom de vakfiyye en general, presentent en realite uu caractere qui
dij/erurU beuucoup entre çux : I I existe cer
tains vakfiyye qui ont ete elabores lorsque le fondateur du Vakf a constitue son vakf, signe par les temoins et dont la validite a cte offi-cieilement reconne. I I y a certains autres vak fiyyes qui ne sont pas des actcs originaux. niais seulement une simple coj)ic ou bien un exemplaire qui ne reproduit en traduction qu'un ou plusieurs documents d un vakf. I I y en a d'autres qui ne -or.t quo Ic resume d'un \nkfiyye ou bien nn;? in dice de celui-ci redige dans un but pratique, ü'autres enfin sont des exemplai vs renou -VCIJL;, d'-.m v.-..':,'':yy: queiconque ejr.ire. et ceci, apres un certain temps et sur les affirmations legales des temoins.
Pour ceux qui se sont occupes tant soil peu de la methodologie de I'bistoire, i l est tres clair que tous ces documents dijjerenl
beau-coup entre eux au point de vue de valaiir historique. Surtout i l est evident que des ques
tions susceptibles d'avoir de grandes coii.se -quences et d'assurer de grands interets ma-teriels telle que la question de vakf poiii-raient donner lieu â de tres grands abus et falsifications. Le fait de ne pas adopter le systeme de garder dans les arcliives d Llat les exemplaires originaux des vakfiyye et de les laisser dans les mains des gerants; de ne trouver dans les registres offlciels de^ ar chives que des copies recentes; de baser cer tains vakfs, sur des vakfiyye exhibes plusieurs siecles apres I'institution de ce vakf et dont la validite n'a jamais ele contröle d'une
ma-niere scieiitifique, bref tous ces inconvcnie.iils peu\ent confondre ceux qui desirent s"occu-per de Fhistoire du vakf. I I fut un temps oil les savants europeens s'etaienl butes â des difficullcs de meme nature dans les etude~ qu'ils poursuivaieiil sur Tliistoire de I'oc -cident, surtout sur Fhistoire du moyen âge. Mais ils out reussi â situer et â determiner, par des raethodes infaillibles, la valeur et la nature des materiaux destines â la recoustruc-lion historique, grace â certaines dİM-ipliacs
melhoolo^iques et surtout grace â la disci
pline dite la d i p l o m a t i q u e , doni le debut se place au XVIIIe siecle et qui avail atteint sa maturile pendaiâ la ])remiere moitie du X I X siecle, grace h des efforts gi-ganlesques deploycs par certains savanis el erudits. Tandis que nous autres, nous som-nies encore loin de nous soucier de la nature et dc la valeur des materiaux que nous em -jiloyons pour la recoiislruclion de riiistoire du vakf, conime toules les aulres branches de notre histoire. Or, ceci est la premiere con dition d"im travail solide et scienlifique.
La realisation de cette c o n d i t D U reside dans relablissemeiit d une diploihalitiuc turque musulmane permeltant de determiner, an moyen des methodes les pins ^otid(?!^ et li-.s plus objectives, la nature et la valeiu' des do cuments du vakf. comme tous les autres do cuments hisloriques semblables. De menie que les erudits et savants s'occupant de riiistoire de rOccident avaienl etabli ime difiloinalique concernant leur domaine, de meme ceux (pii s'occupent de l liistoire mcdicvalc et mo derne turque - musulmane sont obliges d'e-tablir une diplomatique pour leur projire domaine.
Ainsi Telude des documents du Vakf d"a()res les syslemes geiieraux objeclifs ac-tuels des sciences auxiliaires de I'liisloire, la determination de ieurs caraoterisliqucs. la mi se en lumiere des conditions dans lesquclle^ ces differents documents ont ete dresses ain si .que les formalites auxquelles i!s on! ele assujeltis. en un mot travaillcr minn-tieusement sur toutes sorles de lcxte<i concernant le vakf, sont les conditions de premiere importance pour retablissemcnl de la diplomatique turque • musulmane. Pour
8 Prof. Dr. Fü AD KÖPRÜL Ü atteindre ce but, la premiere condition est
d'avoir la notion de la Diplomatique de This-toire occidentale ainsi que de ses systemes de critique, ou plus exactement, de connaitre â fond ces methodes. Apres quoi, il est indis-pensable de connaitre, par une longue expe-rience, la langue, le style, la nature juridique et historique, le genre d'ecriture, la qualite du papier des documents â etre etudies.
Ainsi la creation d'une Diplomatique turque signifie I'enseignement facile aux jeunes investigateurs de I'avenir, les connais sances acquises jusqu'a present par de Ion -gues pratiques et experiences, ce qui leur evi-tera les erreurs de leurs predecesseurs. Aujourd'hui, il nous est donne de contribuer ü la fondation d'une branche importante de la Diplomatique turque-musulmane, en etudiant et en publiant d'une maniere methodique et conforme aux regies historiques, lea d c cuments de vakf gardes dans les archives d'Etat, dans les archives de la Direction Ge-nerale de I'Evkaf, dans les registres des an-ciens tribunaux religieux, dans les Musees e( entre les mains des particuliers.
Ceux qui s'interessent â I'etude de l'histoire de I'institution de Vakf et qui de-sirent publier les documents y relatifs ne doivent pas se decourager devant les diffi-cultes de cette tâche qui necessite la connais-sance non seulement de la philologie, du droit, des sciences auxiliaires de l'histoire, mais aussi de differentes branches de l'histoire dans toute I'ampleur de I'expression et des differentes disciplines en rapport avec el • les. Toute branche de la connaissance hu-maine ne pent etre developpee que par les efforts successifs de plusieurs personnes el memes plusieurs generations, qui se comple-tent. Mais la premiere condition de reuissite reside dans I'observation des memes metho-des scientifiques et objectives. Surtout dans les travaux d'ordre analytique tels que la publication ou le commentaire des textes, il existe des methodes et des regies adoptees dans le monde savant entier. Les travaux executes en observant ces methodes se corri -gent et se completent, les materiaux solides ainsi obtenus, peuvent etre employes avec assu- ,
ranee par les hommes de science, dans la
construction historique. Or, les travaux ar-bitraires, executes sans aucune methode et sans aucune critique, suivant la mentalite nioyenageuse, les materiaux faux ou sans valeur obtenus par ce meme precede, n'ont aucune valeur au point de vue scientifique. L'n travail methodique execute par une per-sonne ayant relativement peu de connaissan-ce est mille fois plus utile que le travail sans melhode execute par une personne ayanl beaucoup de connaissances. Car, il est toujours possible de controJer et de corriger les travaux du premier; tandis qu'il est impossi -ble de distinquer les erreurs dans les ecrits de ce dernier. C'est lâ que reside la diffe -rence essentielle entre la vieille science orien-tale et la science europeenne d'aujourd'hui. Ainsi les documents du vakf qui seront mis en lumiere et les vakfiyyes qui seront pu-blics en conformite de la mentalite scientifique d'aujourd'liui et en observant les me -thodes de critiques dont le mode d'appHca-tion ne manquerait pas d'acqueiir de jour en jour plus de certitude et de perfection, ne se contenteront pas d'eclairer seulement I'ins-titution de Vakf au point de vue juridique et historique. Nous aurons alors en main, gra-ce â gra-ces publication solides, de nouveaux do-cuments permettant d'eclairer chaque bran-che de notre histoire, et ceci pour le plus grand avantage de l'histoire economique, l'histoire urbaine, l'histoire de colonisation, la topographic historique, l'histoire adminis-trative et financiere, l'histoire religieuse, bref de toutes les branches de l'histoire qui nous mettront devant les yeux la structure interne de l'ancienne societe turque, les conditions economiques de differentes classes sociales ainsi que leurs rapports juridique et so -ciaux. Ce sont ces documents qui nous feront connaitre les systemes de peuplement des vil-les, la creation de nouveaux quartiers, les points de concentration des gens de differen-tes sordifferen-tes d'actividifferen-tes industrielle et commer • ciales, les niveaux et conditions de vie de differentes classes de population, les valeurs des objets et des monnaies, la nature de dif-ferents impots, ainsi que le developpement des institutions scientifiques et religieuses et les institutions d'assitance sociale, Cest
/ ; / A' ,5 T I T U r I O A- D E V A K F 9 siirtout grace â ces documents que nous
pour-I'ons nous faire une idee de la rir en neral, cest â dire de la veritable slruclure de
la societe reiatee tout â fait par hasard el tres rarement dans les chroniques qui se con-lentent de citer les eveiiements niilitaires et politiques, la vie et les aventures des sou\e-rains et des grands liommes d'Etat. Ainsi que M . S a u v a g e t a fort justement rela-te dans son article sur les inscriptions con-tenant les ordonnances des Mamelouks en Syrie (Bulletin d'Eludes orientale, annee 1932, tome I I . fasc. 1. P. 2 ) . Ces documents <Ie vakf nous apprendrons comment avaieut vecu les gens ordinaires, les paysans, les
jjelits artisans et les ]jeti[s commerçanis >ys-tematiquenient negliges par les chroniques. Mors, i l nous faut commencer â tra%'ailler avec un plan solide s\ir ces documents de lakf qui nous reveleront les nomhreux as -peels iiinorC!i ch noire liistoire nationale. el metire en luniiere, !e plus lot possible. ce riche materiel qui iulci-cssera beaucouj) el <le differeiits ]join(s de \ uc les specialislcs (jui s"occu])ent des differentes liraiicJies de î'his-toire. en jjubliant d'une nianiere melhofliqiie ces sources de I'liistoire de ]nenn'ere impor-tance. .Nous aurons rendu aiusi un grand service non seulement â Fhisloire nalioiiale, mais aussi a I'liistoire mondiale.