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La Maison de Pierre Loti a Rochefort:Le livre du gout "fin de siecle"

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La maison de Pierre Loti

à Rochefort

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l\ o c h e fo r t, arsenal maritime créé par Colbert, eut, dès 1666, la vocation de construire des

navires et de ravitailler les colonies françaises d'Outre-Mer. La famille de Pierre Loti, dont

plusieurs membres s ’étaient engagés dans la Royale, avait bercé de ses récits de voyages et d actes

valeureux le jeune Julien Viaud qui, à treize ans, prit la décision de devenir à son tour marin.

L ’activité du port, les magnifiques voiliers en rade, les chants des marins l’ont marqué tout

enfant; déjà attiré par la mer et accaparé par des rêves d’exotisme que nourrissaient les lettres de

son frère en mission à Tahiti.

Pour connaître et comprendre Pierre Loti,

Le Roman d’un enfant et Prime jeunesse

permettent une bonne approche de l’environnement rochefortais dans lequel il évolua. Mais c’est

essentiellement le logis familial, la maison natale, qui illustrent le mieux le passé cher à Julien

Viaud : véritable refuge et objet de vénération pour une enfance choyée et heureuse, malgré une

certaine austérité huguenote, sa demeure est une autobiographie et un véritable musée de sa vie.

Elle le révèle entièrement dans sa passion pour la Turquie et l’Islam, son goût pour les

reconstitutions historiques, les fêtes nombreuses et fastueuses et les décors qui lui permettaient de

voyager dans le temps et dans l’espace.

Tout à la fois « Palais du Rêve » et maison familiale, ce logis reste celui d’un incomparable

décorateur, d ’un artiste romantique et enchanteur.

Très attaché à Rochefort, Pierre Loti revenait autant qu’il le pouvait dans son «logis fixe»

pour y retrouver les décors fascinants et féériques de ces pièces orientales qui lui permettaient de

revivre ses séjours en Turquie, au Maghreb et en Perse.

L ’écrivain, par ses relations et ses interventions répétées, défendit sa ville autant qu’il le put,

contre les différentes décisions ministérielles de fermer l’arsenal, principale raison d’être de la cité.

C’est de Rochefort que le convoi de ses funérailles partit pour Saint-Pierre d ’Oléron, où il fut

enterré le 16 juin 1923, dans la «Maison des aïeules», conformément à sa volonté. Sa chère maison

de la rue Saint-Pierre - devenue rue Pierre-Loti - continue d ’être pour le plus grand plaisir des

visiteurs, un espace insolite et fantastique, l’un des plus extraordinaires de la fin du XIXe siècle.

La maison de Pierre Loti, maison d ’écrivain, maison d ’artiste mais aussi maison d un

officier de marine, est devenue pour la ville l’un de ses monuments les plus célèbres qui s’inclut

parfaitement dans la tradition et le patrimoine maritime de la cité.

Jean-Louis Frot,

Maire de la ville de Rochefort, Conseiller général

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La maison de Pierre Loti

à Rochefort

L e livre du goût « fin de siècle »

par Bruno Gaudichon

Portrait d’Aziyadé dans le salon turc dont tout le décor constitue le sanctuaire.

S’il est arrivé à Pierre Loti de railler le provincialisme et la sévérité huguenote de sa ville natale, Rochefort fut bien son port d’attache principal et conserve aujourd'hui un sanctuaire essentiel au lotisme : la maison natale du romancier, acquise en 1969 du fils de Loti par la municipalité et ouverte depuis en musée. Son aménage­ ment — extraordinaire cohabitation d’époques et de cultures dissemblables, associées en un lieu unique — , ce goût de l’opulence et de la surcharge décorative trahis­ sent à l’évidence les préoccupations de l’écrivain. Loti semble avoir trouvé dans cette horreur du vide et dans ce parti-pris de nostalgisme, une réponse esthétique à son

angoisse « fin de siècle ». Mais si le cosmopolitisme de sa demeure exprime clairement l’attachement de Loti à la valeur sentimentale des souvenirs et l’attrait qu’exer­ cèrent sur lui les voyages, l’aspect presque intact de cet ensemble (1) permet aujourd’hui au visiteur, au-delà de l’anecdote, de parcourir les différentes pages du goût dans la seconde moitié du X IX e siècle. De l’Égypte ancienne à l’Art nouveau, du Moyen Âge (au sens large) à l’Islam, du folklore charentais à l’Extrême-Orient, tous les dépaysements de son époque ont enchanté Loti qui les a ici regroupés comme en un intérieur à la Des

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Pierre Loti costumé dans le salon turc ; photo de Dornac.

(Archives Larousse-Giraudon) La « mosquée », élaborée à partir de matériaux de démolition de la mosquée des Omeyades à Damas : faïences orientales et dalles de marbre pour une mise en scène « exotique ».

(Doc. du musée)

Pierre Loti paraît avoir toujours éprouvé un certain besoin de vivre dans des lieux décorés : la cachette de sa liaison avec Aziyadé, à Istanbul, est minutieusement ornée et les cabines qu’il occupe sur divers navires durant sa carrière militaire sont organisées avec soin, voire luxueusement. Toutefois, le plan du fastueux ensemble de

Rochefort ne fut jamais pensé préala­ blement par Loti qui profita pour l’essentiel du hasard de ses déplacements pour amas­ ser la matière nécessaire à chacun des décors élaborés successivement. Les condi­ tions dans lesquelles furent imaginées et réalisées les pièces de ce puzzle font de la maison un exemple très singulier. Il convient cependant de démêler rigoureuse­ ment la part du choix de celle relevant d’une structure pré-existante et souvent contraignante.

Une maison puzzle

A l’origine, se trouve la maison familiale de l’écrivain : « mon logis fixe, mon vrai logis,

celui où je suis né, celui où, de temps en temps, je reviens me poser » (2). Julien

Viaud (3) a, en effet, passé toute son en­ fance dans cette maison où il est né le 14 janvier 1850 et qu’il a rachetée, le 4 avril 1871, à sa mère qui en avait héritée de ses parents, lesquels l’avaient acquise en 1802. Loti conservera toujours cette « mai­

son de province très modeste où se sentait l’austérité huguenote » (4), la modifiant jus­ qu’à son aspect définitif. En avril 1895, Loti acquiert la maison mitoyenne qu’il essaiera d’associer à la demeure familiale, relique qu’il était impensable de faire totalement disparaître. Ainsi s’organisent, derrière les deux façades intactes, conservation, amé­ nagement et création de pièces communi­ quant plus ou moins facilement entre elles. L ’élément principal de cette maison fami­

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Le salon turc aujourd’hui : il a été reconstitué par les artisans de Rochefort sur le modèle d’une mosquée de Grenade. La fontaine au centre de la « mosquée » : une vision « fin de siècle »

d’un Orient idéalisé à laquelle répond la silhouette du petit minaret que l’écrivain avait fait édifier sur le toit de tuile.

évoqué dans Le Roman d’un enfant et dont Loti regrettera toujours d’avoir quelque peu modifié l’aménagement primitif. Cette vaste pièce, de plan presque carré, éclairée par un imposant lustre en cristal de Venise, a conservé son ambiance caractéristique des intérieurs bourgeois du siècle dernier. Les murs sont tendus d’un lourd velours cra­ moisi, travaillé en fronces. Au mobilier Empire cossu sont associés des éléments Napoléon III, quelques bibelots et des ta­ bleaux, exclusivement des portraits de fa­ mille, la plupart dûs à Marie Bon, sœur de Loti (5). Sont ici réunis les parents de l'académicien, Nadine Texier et Théodore Viaud, et leurs enfants, Marie, Gustave et Julien. De la même main sont le portrait datant de 1893, de Blanche de Ferrière,

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la sœur de Mme Viaud. Trois autres toiles sont l’œuvre du Suisse Edmond de Pury. Loti est représenté par deux fois, en lieute­ nant de vaisseau et en guerrier turc. Une peinture de Pierre Bellet, visible sur des photographies anciennes de la pièce et aujourd’hui conservée dans une collection particulière, représentait l’officier en uni­ forme dans le salon turc. Cette toile synthé­ tisait les deux aspects de Pierre Loti en associant le militaire et l’ami de la Turquie ; le portrait physique étant projeté sur le reflet rochefortais de Loti à Istanbul : le salon turc de la maison de Rochefort.

De la maison familiale demeurent égale­ ment, fermées au public, des reliques chères à Loti, comme les chambres de sa mère et de sa tante Claire. Au premier étage, donnant sur la rue, l’ancien cabinet de travail de Julien Viaud est demeuré presque intact, privé seulement des objets d’art océaniens qui le meublaient. Deux photographies anciennes montrent que ce

très petit bureau abritait des souvenirs de voyages en Nouvelle-Calédonie et à l’île de Pâques, associés avec des objets mexicains, asiatiques et chinois. Cet ensemble voisinait avec nombre de portraits photographiques exposés sur les meubles et aux murs. Ce décor exprime déjà parfaitement, par le choix des objets qui le composent, le goût de Loti pour les départs. En 1892, à Roche- fort, l’écrivain se plaint : « j’ai la nostalgie

d’ici et d’ailleurs ; je voudrais vivre là-basAlger] et ici. Je sens fuir, fuir la vie trop

rapide (...) Des enchantements tristes m’ap­ pellent partout à la fois (...)» (6). Loti est indissociable du mouvement qui, de Nerval à Flaubert et de Delacroix à Clairin, pousse les artistes vers l’Orient ; mais il y apparaît comme un marginal. Évocation du séjour d’un Occidental dans des mondes nou­ veaux, ses œuvres expriment surtout l’ina­ daptation et la différence, moteurs essen­ tiels de ses réactions qui dépassent large­ ment le rôle de la chronique anecdotique.

La « chambre des momies » du vivant de l’auteur,

aujourd’hui vide de ses cartonnages. (Doc. du musée)

Le goût orientaliste

Cette mode orientaliste provoque l’aména­ gement d’intérieurs à partir d’éléments pour la plupart réalisés en Europe. Mais Loti ne s’attache pas à ces objets bâtards. Il profite de ses voyages pour rapporter des souvenirs acquis sur place. Il tente alors de fixer derrière la façade de sa maison de Rochefort la mémoire de ses errances, recréant par pièce, les mondes qu’il a connus, traversés ou habités. Il s’agit bien, pour lui, d’univers à part et c’est dans ce sentiment que l’on retrouve le besoin de dépaysement commun aux artistes de sa génération. Dans Fantôme d’Orient, il ex­ plique parfaitement cette quête de la re­ constitution : « ce n’est pas par simple fan­

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taisie d’art (...), qu’ici mon appartement est pareil à celui de quelque émir d’autrefois, ressemble à une demeure orientale qui, par sortilège, se serait incrustée au milieu de ma chère maison héréditaire, avec ses arceaux dentelés, ses broderies d’ors archaïques et ses chaux blanches. Un charme dont je ne me déprendrai jamais m’a été jeté par l’Islam, au temps où j’habitais la rive du Bosphore, et je subis de mille manières ce charme-là, même dans les choses, dans les dessins, dans les couleurs, jusque dans ces vieilles fleurs de rêve qui sont ici naïvement peintes sur les faïences de mes murs. Et surtout il m'attire, ce charme triste, il m’at­ tire vers là-bas où je serai demain » (7).

A son retour de Turquie, en 1877, Loti aménage la première pièce turque de sa maison : « j’ai meublé ma chambre d’une

manière à peu près turque, avec des coussins de soie d’Asie et les bibelots (...) de ma

maison d’Eyoub (...), et cela me rappelle de

loin ce petit salon tendu de satin bleu et parsemé d’eau de rose que j’avais là-bas, au fond de la Corne d’Or » (8). Cette pièce deviendra, en 1894, le salon turc après que la chambre ait été installée dans le couloir menant au cabinet de travail. Cette seconde chambre arabe, aux murs blanchis à la chaux et décorés de petites arcatures aveu­ gles et de motifs moulés, est aménagée en 1884. Dans les murs sont fixées de belles briques émaillées, travail turc du X V IIe siè­ cle, rapportées d’Algérie par Loti en 1883 (9). Le décor est ici créé par les palmes sèches fichées dans les murs et masquant le plafond, les tapis, les tissus, les sièges au ras du sol et divers autres détails.

Le salon turc, aménagé en 1889 et modi­ fié en 1894, fut l’un des endroits préférés de Loti dans sa maison de Rochefort. Son plafond en stuc peint est très inspiré de l’un de ceux de l’Alhambra de Grenade. Les murs sont tendus de tissus soyeux avec pour motifs des arcs outrepassés. Le sol est

Pierre Loti dans l’ancienne salle à manger de la maison familiale transformée en une pagode japonaise

dont il ne subsiste plus rien ; photo de Dornac.

(Archives Larousse-Giraudon)

jonché de tapis et de coussins. La décora­ tion est ici plus envahissante que nulle part ailleurs dans la maison. Les armes damas­ quinées, les bibelots étincelants de cuivre ou d’argent filigrané entourent le portrait d’Aziyadé que la sœur de Loti peignit d’après des dessins de l’écrivain. C’est bien d’un sanctuaire qu’il s’agit, et tout le déco­ rum installé par Loti insiste sur cette voca­ tion. Sanctuaire voué au culte d’Aziyadé

dont l’écrivain rapporta la stèle funéraire du cimetière de Topkapou, en 1905, pour

l’installer dans la mosquée de la maison de Rochefort.

Cette mosquée est la pièce la plus impres­ sionnante de l’ensemble. A Damas, en 1894, Loti achète une partie des matériaux provenant de la démolition de la mosquée des Omeyades, ravagée par un incendie l’année précédente. Utilisant les services

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La « mosquée » :

un décor morbide et éclatant ; cénotaphes recouverts de broderie et ornés d’armes turques. La mise en scène répondait au goût des fêtes orientales de l’auteur-magicien.

Depuis le lit de repos ombragé par les palmes,

la stèle d'Aziyadé, symbole de la passion qui a présidé à la reconstitution du passé.

« d’honnêtes contrebandiers » (sic), il par­ vient à faire sortir de Syrie l’ensemble de ces prestigieux vestiges qu’il fait installer au second étage de la maison acquise en 1895. Il fait alors poser l’important plafond de cèdre verni sur des colonnes de marbre blanches et roses qui soutiennent des arcs outrepassés. Les murs et le sol sont décorés de faïences orientales et de dalles de mar­ bre. Un mirhab est même suggéré, enserré dans un décor marqué par un attrait mor­ bide commun à Loti et à nombre de ses contemporains : plusieurs cénotaphes re­ couverts de broderies et ornés d’armures turques sont, en effet, présentés dans les bas-côtés. Au centre, une fontaine et, sur un côté, Loti a fait placer la stèle d’Azi- yadé. La religiosité de l’ensemble frappera d’admiration tous les contemporains de

Loti. Mais, ainsi que le dit Sacha Guitry : « ce n’est pas une mosquée, mais c’est un

désir ardent, très émouvant, d’être une mos­ quée... » (10). Loti a fait ici construire une sorte de crypte où se mêlent le culte de ses souvenirs personnels, évoqués justement par la stèle de la petite Circassienne, hé­ roïne de son premier roman, et la nostalgie du magisme d’un Orient défunt que l’écri­ vain aurait aimé connaître. Au-delà de l’authenticité de chacune des pièces du décor, s’harmonisent les deux chimères du mouvement « fin de siècle », le goût du passé et la passion des ailleurs.

Loti avait fait aménager d’autres recons­ titutions orientales à Rochefort. Dans l’ancienne salle à manger de la maison familiale, en 1886, avec des objets et des meubles rapportés du Japon, il avait installé

une pagode japonaise dont il ne reste rien aujourd’hui. En 1902, à son retour de Chine, il avait fait construire un bâtiment dans la cour pour abriter ses collections chinoises. Il ne subsiste presque plus rien de ce décor fantastique. Dans ce même souci du spectaculaire, il avait organisé une « chambre des momies » aujourd’hui vide de ses cartonnages.

Un historicisme de fantaisie

L ’univers des légendes médiévales appar­ tient aux poncifs de l'imaginaire décadent. En 1887, l’écrivain aménage l’ancien atelier de sa sœur Marie en salle gothique. Il achète dans les environs de Marennes, peut-être à Saint-Just, un ensemble de remplages gothiques provenant sans doute

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Meulées pour s’adapter à l’épaisseur des murs d’une maison moderne, ces fenêtres dom inent l’aménagement de la salle. L ’ensemble est très représentatif des re­ constitutions théâtrales appréciées dans la seconde moitié du X IX e siècle : tous les détails s’accordaient dans ce sens, ainsi la polychromie aux tons sourds des éléments de bois, la décoration à base de bibelots aux tournures « barbares », les fourrures qui

jonchaient le sol, les tringles à rideau en formes de lances, les fausses armes et les bannières fichées dans les murs. Loti inau­ gura cette pièce le 12 avril 1888 avec le célèbre dîner Louis X I et, le 30 juin 1912, dans cette salle, furent interprétés quelques passages des Huguenots, l’opéra de Scribe, Deschamps et Meyerbeer. Loti lui-même tenait le rôle principal, celui de Raoul de Nangis.

Pierre Loti dans la salle gothique dont la restauration vient de s’achever : reconstitution théâtrale inaugurée lors du célèbre dîner Louis XI, le 12 avril 1888. (Archives Larousse-Giraudon)

Toute aussi proche des décors de théâtre, aménagée en 1895, la grande salle à manger Renaissance occupe la presque totalité du rez-de-chaussée de la seconde

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Le portrait de Pierre Loti par Lévy-Dhurmer dans la salle à manger Renaissance ; copie de l’original appartenant au musée basque de Bayonne. L’austérité de la chambre de Pierre Loti contredit le luxe de la maison.

maison. Ornée de cinq grandes tentures du X V IIe siècle, elle est éclairée, côté cour, par deux grandes fenêtres à meneaux, aux vitraux à décor héraldique probablement fantaisiste. Devant ces fenêtres, un specta­ culaire escalier permet d’atteindre le se­ cond étage de la maison familiale, mais, comme le remarquait justement Sacha Gui­ try, il « semble avoir été construit pour être

descendu » (11). Pour les besoins de la circulation intérieure dans la maison, cet escalier ne pouvait être centré ; aussi, pour rattraper l’effet disgracieux que cette asy­ métrie n’aurait pas manqué de créer, a- t-on, dans la volée du bas, élargi progressi­ vement chaque marche permettant ainsi à la première, flanquée de deux pilastres sup­ portant des lions assis, d’apparaître totale­ ment dans l’axe de l’entrée. La salle occupe en fait deux étages de l’immeuble. Pour atteindre les pièces qui, côté rue, se trou­ vaient au premier, Loti eut recours au système de la tribune à mi-niveau, accessi­ ble par un escalier élevé dans le même registre que celui du fond. Sous le plafond à caissons, un ensemble assez hétéroclite complète le décor qui servit à la somp­ tueuse fête chinoise que Loti donna le 11 mai 1903. La salle à manger Renais­ sance fut aménagée en chapelle ardente lors du retour du corps de Loti, après son décès à Hendaye et avant son inhumation dans le jardin de la maison des aïeules de l’île d’Oléron, en 1923.

Quelques pièces demeureraient à consi­ dérer de cet ensemble complexe. Il ne demeure presque plus rien de la salle pay­ sanne, à décor charentais, inaugurée le 13 janvier 1894 par une fête villageoise, et aménagée au fond de la cour, connue grâce à des photographies anciennes. Le salon bleu subsiste, au rez-de-chaussée de la seconde maison : ouvert sur la rue par trois fenêtres, il est essentiellement meublé de

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La grande salle à manger Renaissance, aménagée en 1895, occupe la presque totalité du rez-de-chaussée de la seconde maison.

Détail de l’escalier dont l’asymétrie disparaît

grâce à l’ingéniosité de la construction.

Détail du salon bleu

avec ses boiseries Louis XVI blanches et or et le drapé d'une tapissière.

Cette pièce est généralement considérée comme le salon de l’épouse de Loti. Hormis le détail émouvant que constitue le tapis offert à l’écrivain par la Turquie en 1921, rien n’est ici vraiment plus original que bien des intérieurs bourgeois du tournant du siècle. La chambre de l’écrivain contredit tout ce luxe : pièce blanche donnant sur la cour, elle est aussi dépouillée que toutes les autres parties de la maison peuvent être décorées. Cette outrance dans la simplicité illustre en fait parfaitement l’obstination de Loti dans ses partis pris décoratifs.

Il faut sans doute aujourd’hui insister plus particulièrement sur l’exemplarité de cet ensemble pour l’histoire du goût dans la seconde moitié du X IX e siècle. Sacha Guitry pensait que cette maison était un livre de Loti. On peut admettre qu’elle représente

davantage, une autre lecture de tous les ouvrages de l’écrivain, sinon l’identité par­ faite de toute une époque. Elle est, comme son auteur, de tous les voyages, de toutes les périodes d’un siècle. L ’heureux achat de cette maison par la ville de Rochefort et son prochain classement à l’inventaire des Mo­ numents historiques sont des étapes essen­ tielles à la reconnaissance de ce lieu magique qui, dès l’origine, avait vocation à devenir musée, de par son principe même.

B. G.

Les travaux

Une maison d’écrivain aussi peu banale que celle de Pierre Loti doit pouvoir encore présenter dans les meilleures conditions les différents aménagements que Pierre Loti réalisa au cours de ses séjours à Rochefort.

Devant le nombre sans cesse croissant de visiteurs et devant les risques de dégrada­ tion et d’usure, il est primordial de mainte­ nir une présentation soignée et essentielle­ ment fidèle au passé.

La maison natale de Julien Viaud a fait l’objet durant l’hiver 1987-1988 d’impor­ tants travaux d’entretien et de restauration. Des travaux de consolidation et de réfec­ tion s’imposaient pour redonner à la salle médiévale une isolation complète quelle n’avait plus, ayant eu à subir les assauts des vents d’ouest depuis cent ans exactement. L ’opération consista à consolider la chaîne d’angle donnant sur le jardin, tout en remplaçant les pierres défectueuses usées ou rongées par les agrafes, et à refaire rigoureusement à l’identique les vitraux des

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incomplets. Le travail de reprise de la maçonnerie dut être également effectué sur toute la longueur de la maison après un ravalement de la façade côté cour. Il était devenu opportun de camoufler les parties bétonnées sur la terrasse par un crépi de sable coloré, sans oublier de faire disparaî­ tre une gouttière superflue et des fils élec­ triques envahissants. Cette mise en valeur du bâtiment sur la cour s’accompagna de la réfection du remplage gothique apposé au mur extérieur de la cuisine, et de la recons­ titution de la logette du salon turc, cons­ truction en bois ouvragé fort insolite sur cette façade.

Pour l’intérieur de la maison, il convenait de profiter des travaux menés sur l’exté­ rieur de la salle médiévale pour restaurer de manière très fidèle les boiseries — lambris, banquettes et panneaux sculptés — en resti­ tuant la partie centrale disparue. A ces travaux s’est greffée toute une série de réalisations et de projets pour lesquels Mme Odile Verdier joua le rôle de conseil­ ler et de coordinateur technique. La pre­ mière intervention, très spectaculaire, est celle qui permit la réfection totale de l’éclai­ rage des différentes pièces visitées.

L ’ancienne installation, désuète et peu esthétique, a été complétée et remplacée en totalité pour respecter les normes d’éclaire­ ment prescrites pour les matériaux fragiles. Le but recherché était de redonner à la maison l’atmosphère d’une demeure habi­ tée, dont les pièces seraient seulement éclairées de chandelles et de lampes à huile ou à pétrole. Ainsi les lustres furent équipés de lampes-bougies, et les petits spots, mu­ nis de graduateurs d’intensité ; les lampes à huile, les bougeoirs reçurent des lumignons qui créent vraiment l’illusion d’une flamme douce orangée.

Dans la mosquée, toute la féérie de l’Orient qu’évoquent Alice Barthou ou Claude Farrère est recréée : derrière les deux arcs outrepassés, le minaret illuminé n’attend plus que le muezzin et son appel à la prière. La chambre enfin est pourvue d’un éclairage discret qui atténue la froi­ deur de la pièce mais en respecte l’atmos­ phère simple et recueillie. Parallèlement à cette nouvelle installation électrique, des équipements modernes de sécurité ont été mis en place avec discrétion et une salle d’attente fonctionnelle a été aménagée dans la maison mitoyenne. La réfection de la

Le salon rouge du temps de Pierre Loti : l’ambiance caractéristique des intérieurs bourgeois du siècle dernier.

Le petit bureau de l’écrivain : souvenirs océaniens et photographies d’admiratrices ; le goût de Loti pour les départs...

petite terrasse du jardin, l’aménagement de salles d'expositions, la reconstitution de pièces et la création d’une salle d’accueil- librairie sont autant d’opérations qui doi­ vent s’échelonner dans les années à venir. A plus brève échéance, il convient de

remplacer certaines tentures défraîchies et de recouvrir avec des tissus identiques les sièges abîmés.

L ’objectif poursuivi est de combattre le lent vieillissement de cette maison « pleine de parfums exquis, de couleurs

précieuses et rares, de mystère, de visions d’Orient » (12). Pierre Loti de son vivant— et même après sa mort — n’aurait pas accepté que son logis devienne un musée : le plus sincère hommage que l’on puisse lui

(16)

Portrait de Pierre Loti en guerrier turc par Edmond de Pury, dans le salon rouge.

16

l’esprit général, les innombrables trésors qui le composent, de les mettre en valeur de façon mesurée et de conserver au mieux ces extraordinaires ensembles que le magicien prit tant de plaisir à concevoir, à habiter et à faire visiter.

Marie-Pascale Bault

(1) Quelques pièces manquent aujourd’hui, con­

nues par des photographies anciennes et par les

catalogues de quelques ventes, à Paris, La Ro­

chelle et Rochefort, échelonnées de 1929 à 1981.

(2)

Pierre Loti, «Lettre à Emile Pouvillon

(Rochefort, avril 1881)»,

in Jou rn al intime,

t. 1, Paris, Calmann-Lévy, 1925.

(3) Véritable nom de Pierre Loti.

(4)

Pierre Loti,

L e Rom an d ’un enfant,

Paris,

Calmann-Lévy, 1890, ch. IL

(5) Marie Bon, née Viaud (1831-1908), dotée

d’une bourse d’étude accordée par la ville de

Rochefort, suivit à Paris les cours de Lemercier

et de Léon Cogniet. Le musée d’Art et d’His-

toire de Rochefort conserve d’elle plusieurs

toiles dont un bon portrait de Loti.

(6) Pierre Loti,

Journal intime,

11 avril 1892.

(7)

Pierre Loti,

Fantôme d’Orient,

Paris, Cal­

mann-Lévy, 1892, ch. I.

(8) Pierre Loti,

Un Jeune Officier pauvre,

Paris,

Calmann-Lévy, 1923, p. 171.

(9)

« Des faïences prises dans la Casbah d’Alger

au dernier printemps » :

Journal intime,

22 février

1884, t. II, Paris, Calmann-Lévy, 1929, p. 132.

(10)

Sacha Guitry, « La Maison de Loti »,

in Revue des deux mondes,

1" octobre 1931, p. 594.

(11) Idem.

(12)

Mme Alice Barthou, « La Maison enchan­

(17)

Maison Pierre Loti

141, rue Pierre-Loti. Tél. : 46.99.16.88. Horaires : (hiver et été) ouvert tous les jours sauf mardi et dimanche matin. Visites guidées à 10 h, IL h et 14 h, 15 h, 16 h.

Tarifs :

- adultes : 25 F

- groupes : 20 F

- étudiants : 15 F

- 8 à 18 ans : 10 F

- moins de

8

ans : gratuit

- groupes de collèges et lycées : 10 F

Groupe maximum de 25 personnes.

Couverture : Détail des carreaux émaillés du XVIIe rapportés d’Algérie par P. Loti : le fauconnier, au verso.

Sauf mention spéciale

reportage photographique Etienne Renault La demeure familiale de Pierre Loti et la maison mitoyenne

acquise par l’écrivain en 1895.

Plans de la maison-musée de Rochefort ; extrait d’Émile Vedel : « l’œuvre de Pierre Loti, sa maison, son journal intime et son fils » ;

l’Illustration, n° 4113, 31 décembre 1921. . j| r>< («I.M *r,J C Î,n ’kniJ T -jj it Deuxièm e étage

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Extrait du n° 156

Éditions de la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites Hôtel de Sully, 62, rue Saint-Antoine, 75004 Paris

LAFAYETTE C O M M U N IC A T IO N IM P R IM E R IE (H 43 84 91 00 mai 1990

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