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NNEES EN UROPE

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Academic year: 2021

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Tam metin

(1)

KomopWwsa», Lorsque je rentra

«hutietee-au yali de

par cette journée d’automne mère m’accueillit l’air joyeux :

— Ote ton tcharehaf et viens me voir me dit - elle. J’ai à te parler.

N’ayant pas vu ma mère très souvent dans ces dispositions, je montais dans ma chambre située à l’étage supérieur, très empressée et fort curieuse. J’ôtais à la hâte les épingles à tête noire Qui rete * naient mon voile double de tulle fine à mon tcharehaf et arrangeais quelque peu mes cheveux avec mes 'doigts. KàfirHIÿéntrait dans la cham

bre à cet instant :

— Katina lui dis - je, prends mon tcharehaf et ma pèlerine ; ils pourraient se froisser.

Et je descendis aussitôt à l’éta­ ge inférieur, chez ma mère.

— C’est dommage, me dit ma­ man, tu aurais dû être à la mai­ son aujourd’hui. Il y avait une vi­ site.

_ Qui donc était venu ?

! — Sidika hanim, la tante de Ne­ at Nazmi bey. Elle a bien regret­ té de ne pas t’avoir vue. Et voici pourquoi elle était venue : Nejat Nazmi bey lui a écrit de Stock - holm qu’il voudrait t’épouser... Il aurait prié sa tante de sonder le terrain craignant que tu ne refu­ ses la main d’un secrétaire Je lé­ gation aux maigres appointements. Je n’avais jamais cru que je me verrais un jour devant une propo­ sition pareille faite par Nejat Naz­ mi bey. Je fus soudain plongée dans l’étonnement. stupeur ne provenait pas de mon penchant

t u de ma répulsion ù l’égara P-» Ne

jat ¡Nazmi. J’étais veuve ¿et Ne­ jat Nazmi ne s'était encore ja mais marié. En outre, la différen­ ce d’âge entre nous n’était que d’ une ou deux années. Pour la men­ talité de l’époque, c’était là au • tant de désavantages à mon détri­ ment. Je m’en ouvris à ma mère qui me dit :

.— Il y a certainement songé a- vant toi. Du moment Qu’il veut de toi telle que tu es, le fait de

con-NNEES EN

U R O P E

E

J î l â _ j EVFIK BASOKÇU

Ju turc par MAZHAR KUNT

*

sidérer . 'w '

pêcheme que tu d tes pou

Ce .¡¡ne si bien formé, si instruit et plein de valeur ne manquera pas de devenir un jour Quelle meilleure occa

-ndiquer

.oit m s irétex -

înarier.

de partager tes idées libres et a- vancées. Tu finiras par devenir victime des commérages des a - mies envieuses et des ennemies ca­ lomniatrices ; tu gaspilleras ta jeunesse. Tout le monde ne peut se rendre compte de ton sérieux.

— Maman, dis - je, ne croyez sion pourrait - on trouver, pour se pas que je cherche des prétextes marier ? En outre sache bien Que pour ne pas me marier. Mais la tu ne rencontreras pas beaucour de première fois, vous m’avez marié maris capable de comprendre- et \ 17 ans. J’ai maintenant 27 ans.

Je suis dans l ’obligation de consi­ dérer la vie avec plus de gravité. Pour moi, le mariage n’est ni une question d’esclavage, ni une affai­ re d’engouement... J’attends Que le mariage m’assure une vie d’a - mitié, de camaraderie sincère. Si­ non je préfère ne plus me marier. — Certes oui. Mais cette vie de camaraderie ne peut - être étudiée de loin. Cela arrive après le ma­ riage.

— En d’autres termes vous vou­ lez dire que le mariage accomplis­ se des prodiges. Mais je trouve plu tôt le prodige dans notre jeunes­ se. Si mon mari et moi nous nous étions connus avant le mariage, nous aurions compris que nous n’ étions pas fait, l’un pour l’autre. En me mariant, j ’avais décidé de de­ venir une femme modèle malgré mon jeune âge. Je crois que lors­ qu’une femme veut elle peut par­ faitement faire bon ménage avec son mari.

— N’est - ce pas ? Comment a- vons - nous fait nous autres pour vivre avec notre mari ? Ton mari

n’étqjt pas mauvais du tout. Seu­ lement il ignorais les devoirs, d’un chef de famille.

— Voilà qui est bien dit. Ce que vous appelez le “ devoir ” de chef de famille., je l’appelle, moi, “ ca­ maraderie ” .. la différence n’est que-dans la lettre...

Comment serait - il possible de vivre en camarade en ami avec un mari qui réduit le mariage aux seuls loisirs néscesaire pour satis­ faire ses désirs ? Du reste je trou­ ve que ni mon mari ni moi - mê­ me n’étions responsables de cet é- tat de choses . il réside plutôt dans l’état extrêmement défee - tueux de notre vie sociale. Si un jour on ne crée pas dans nos éco­ les des classes destinées ù prépa­ rer nos enfants à la vie sociale, à ne pas faire de différence entre fil les et garçons, à lèur inculquer des sentiments de sacrifice, de bonne entente de confiance réciproque et de camaraderie, il restera dans quelques années bien peu de ma­ riages où l’entente régnera.

(2)

-tr V W T H *

— Est-ce à toi d’entreprendre de changer une existence qui a tou - jours été celle de ce pays ? Tu pfls- ses ton temps à tout critiquer au lieu d’essayer de te marier. Par /exemple, Nusret bey^ n’était nulle- / ment à dédaigner. C’était en outre

un homme connu...

__ Certes. Du reste, aucun de nos hommes ou de nos femmes n’ est mauvais. Ce qui est mauvais, c’est le train des choses. Ils ne veulent pas faire de la vie un par­ tage égal. Chacun ne songe qu’à soi avec un grand égoisme. Voie* Quelle était la théorie du mariage de Nusret bey: trouver prête la table de raki que sa femme avait préparée avec un grand soin à son intention... Et pendant qu’il bu - vait et s’amusaient avec ses amis, il ne fallait me contenter de l’exis­ tence sacrée que je mènerais dans une autre chambre... Excusez-moi mais je ne me sens pas assez in * capable pour me résigner à cela.

.— Mais, mon enfant, à défaut de

tout inconvénient tu trouves main­ tenant que Nijat Nazim n’est toil aîné que d’un ou deux ans et qu’il ne s’est jamais marié.

— C’est que maman, je connais les sentiments des hommes. Ils prennent aujourd’hui une décision pour se repentir deux mois plus tard. Sachant tout cela, pourquoi me rendre malheureuse une deu­ xième fois ? Seulement, il faut convenir que Nejat a un côté que milite beaucoup en sa faveur: il est très cultivé et a une excellen­ te éducation. C-’est une supériori­ té par rapport à beaucoup d’autres Pour être plus exact, cette deman­ de vient d’une façon tellement inattendue que je n’ai vraiment aucunl idée à ce sujet. Peut être a- vez-vous raison ! Chez nous on considère qu’une jeune femme est pour ainsi dire obligée de se marier Il me faut donc accepter cette pro­ position pour satisfaire à cette rè­ gle.

Ma mère se rasséréna:

—Certes. D’ailleurs,il pourrait se marier avec n’importe qui.il parait

Feuilleton de “ La République

VINGT ANNEES EN

E U R O P E

par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

qu’il a dit à sa lam e (IpTii craint les jeunes filles modernes. N’a-t-i! pas raison du reste ? Combien y a- il de femmes attachées à leur fo­ yer ? Du reste, tu aimes beaucoup voyager. Tu pourras parcourir le monde à ton aise si tu te maries a- vec lui..

Ce côté m’attirait beaucoup . Vo yager, tout voir, tout comprendre.. Tel est mon désir, le besoin de mon âmeo dpuis ma plus tendrî enfan­ ce. Alors ?

Alors ,il semblerait que l’entre­ prise slrait de mon goût.Je voulus tenter une fois de plus ma chance dans le mariage :

— C’est bien, dis-je, j ’accepte ! Quand répondrez-vous à la tante?

— Jirai lui rendre visite dans quelques jours et je lui porterai ta réponse. Sidika hanem en sera très contente. Elle t’aime beaucoup d’ailleurs. D’après elle, votre ma­ riage aura lieu à Paris, car on ne permettrait pas à Néjat Nazmi de

rentrer à Istanbul. Il y a à peine trois mois qu’il a été nommé pre­ mier secrétaire à la Légation de Stockholm.N’était-il pas venu pren dre çongé il y a quelque temps ? Il songeait donc à ce projet mais il n’avait rien laissé paraître.

— J’irai donc à Paris ? C’est là qu’on se rencontrera ?

Ce serait mon deuxième voyage à Paris.

— C’est ce qu’elle dit: il serait plus facile pour Néjat Nazim de se ren­ dre à Paris.

En outre, ils ont une parente à Paris: Nermin ’hanfm... Il veut? que Nermin hanfm assiste à ce ma­ riage.

— C’est une excellente idée ... J’aime Nermin k m i . Ce sera une soeur pour moi si je vais à Paris.

— Tu vois comme ça se rencon­ tre. Espérons que c’est là un heu - reux présage.

Lorsque je remontais dans ma chambre, je ne regrettais pas d’o- voir dit oui à ma mère. Du moment qu’il fallait me marier à tout prix, c’était pour moi une chance d’en­

trer dans une famille que j ’aimais. Par une drôle coincidence j’avais beaucoup sympathisé avec Tes parents et les proches de mon pre­ mier mari. Nous étions toujours au mieux avec ma belle-soeur et sa famille et nous nous aimions beau­ coup Mais toutes ces sympathies n’ arrivèrent pas à modifier le résul - tat. Je ne doute pas que mon mari ne m’ait aimée d’après la concep­ tion qu’il avait de l’amour. Mais il avait une âme tellement esclave de la tradition et s’obstinant à mar­ quer le pas dans la vie conjugale qu’elle ne parvenait pas à s’enten­ dre avec la mienne toujours révol­ tée et voulant aller de l’avant. C’é­ tait le fils d’une des vieilles fa - milles d’Istanbul qui appartiennent à l’histoire. Il n’avait que 23 ans au moment de notre mariage et dispo- sait d’un petit emploi dans « I m i -

qujt^u^gjeul /avait dirigé vec une grande compétente sous

Tahmoud II.

(3)

C’était un jeune homme plutôt blond, jm w t haut de tail­ le, présentant bien et à la tenue distinguée. Il s'habillait suivant la mode anglaise et prenait grand soin d’être simplement mis. A la mort du père, sa mère avait préféré de­ meurer chez son gendre avec son fils unique. Le gendre, Akil bey, é- tait un homme respectable dans la carrière diplomatique.

Mon mari avait réussi à dorer son diplôme de l’école des scien - ces politiques grâce à ses contacts avec son beau - frère. Il était par­ venu à apprendre assez bien le français. De temps à autre il fré - quentait l’école de droit lorsque i' envie lui en prenait.

Akil bey était notre voisin de yali au Bosphore. Nous avions des relations excellentes avec sa bel­ le - mère et ses filles.

Lorsqu’un jour on me demanda en mariage par l’entremise de ¿g*» Mme Marie, notre professeur

de français et de travaux manuels, je répandis immédiatement “ oui comme maintenant pour Nejat Naz mi. L’aspect extérieur de mon ma riage n’était pas mauvais. Mon ma­ ri m’avait également plu extérieu­ rement.

Mme Marie me disait beaucoup de bien de son caractère. “ Je ne crains qu’une chose, disait - elle ; il a des idées très avancées, peut- être qu’il ne plaira pas à votre fa­ mille ” .

Je rêvais pourtant d’un mari aux idées larges, un mari capable de briser les mauvaises coutumes traditionnelles, ayant des idées tou tes neuves, adroit, capable de fon der un solide foyer basé sur la confiance mutuelle. J’était : déci­ dée à faire tout ce qui dépendait de moi pour assurer la beauté et la gaieté de ce nouveau foyer.

Mon mari vint s’établir chez nous. Quelques jours après notre mariage nous avions commencé à faire les visites coutumières mais mon mari ne voulait pas

m’accom-Feuilleton de “ La République

[VINGT ANNEES EN|

E U R O P E

par REBIA T1W FIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

gagner. Comme d’habitude je pre­

nais avec moi la vieille dada et c’ est avec elle que je faisais les vi­ sites. Je rencontrais mon mari là où j ’allais.

njoü?> il arriva que je rencon­ trais mon mari au sortir du ba - teau. Le jardinier Şaban aga qui \nous avait accueillis à l ’arrivée nous précédait ayant à la main une

lanterne où brûlait deux bongrés. Ayant traversé le marché, je re­

levais mon voile épais en suivant les quais. Je craignais de trébu - cher et de tomber dans la mer.

Mon mari marchait tout seul quelques pas plus loin. Arrivés à ia maison, il me dit avec une po­ litesse très grave:

— Je vous prieCinstamment cfe ne plus découvrir votre visage dans la rue.

— Je ne me suis pas découvert dans la rue. J’ai relevé mon voile

afin de.ne pas tomber sur le quai. Comment aurais - je pu faire pour avancer ?

— C’est que je ne puis supporter ces choses. Vous devez vous y ha­ bituer.

A partiRde ce jour, la principa­ le discussion qui nous opposait les jours où mon mari était à la mai­ son avait pour objet : la femme est - elle, oui ou non, obligée d’o­ béir aveuglément à son mari ?

Voici ce qu’il me disait :

— La vie est ainsi organisée (hez nous. Nous ne pouvons la changer. Tout peuple doit veiller à maintenir ses traditions telles ruelles... _ ^ JtÊÊÊKKMÊMk Japonais et les progrès qu’ils a - vaiént réalisés grâce à leur esprit conservateur.

Ce n’était pas là cette vie con­ jugale que j ’avais imaginée. J’é - coûtais le langage de mon mari sans le comprendre. C’était effec­ tivement ... du chinois pour moi! Quel besoin avait.- il de s’occu­

per de détails si futiles et de pré­ tendre à la supériorité sur sa fem­ me ? Je n’avais pas l’intention de me rebeller ou de le tromper... Tout ce que je voulais du maria­ ge c’était d’infuser une vie nou - velle au nouveau foyer, basée sur la confiance réciproque prenant sa force dans la îcrce des sentiments réciproques.

Malgré ces discussions mon ma­ ri sembla satisfait de son mariage pendant une ou deux années. Je voyais les illusions que j ’avais pla­ cées dans le mariage s’estamper et perdre leur caractère, mais j ’étais décidée : il n’v aurait jamais entre mon mari et moi de mésentente dé sagréable. Pourtant mon mari n’é­ tait nullement conscient du sacri­ fice que je consentais à faire dans le domaine de mes buts et de mes sentiments. A mesure que les an­ nées passaient, il ressemblait à un enfant gâté dont les moindres dé­ sirs sont exaucés.

(4)

— 4 —

Quatre années après notre ma­ riage, mon mari se formalisant un jour des propos tenus par un pa­ rent âgé, lui écrivit une lettre ou il lui annonçait qu’il me répudiait et le priait de me communiquer cet te nouvelle.

Un soir, à l'heure où j ’attendrais le retour de mon mari, mon pa - rent m’apporter la lettre, les mains tremblants. Tout en me remettant la missive qui brisait ma vie le pauvre vieillard cherchait des mots capables de me consoler. ) On ne l’avait jamais chargé d’ une mission pareille au cours d’une existence qu’il avait passé en qua­ lité de membre du Conseil d’Etat. De mon côté, je n’avais jusqu’ alors accueilli aucune nouvelle a- vec un calme si profond, ^ t^ e tte nuit là je ne fermais pas les yeux au milieu des ruines qui m’entou­ raient. Elles cachaient des pro - fondeurs capables de provoquer l'effondrement de toute une vie...

• * *

Vingt quatre heures ne s’é

-taient pas encore écoulées, et déjà son bureau, sa bibliothèque, sa garde - robe étaient vidées et leur contenu empilé dans des caisses pour être envoyé chez sa tante.

Je m’était trompée en croyant que ce mauvais rêve avait pris fin sur ces entrefaites. Quinze jours ne s’étaient pas écoulés depuis la réception de ia lettre de répudia' tion que déjà des personnes sty - lées par mon mari venaient me harceler pour me convaincre de me réconcilier. Chaque jour un de nos parents venait m’assurer que mon mari m’aimait beaucoup qu il ne pourrait vivre sans moi, qu il me fallait lui pardonner cette faute puérile et qu’il n avait fait ce coup de tête que parcequ il en voulait à mon vieux parent.

Aux parents de mon mari je fis cette seule réponse :

— Ne revenez pas sur ce sujet, si vous m’aimez. Je ne veux pas être un hochet qu’un enfant in - conscient peut briser et jeter pour un caprice.

Feuilleton de “ La République ”

■Ml

place près de lui et après avoir pris pas m’en aller avant de s’être re- de mes nouvelles il me dit : mariée avec moi.

¡VINGT ANNEES EN

E U R O P E

p a r REBIA ÎEVFIH BASOhCU

Traduit u turc par MAZHAft KUNT

Qiiplmipc mms se

si. Délivré des insistances de mes proches, je menais enfin une exis­

tence calme auprès de ma mère. La première expérience que j ’avais faite dans la vie s’était avérée la­ mentable. Voilà tout.

Un jour on nous informe que la fille de la tante de mon mari a- vait donné naissance à une fille. J’ai déjà dit qu’une véritable sym­ pathie nous liait aux parents de mon mari. Quelques jours après a- voir reçu cette nouvelle je me ren

dis à Kiziltoprak, chez la tante de mon mari pour les félicitations Une des vieilles gens de la maison. Ruziye hanim m’accompagnait.

Le maître de cean Halil bey é- tait très riche, très conservateur, extrêmement courtois. Ceux qui al 1 aient chez lui ne pouvaient entrer avant que l ’eunuque Bilâlj\|ie le leur permit.

* * *

On m’accueillit avec une débordante. A usalon, Hall

— Mon enfant, je respectais beaucoup feu votre père. C’est pourquoi je vous considère un peu comme mon propre enfant. J’ai une grande prière à vous adres­ ser : votre mari est ici. Il veut ve­ nir vous demander pardon lui - même. Veuillez lui permettre...

Avant même que j ’eus le temps de faire une réponse, mon mari en trait dans le salon derrière sa tan­ te. Il vint vers moi et, sans rien dire se jeta à mes genoux pour me demander pardon.

J’étais dans le même état de cal­ me que lorsque j ’avais pris con - naissance de sa lettre de répudia­ tion et l ’àme vide des sentiments je regardais immobile son pauvre être pitoyable. Je voyais devant moi la faible victime de la mau­ vaise éducation donnée par le so­ ciété. Il répétait constamment qu’ il ne pourrait vivre sans moi, qu’ il ferait désormais toutes mes vo­ lontés, mais qu’il ne me laisserait

Pendant ce temps il y avait des allées et venues dans le salon, tan dis que Ruziye Hanim prenait le parti de mon mari pour me dire :

— Certes, tout ceci doit s’oublier Est - ce qu’on ruine sa maison pour des vétilles !

Je compris que j'étais seule dans cette immense villa. Et mon mari continuait :

— Tu voulais tant avoir une mai son, un foyer à part ! Nous irons dès demain chercher une maison pour l’acheter. Si tu veux on s’é­ tablira à Bebek. Tu aimes cette localitévrÊn~outre, on sera proche de ta mère...

Tout en disant ces mots, il lan­ çait une dépêche pour appeler à Kiziltoprak l'imam qui nous avait marié la première fois.

(5)

Y

Et pendant que remariés nous quittions le lendemain matin la villa de Halil bey, Bilâl aga qui nous ouvrait^ la porte nous dit

îôu _

j u n plus^long'séjour,

falgré certaines petites diver - gences, mon mari semble très sa­ tisfait de cette existence indépen­ dante jusqu’à ce qu’une année se fut écoulée depuis notre installa - tion dans la maison qu’il, avait a- chetée à Bebek. Il allait, venait, me baisait la main et me disait

— Comme tu es intelligente ! Tu avais toujours désiré avoir une maison à nous. Le vrai bonheur n est qu’à ce prix en effet !

Voici quel était le plus grand désir de mon mari : tout devait être parfait dans la maison lors - que venaient ses amis, mais il e- xigeait qu’on n’y sentit pas la pré­ sence d’une femme, sauf celle des servantes... J’essayais de le satis­ faire sur ce point. Lorsque mon mari arrivait fréquemment avec ses

amis, il trouvait tout préparé tan­ dis que je montais immédiatement m’enfermer chez moi pendant tou te une journée et parfois pendant de longues nuits,

Je m’ennuyais 'b e a u co u p dans cette solitude. Je passais mon temps à coudre, à exécuter des travaux manuels, à lire, et parfois lorsque mes sentiments débordaient, je fai sais des vers pour me lamenter de mon sort qui me montrait la vie de si loin.

De nouveaux nuages commen - cèrent à apparaître au cours de la deuxième année de la deuxième pe riode de notre vie conjugale.

Un des côtés étranges de mon mari consistait à croire qu il était atteint d’une maladie chr0I^ u?; Cette grave maladie le mettait mal à l’aise et l’abattait. H voulait pas m’adresser la paro.e pendant des semaines et allait sans cesse se promener. Il venait de plus en plus tard à la maison. Fi­ nalement il me dit un jour :

__ Un homme ne peut toujours pas aimer sa femme jusqu'à la fin

Feuilleton de “ La République ”

VINGT ANNEES EN

E U R O P E

p a r

REBIA T E V F IK B A S O K Ç ü

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

de sa vie !

Je commençais à pressentir que notre existence n’aurait pas une is­ sue heureuse Cette vie sans joie passée dans l ’isolement m’avait ré­ duite à un état squelettique. Le médecin me disait ouvertement :

__ Il doit y avoir un chagrin qui vous mine sournoisement. Si vous ne r é u s s ^ ^ ^ à ^ v o i ^ ^ d é j

Non, je ne voulais Pas devenir poitrinaire, mais des mois s’écou

-lèrent avant que je prisse une dé­ cision. Le printemps était venu.

Un jour je dis à mon mari que j ’irai à Prinkipo dans l’intention d’y passer l’été seule.

Deux semaines plus tard, tous mes meubles étaient transférés au yali de Rumelihisar tandis Que ceux de mon mari étaient expé - diés chez son la petite maison de Bebek était louée.

Une année après cet incident, ÿ achetais ma liberté à mon mari à

condition de lui abandonner tous mes droits matériels et moraux. Cette séparation arrivée à huit an­ nées d’intervalle fut le premier événement que je ne regrettais pas...

:1c *

Mais à quoi bon contempler ces souvenirs passés comme on le fe­ rait pour une pièce de théâtre, en regardant les eaux du Bosphore qui s’assombrissent de plus en plus en cet instant où j'ai décidé de me marier pour la seconde fois? Ne vaut - il pas mieux laisser la poussière là où elle se trouve plu­ tôt que de la déranger.

Quelques jours plus tard, ma mère allait rendre visite à la tan­ te de Nejat Nazmi ’pour la prier de communiquer que sa demande était agréée.

Après le départ de Nejat Nazmi en Suède, je reçus quelques lettres et cartes de lui. Ces cartes et ces lettres étaient rédigées dans un sty le tout à fait officiel. Quelques li­ gnes fort sèches qui dépeignaient brièvement le pays où il s’était

l

m m ^ A

rendu.

Je répondais dans le même sty­ le officiel. Le style de la corres - pondance que je reçus après que sa demande eut été agréée ne chan gea toujours pas. Il m’écrivait ce­ pendant me demandant de me ren­ dre le plus tôt possible à Paris où il irait dp son côté. Il déclarait vouloir me faire visiter Paris et ajoutait que sa cousine Nermin m’ attendait impatiemment.

Nous étions de très vieilles con­ naissances avec Nermin. Mais le départ de Nermin pour Paris, son mariage avec un étranger, les an - nées de guerre avaient interrompu nos relations.

Mes nerfs étaient extrêmement troublés par les conditions d’exis - ience et les événements quelque

temps après gnnwrrin

dont nous eûmes la plus grande épreuve pour notre part. Je souf­ frais d’une insomnie tenace. Le médecin trouva que l ’état de ma santé avait encore empiré et insis­

ta pour un changement. ( à suivre )

(6)

— c —

Je voulais beaucoup voir la France et Paris. Ce fut à la suite de cette insistance que j ’eus l’i -dée d’aller à Paris.

*

* sjs ,

Par une journée du mois de fé­ vrier 1921 je pris le bateau « Is- pahan » des Messageries, amarré aux quais de Galata. Lorsque je m’installais dans la. cabine étroite et un peu sale de ce vieux bateau j ’éprouvais le sentiment que ce vo­ yage était prématuré.

Il est vrai que les Turcs se pré­ paraient à réaliser bientôt de grands prodiges. Mustafa Kemal était oocupé à créer une or - ganisation sans précédent dans les plaines de l ’ Anatolie en ruines. La France avait reconnu le nouvel E- tat et Franklin - Bouillon envoyé à Ankara en qualité de représen­ tant. Mais l ’opinion publique mon­ diale croyait la Turquie morte. Personne ne pensait qu’elle réussi­ rait à s’arracher au*monstrefà sept lètes pour renaître à la vie.

On sentait à tout moment qu’une

atmosphère d’abattement soufflait fortement sur les rares voyageurs du bateau. Le nombre des passa­ gers de première classe était de douze. Il y avait parmi eux quel­ ques officiers français, un ou deux prêtres, la femme de l’u n #des of­ ficiers français, une jeune fille juive et moi - même. Je devins bien vite amie avec la française qui é- tait la femme de l’officier. Nos cabines étaient d’ailleurs conti - gués.

Le lendemain de notre départ d Istanbul, l’Ispahan jeta l ’ancre à Izmir vers le soir. Izmir se trou - vait alors sous l’occupation des Grecs. La ville semblait très bel­ le et très animées de loin avec ses lumières. Le temps était calme.

Tout en regardant les lumières scintillantes d’Izmir je songeais aux masses d’émigrants qui a - vaient fui à Istanbul. Ils avaient fui en abandonnant leur foyer, leurs biens à l’ennemi. Privés de tout abri, ils traînaient dans les cours des mosquées... Il y avait de milliers de Turcs que la_ souf­ france et la misère avaient

éprou-Feuilleton de “ La République ”

VINGT ANNEES EN

E U R O P E

par REBIA tEVFIK BASOKCÜ

Traduit du turc par MAZHAR

KU N T

vés, dont la faim avait émacié les les turques d’ailleurs ; mais lors- traits, des milliers d’enfants pieu- qu’on y entre on ne trouve que le rant de faim et de froid, blottis sur saleté, la misère et le dégoût, le sein de leurs m è r e s C e s paroles claquèrent conftne

La Française et la/Juive assise un fouet au moment où je me re- des deux côtés de ma chaise - Ion- présentais le spectacle déchirant gue sur le pont contemplaient le des enfants turcs aux visages pâ - même spectacle. lis et pleurant de faim. Je tournais

Un peu plus loin quelques offi- lentement la tête du côté de la ciers français parlaient à. vo ix ’hau- Française qui était près de moi: te. Soudain l’un d’eux étendant la — Madame dis - je, nous ai - main montra Izmir et dit : mons notre pays avec sa saleté et

__ Regardez cela, elle semble sa misère et nous luttons toujours belle de loin comme toutes les vil- pour lui. Nous nous battrons d’ail­

leurs jusqu’à ce que nous soyions ar rivés à nos fins. Quant à ce qui est du dégoût, un pays n’offre ja­ mais un aspect plus dégoûtant que lorsqu’il est envahi par l ’ennemi. Du reste ce n’est pas nous qui in­ vitons ces Messieurs. Pourquoi ne restent - ils donc dans leur pays civilisé et courent derrière nous en

eux

Qette fois, le fouet avait claque sur le visage de la pauvre fran - çaise. Après être demeuré encore quelques minutes près de moi, elle se leva lentement et alla se mêler au groupe d’officiers. Cinq ou dix minutes s’étaient à peine écou - lées. Un officier se détachant du groupe vint devant moi et s’incli­ nant me dit :

* — Madame, je vous demande pardon de vous avoir froissé bien involontairement d’ailleurs. J’i «■ gnorais que vous étiez turque. Au demeurant je parlais de générali­ tés. Je n’ai nullement l’intention d’insulter les Turcs.

Je le remerciais simplement pour ces excuses. Pendant les jours qui suivirent, la mission française ne

manqua pas de saisir les moindres occasions pour faire l’éloge des Turcs et dénigrer nos ennemis de l’époque. Je sentais parfaitement de la duplicité dans cela. Mais il n’y eut aucun autre incident jus­ qu’à Marseille.

11 était dit pourtant que la for­ tune ne me serait nullement fa­ vorable lors de mon premier voya­ ge dans cette France que j ’étais si curieuse de connaître. Le grand sac dans lequel se trouvaient mon argent et mes bijoux fut subtilisé avec une dextérité vraiment sur­ prenante lors du parcours de qua­ tre heures en train entre Marseil­ le et Nice.

Je me trouvais donc sans le sou le jour même où j ’avais posé le pied sur le sol de la France. Tous mes diamants s’étaient égale - ment envolés. Si je n’avais pas eu six ou sept cent francs dans la po­ che de mon paletot, je n’aurais même trouvé l'argent nécessaire pour payer le portefaix qui avait pris mes valises.

(7)

Ey> ■<&**Ut**%l* âL La femme de l'amiral français ■Tfrelrrrrm» qui j'avais connue à Is­ tanbul à l’occasion des affaires du Croissant - Rouge m’avait recom- n andé l ’Hôtel Negresco à Nice , pour me reposer.

L ’Hôtel Negresco était l’hôtel le plus luxueuex de Nice et mé - me de toute côte d’Azur fait à la mode à cette époque. Je n’avais aucune idée sur cette maison. Mais lorsque j ’en franchis l’entrée je dis que le luxe et le magnificen - ce qui le caractérisaient contras - taient étrangement avec les quel­ ques centaines de francs que j ’avais en poche.

Ce vol m’avait jeté dans le dé - sarroi. Je songeais à y passer la nuit bon gré mal gré et à partir im­ médiatement pour Paris où je dé­ poserais une plainte à la police. Le même jour je rencontrais dans la grande salle à manger de l’hôtel une princesse égyptienne qüe je connaissais. Elle me donna l ’adres­ se d’une de mes amies

Paris où je me rendis le lendemain même.

Mon amie, Mme A. était depuis quelques mois à l’Hôtel Loti, à Paris. Elle m’accueillit très aima­ blement :

— Je savais dit - elle, que vous alliez venir car la princesse S. m’ a téléphoné ce matin même de Ni­ ce. Je suis également au courant du vol dont vous avez été victi - me. Je pourrais vous prêter autant d’argent que vous voudrez. Vous me le rendrez à votre retour à Is­ tanbul.

J’acceptai son offre avec recon­ naissance.

La présence à Paris d’une amie que je connaissais si bien était un grand bonheur pour moi. Le lende­ main même je m’installais à l’hô­ tel Balzac, dans la rue donnant sur les Champs - Llysées toujours grâce à Mme A. Malheureusement, on ne trouva pas mon sac ni mes bijoux.

Nous faisions de belles promena­ des avec Mme A. Nous ne man - quions surtout pas de faire le tour

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VINGT ANNEES EN

E U R O P E

par REBIA TEVFIK BASOKCU

Traduit du turc par MAZHAR KUNT

des maisons de mode.

Mon amie r5valt~iïne~ grande for­ tune. Elle se faisait confection - ner des douzaines des robes chez les couturiers de Paris, ainsi qu’à ses filles du reste. Je notais men­ talement toutes les particularités de ces belles robes afin d’en con - fectionner de pareilles à mon re­ tour à Istanbul.

A mon retour à Istanbul au bout de deux mois par le vieux ba­ teau “ Tadla ” des Messageries Ma­

ritimes, une jeune femme aux yeux ” irillants qui se promenait sur le pont avec une cape de laine blan­ che sur les épaules retint mon at­ tention. Il y avait quinze années que je n’avais vue Nermin, mais je la reconnus immédiatement et je m’approchais d’elle sans hési - tation aucune :

N’êtes - vous paâ Nermin ha- nim, lui demandais - je ?

— Certes, et vous ?

— Rebia. Vous ne m’avez donc

pas reconnue ?

— Si, si, je vous reconnais ! Oh quel bonheur.. D’où venez - vous ?

— De Paris J’ai bien désiré vous voir, mais je n’y ai pas réus­ si. Mais quel hasard ! Vous allez donc à Istanbul ?

Nermin me répondit avec une grande joie:

-— Si, je vais à Istanbul. Il y a exactement 14 années que j ’ai quit­ té cette ville Je serais devenue malade si je n’avais pas réussi à y aller encore cette année.

Cette rencontre avec Nermin me réjouissait énormément après tant d’années de séparation. Je voulais savoir comment elle passait son existence. Est - ce qu’elle était heu reuse avec un mari étranger ?

Nermin me raconta toute sa vie depuis son départ d ’Istanbul. Mais elle ne me soufflait mot de la ques tion de bonheur avec son mari. Je ne fis pas preuve de curiosité .dans ce domaine.

Nermin était également au cou­ rant de ma vie. Notre existence se

passait fort bien dans ce vieux ba­ teau. Les passagers voulaient tous être avec nous. Le mois d’avril a- vait calmé la Méditerranée qui é- tait unie comme un miroir.Les ga­ zouillis des oiseaux autour du ba­ teau nous donnait un avant - goût du printemps.

Parmi les voyageurs, il y avait Osman bey, un jeune notable de Java venant de Paris.

Osman bey avait fait ses .études à Istanbul à l'école /des sciences politiques. Je reconnus dans une de photos de classe qu’il me montra mon grand frère Refet. Il paraît justement qu’Osman était fie car marade préféré de mon frère.

Lorsqu’il sut cela, fOsman bey ne nous quitta plus en bateau. Il nous raconta toute sa vie depuis l’aventure douloureuse qui lui é- tait arrivée à Monte - Carlo. A- yant joué il avait perdu une centai ne de milHmt de livres turques.

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—-La sueur lui venait au front lorsqu’il se demandait comment il annoncerait sa faute à son père, à Istanbul.

L’exportation de thé et de coton est très florissante dans cette co­ lonie hollandaise. Les aieux d’ Osman bey possédaient une grande partie des territoires de ces îles , mais son père ne voulut pas habi­ ter ces îles éloignées dé l’Océan Indien. Il prépéra passer son exis­ tence dans les divers pays d’Euro­ pe. Son frère se maria même avec la fille d’un ancien ministre unio­ niste à Istanbul, mais ce mariage finit par un divorce.

Voici ce que disait Osman bey en parlant du thé et de coton de son pays.

— Je voudrais vous envoyer quelques paquets de thé de mon pays à Istanbul Je serais très heu­ reux si vous vouliez bien les ac­ cepter. La soeur de mon camarade de classe Réfet est aussi la mien­ ne. Si je réussis à régler au mieux cette affaire d’argent avec mon père, je viendrais un jour vous rendre visite. J’aimerais bien re

-voir Réfet.

Osman bey avait un sens poéti­ que profond. On le voyait toujours avec un carnet plein de vers où il consignait le fruit de ses inspira - tions. Il nous lisait les vers qu’il faisait chaque matin, sur le pont du bateau, avant le déjeuner. Et Nermin, qui trouvait dans tout un prétexte pour rire, me disait:

— Ma parole, j ’ai bien peur. Je crois que dès qu’il aura réglé la question financière avec son père, ce jeune homme demandera ta main ... Que ferons-nous dans ce cas ?

Les manières naives du pauvre Osman bey nous étaient un sujet de plansanterie pendant des heu­ res.

En nous rapprochant d’Istan - bul, Nermin se mit à parler fré­ quemment de son cousin Nejat Nazmi . Elle disait que c’était un jeune homme sans pareil ayant une très haute cultre .

Lorsque le bateau accosta aux quais de Galata,Nermin me présen­ ta Nejat Nazmi, parmi ceux qui étaient venus nous accueillir. C’é­ tait un homme distingué, de hau­

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te taille, plutôt blond.

Je me séparais de Nermin à Ga­ lata; nous nous promîmes de nous revoir fréquemment. Nermin se rendit à Şişli avec ses parents , tandis que j ’allais chez moi, à Ru­

meli Hisar, ¿(-o* .

Ce voyage de deux mois m’avait fait un grand bien. Je dormais bien et mes couleurs étaient revenues. d/UgGrand’mère et maman étaient bien contentes de me voir en bon­ ne santé.

Pourtant, malgré cela, je trou­ vais ma mère un peu déprimée .

Je ne tardais pas à en apprendre la raison. Quelques jours après mon arrivée à Istanbul, elle me dit:

— Rebia, il y a une foule de ra­ contars sur ton compte. Le vol de ton grand ? sac-à-mains dans le* train de Nice a provoqué ici d’o­ dieux racontars. Il aurait mieux valu que tu ne fit pas ce voyage.

—Certes, dis-je, d’ailleurs,il n’é ­ tait pas très juste d’aller à l’étran­ ger avant la fin de la guerre en A- natolie. Mais je ne suis pas la seu­ le victime de vols d’argents ou de

0ij ju x commis dans les trains ou les hôtels de Nice ... Quatre cas de ce genre se sont produits au cours de la dernière semaine,

— Pourquoi tous ces vols ? — C’est bien simple... La po­ pulation du monde entier en a assez de la guerre qui a duré pen­ dant des années. C’est pourquoi tous ceux qui en ont les moyens se rendent à Nice et nombreux sont parmi eux les gens qui ont de grandes sommes d’argent et de diamants dans leur sac... Les voleurs internationaux au courant de ces habitudes ont monté une organisation qui a partout des ra­ mifications . Les portes de l ’hôtel «Negresco» sont doubles ainsi que les clefs. En outrer-, il est impossi­ ble d’entrer par les fenêtres. Pour tant malgré toutes ces précautions des voleurs ont pénétré, il y a quinze jours dans la chambre d’ une Anglaise qui déjeunait en bas, ils ont volé ses diamants et ses perles qui valaient des millions et ont pris la fuite après avoir soi - gneusement fermé les portes.

La police n’est pas encore arri - vée à les dépister. Le vol de

vali-les se produit journellement dans les trains. M... bey, le fils de K ... pa|à n’a-t-il pas eu le même sort, il y a six mois à Nice.Puis-je vous demander quels sont ceux qui se livrent à des commérages sur mon compte?

— L ’autre jour, j ’ai vu dans le tram de Bébek la femme de feu 4» pacha. C’est elle qui m’a d it 1 ces choses. Mais tu sais que H. ha- nem est une femme très distin -( guée, elle n’est pas capable d’in - venter des choses pareilles. Lors­ que je lui demandais qui lui avait raconté ces commérages, elle me répondit que c’était Nusret bey.

— Oh, alors, c’est bien simple

Nusret bey doit être très formalisé f de ce que je n’ai pas accepté l’hon

neur qu’il voulait me faire en me demandant ma main dans le seul intention de troùver quelqu’un pour lui préparer son appéritif le soir.

— Oui, il est très fâché paraît-il. Tu lui aurais envoyé une lettre pour lui dire non. Eh bien, il dit toutes sortes de choses sur ton compte à qui veut l ’entendre, en s'aidant de cette lettre.

( à suivre 1 «

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— 9 —

— Eh bien, je le regrette beau­ coup dans ce cas. Mais ces regrets ne concernent ni la lettre qûe j ’ai envoyée ni les propos odieux qui circulent. Ils s’adressent directe - ment à la personne de Nusret bey.

Lorsque H. hanim nous avait pré senté Nusret bey en qualité de prétendant, cet homme m’avait donné sa parole d’honneur que je trouverais en lui un frère, mènae si sa demande n’était pas agréée.

— Est - ce que tu aurais écrit dans la lettre envoyée à Nusret bey quelque chose capable de frois ser son amour - propre ?

— Jamais de la vie. De quel droit le ferai - je d’ailleurs ? J’a­ vais prétexté le mauvais état de ma santé pour refuser sa deman­ de.

— Alors, qu’est - ce que cela veut dire ?

— Cela veut tout simplement di re que Nusret bey ne respecte pas la parole donnée. Un homme qui dit des mensonges et se livre à la calomnie comme ces commères n’

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est pas digne de considération. U ne peut en aucun cas être un bon mari. J’ai senti d’ailleurs la mes­ quinerie de son âme et c est poui- quoi je refusé sa demande.

Quelques jours plus tard, ces odieux racontars retombaient, pour se perdre dans la mare d’où ils étaient sortis.

* * *

On se voyait presque chaque jour avec Nermin. Nous visitions les musées et les mosquées .et nous ne négligions pas d’aller voir les Janissaires, les bibliothèques et les curiosités de la ville.

Nermin était une femme très in­ telligente et cultivée. Elle aimait beaucoup lire et ne perdai aucune occasion de développer ses con naissances.Elle nous avait ensorce­ lé tous avec sa verve et sa bonne humeur. Ella me témoignait d’une grande amitié. De mon côté, je 1 aimais comme ma soeur.

Un jour mon aîné Refet étam venu nous voir, il nous montra une lettre :

— C’est d’Osman me dit - il- 11 enverra demain les paquets de

thé qu’il vous avait promis au ba­ teau et demande à venir lui - mê­ me. Il paraît qu’il est dans une situation extrêmement difficile et demande pardon dé n’avoir pu ve­ nir nous voir.

Nermin était en visite chez nous pendant que mon frère li­ sait la lettre. Cette lettre et l’his­ toire du thé la firent rire pendan des heures. Elle s en alla après a- voir déclaré qu’elle reviendrait le lendemain pour prendre de thé de Java.

Lorsque le lendemain Nermin vint, le thé m’avait toujours pas été envoyé. Mais un valet d’Os­ man bey ne tarda pas à venir par un bateau arrivant d’Istanbul. Il avait avec lui un portefaix portant un énorme ballot.

Nous nous attendions tous à quelques paquets de thé. Aussi nous étions loin de deviner ce qu’ il pouvait y avoir dans le ballot Nermin disait :

— Osman bey a sûrement dû vouloir nous envoyer un éehan

-tillon de tous les produits de Ja­ va. Et elle éclatait de rire.

Finalement on ouvrit le grand ballot en notre présence. Que vî­ mes - nous ? Exactement 90 pa­ quets de thé d’un demi - kilo cha­ cun. Il y avait 45 kilos de thé dans le colis !

Osman bey nous avait envoyé quelques paquets de toutes les va­ riétés de thé croissant dans les îles de l’océan indien, en Chine ut aux Indes '

Ces 90 paquets de thé avaient formé un grand tas sur les tapis et la chambre ressemblait à une boutique. Cette fois c’était non seu lement Nermin mais tout le mon­ de qui éclatait de rire.

Refet disait :

— Allons, qu’on allume le sa­ movar. Nous allons goûter de tous ces thés.

Et Nermin d’ajouter :

— Je vous en prie, n’ouvrons pas ces paquets. Vendons-les plu­ tôt, nous réglerons ainsi les det - tes de jeu qu’Osman bey a fait à Monte - Carlo.

On riait aux larmes !

Cette histoire nous amusa pen­ dant des semaines. On avait fait cadeau de quelques paquets à tous les visiteurs de sorte qu’au bout de quelques semaines il ne res tait rien de thé que le pauvre Os­ man bey avait mis tans de soin à nous envoyer. Les uns trouvaient le thé trop parfumé tandis que les autres estimaient qlu’ils étaient trop riches en tannin.

Refet disait de son côté : — Je crois que tout ce thé fini­ ra par «*HiC coûter cher car il fau­ dra envoyer un beau cadeau à Os­ man.

Nous nous »étions bien prome/- nés et amusés au cours des deux mois que Nermin avait passé à Is­ tanbul. La plupart de temps c’é­ tait Nejat Nazim ou encore Refet qui nous accompagnaient.

Le départ de Nermin pour Pa­ ris me fit l’effet d’un grand vi - de.

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Au moment de prendre le train à la gare de Sirkeci, elle me sauta au cou et me dit :

— Ma chérie je te prie beaucoup de révenir à Paris. Cette fois tu ne t’ennuieras pas du tout. Nous a- vons beaucoup d'amis. On passera agréablement le temps.

— Je te promets de revenir à Paris aussitôt que la guerre de 1' Indépendance sera gagnée, lui

dis-je- *

* * ,

Bien des mois se sont écoules depuis le retour de Nermin à Pa - ris. Pourtant je rrai pas même re­ çu une carte d’elle. Cela n’est pas dû à son inconstance, mais peut - être aux soucis que lui donnent ses enfants, sa maison... Au cours de ces mois Nejat Nazmi nous a- vait rendu visite une première fois pendant les fêtes et une autre fois avant son départ pour Stockholm où il venait d’être nommée pre - mier secrétaire.

Ayant dit “ oui ” je me prépa

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KU N T

rais à mon nouveau voyage. Les

robes formaient le principal pro - blême dans ces préparatifs. Heu - reusement que j ’avais été à Paris déjà au printemps et que nous a- vions vu les collections de robes des grandes maisons. J’avais gardé, gravé dans ma mémoire le dessin des belles robes.

A vrai dire, j ’ai un faible pour les belles robes, comme toutes les femmes du reste. Il faut absolu - ment qu’elles soient faites d’après mon type et soient sans défaut. Lorsqu’il y a dix ans, je me ma - riais, ce fut la fameuse couturière grecque Iphygénie qui avait prépa ré mon trousseau. Quelque semai­ nes après mon mariage, je ne pou­ vais m’habituer à ces robes plei­ nes de dentelles et de lourdes gar­ nitures. Les défaisant toutes, je les transformais pour leur donner un caractère de plus simples. Ma mère m’avait tancé vertement pour avoir jeté tout cet argent, par la fenêtre.

Jusqu’à mon mariage je n’avais même pas le droit de choisir ma*

robes. Je devais accepter le modè­ le choisi par ma mère. Maman é- tant très autoritaire, elle voulait que ma soeur et moi soyions bien mises. Elle faisait même venir des robes de Paris pendant mon enfan­ ce, mais c’était toujours à elle qu’ appartenait le choix.

Une seule fois j e me rebellais contre ma mèi(e pour cette ques­ tions de robe. Je n’avais que qua­ torze ans alors. Une parente éloi­

gné se mariait. Ma mère m’avait commandé pour ce mariage une ro be couleur abricot. Mais cette cou­ leur ne me plut pas. Craignant de fâcher ma mère, je ne pouvais pas soulever des objections. Mais je sentais que je ne pouvais pas por­ ter cette robe au mariage. J’étais pensive, car j'avais vu dans les journaux de modes arrivés quel - ques jours plus tôt de Paris une robe d’organdi blanc très élégante.

Je gardais cette revue et de temps à autre je le contemplais avec en­ vie.

J’avais prié ma mère de me fai­ re confectionner cette robe d’organ di alors qu’elle commandait la ro­ be abricot, malheureusement elle n’agréa pas ma demande.

La date du mariage approchait ; la robe blanche me donnait des insomnies. Finalement, je décidais de m’adresser un jour àjgrand’mô- re qui m’aimait beaucoup et que je chérissais bien.

Un matin j ’entrais tout douce - ment dans sa chambrée, et, après lui avoir baisé les mains qu’elle avait toujours blanches et belles, je lui confiais ma grande peiiî^f1 Grand’ mère devait mon alliée dès le pre­ mier mots : ,.*«* ■»

— Chère grand’mà— lui dis*- je je vais coudre moi - même cette robe si on m’ achète l’étoffe.

— C’est bien chérie, disait - el­ le. Nous irons ensemble à' Beyoglu et achèverons tout ce qu’il fau­ dra. Tu coudras ta robe comme tu le voudras.

— Mais que dira ensuite ma - raan ?

— Je réglerai la chose lorsque tout sera terminé.^^^i^-n-A«« oÆ giu 1

— Ah grand'jMpe que vous ête3^*- bonne !

— Mais tu ne me demandes pa3 quelque chose de m al/Car autre - ment, je sais que tu ne m’aurais pas rebutée.

Nous achetâmes, ce jour - là de l’organdi à Beyoglu, ainsi que du taffetas rose très clair pour porter en dessous. Sur la bordure de la robe il y avait un volant rempli de plis fins. Toutes les coutures é - taient faites avec de fines valen - ciennes et il y avait sur le volant des motifs ronds en Valenciennes nlus grosses avec des rubans de va geur. Lorsque le soir nous rentrâ­ mes à la maison je me croÿais la jeune fille la plus heureuse du monde, car j ’avais choisi moi - mê-me ma robe et j ’allais porter une robe que j ’aimais.

( à suivre )

Referanslar

Benzer Belgeler

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