• Sonuç bulunamadı

LA QUESTION MACÉDONIENNE

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Share "LA QUESTION MACÉDONIENNE"

Copied!
4
0
0

Yükleniyor.... (view fulltext now)

Tam metin

(1)

Quatrième année. — ¡V" 72.

SUPPLEMENT

FRANÇAIS

15 Février 1899.

RÉD AC TIO N

48, Rue Monge, 48 PARIS

PARAISSANT 2 FOIS PAR MOIS

Prix du Numéro

, . 10 C E N T I M E S

Organe de la Jeune Turquie

Pu blié sous la Direction de Ahmed RIZA

«

Ordre et Progrès

»

LA QUESTION MACÉDONIENNE

11 faut qu’il y ait toujours une agitation sur un point quel­ conque de l Empire : c’est là le vœu du Sultan et des puis­ sances européennes. Il est à noter, cependant, qu’on évite de provoquer plusieurs agitations à la fois, parce qu’un tel luxe précipiterait la chute de l’Empire et du même coup interromprait les jouissances d’Abdul-Hamid, en abrégeant ses jours précieux.

L a Russie, qui a besoin de gagner du temps pour se for­ tifier en Asie, ne se hâte pas de consommer la ruine com­ plète de la Turquie ; l’Angleterre, elle aussi, temporise pour consolider sa situation en Afrique : du reste, la décadence de la Turquie l’inquiète peu depuis qu’elleapris pied sur le sol des Pharaons. Tant qu’on s’abstiendra d’agiter à ses yeux l ’épouvantail de l’évacuation de l’Egypte, elle laissera tran­ quilles les continents. Si parfois elle s’immisce dans les agi­ tations, ou les tolère, c’est pour déplacer l ’attention du suze­ rain de l’E gvpte et celle des autres puissances ses rivales. De son côté, le Sultan désire également la fomentation de troubles dans ses Etats, ces troubles divisant et affaiblissant les peuples dont il redoute l’entente et la pactisation, et lui permettant de maintenir le pays en un constant état de siège et de reculer ainsi indéfiniment l’application de ces malheu­ reuses réformes dont l’énoncé seul le fait frémir.

A peine les affaires de Crète ont-elles été résolues que la question macédonienne prend corps. Mais ici les agitateurs se heurtent à des complications sans nombre. L ’antagonisme n’est plus entre chrétiens et musulmans, comme c’était le cas en C rète : les trois vilayets — Monastir, Kossova et Salonique — qui forment ce qu’on appelle la Macédoine, sont habités par des Grecs, des Bulgares, des Serbes, des Albanais et autres sujets ottomans qui se détestent entre eux, depuis surtout qu’on s’emploie à faire de cette région un camp d’Agramant perfectionné. Néanmoins l’accord est unanime sur un point : ils aspirent tous au droit de vivre tranquilles.

Nous connaissons les divers programmes de ceux qui se groupent autour du drapeau autonome : leurs revendica­ tions nous semblent légitimes. Ils voient autour d’eux les immenses progrès réalisés depuis vingt ans ; ils ne veulent pas, avec raison, certes, rester en arrière et supporter la tyrannie d un fou. Jusque-là, nous les approuvons. Mais nous ne nous entendons plus sur un point de principe : nous n admettons pas 1 autonomie, qui est une sorte de morcelle­ ment de l’empire Ottoman. C ’est ce même principe qui dresse une barrière entre nous et les comités arméniens. ^.°u.s ré.cIamons pour toute la Turquie, sans établir aucune distinction de nationalité, ce que ces comités, macédoniens ou arméniens, ne veulent que pour une sphère déterminée. A h ! si les Arméniens, les Crétois, les Arabes, les Albanais,

es Turcs, les Grecs Ottomans, unissaient leurs efforts contre 1 ennemi commun, en demandant des réformes géné­ rales, nous serions depuis longtemps débarrassés du régime qui nous écrase.

Mais la plupart de ces comités ne sont pas les repré sentants reconnus de leurs co-nationaux ; ils sont souvent 1 organe nous dirons mieux — l'instrument de quelques ambitieux qui, dans l ’unique but de se créer une position lucrative, ne reculent devant aucun acte criminel, d’autant plus que tous les risques sont encourus par les naïfs qu’ils exploitent.

L autonomie, telle que la conçoivent ces comités, nous paraît irréalisable. L élément hellène et roumain est mani­ festement hostile aux Bulgares ; les Albanais, encore que divisés entre eux, ne peuvent souffrir l’expansion des Serbes et des Monténégrins. Des éléments si disparates ne peu\ent, il est facile de le comprendre, aboutir à une auto­ nomie : ils constitueraient plutôt un champ de carnage, qui litrerait à une puissance voisine ou même à un prince etranger le pays qu’ils désirent retenir le plus dans les ïieus

de l ’unité nationale.

Lne dépêche de Saint-Pétersbourg assurait la Sublime Porte que la Russie n’encouragerait pas l’agitation macédo­ nienne ; cette assurance n’a probablement été mise en circu­ lation que pour empêcher le gouvernement ottoman de concentrer des forces sur la frontière bulgare.

Les précautions prises par ce dernier sont certainement louables, mais ces mesures préventives ne sont pas, comme nous n’avons cessé de le répéter, des remèdes ; il nous faut des réformes — absolument — pour résoudre logiquement et humainement une question qui, sans cela, restera éternelle, ou ne sera réglée que par un nouveau déchirement de l’Empire.

Ah m e d Ri z a.

-L E C E R V E A U A C O N S T A N T I N O P -L E

A l’époque de l’épouvantable meurtre de l’impératrice d’Autriche, le Jo u rn a l s’étonnait que les feuilles de Constan­ tinople aient consacré des colonnes entières à cette mort tra­ gique sans mentionner une seule fois les circonstances dans lesquelles elle était survenue.

Que l’étonnement du Jo u rn a l nous paraît enfantin, à nous qui pendant des années avons exercé le journalisme à Cons­ tantinople et qui avons subi toutes les phénoménales excentricités de la censure hamidienne ! Que dirait donc notre confrère parisien s’il était au courant des autres pra­ tiques de Hamid en matière de presse et en général d’éduca­ tion intellectuelle ?

(2)

2 MECHVERET (supplémentfrançais)

listes, mais on étend ce régime d ’étranglement à toutes les professions où il entre du papier,de l'encre et des caractères d’imprimerie; à tous les corps enseignants ; à toutes les ins­ titutions scolaires ; à tout ce qui est lèvres, à tout ce qui est voix — à tout ce qui est cerveau. Dans les écoles, les pro­ grammes sont réduits, p arles soins du gouvernement impé­ rial, à ce lamentable état de soupe qu'avalent les grigous sordides et qui de la soupe n’a que l’eau bouillante.

Bannie l’histoire ancienne ; bannie l’histoire contempo­ raine ; bannie l’ethnographie impartiale ; bannie la philoso­ phie rationnelle ; banni J.-J.-Rousseau ; banni Voltaire ; banni Pascal ; banni Corneille !...

L ’enseignement religieux lui-même subit des épurations dont Mahomet se fût scandalisé mais auxquelles le .Sultan tient pour couvrir l’illégalité de ses actes en tant que Calife. Sa folle tyrannie ne frappe pas seulement le corps de ses sujets : elle broie leur cerveau, elle assassine leur intelli­ gence.

Silence dans les journaux, silence dans les esprits, silence dans les âmes. Les ténèbres partout, dans tout.

L a chauve-souris de Yildiz est chez elle, ainsi.

Les savants, les littérateurs, les penseurs ottomans ne peuvent plus rien produire ; la honte et la rage s ’emparent d’eux; bientôt, en cette mortelle impuissance, leur cerveau s’atrophie. Le Maître les a tués. Les rares survivants se secouent, quittent leur patrie, s’exilent en des pays hospita­ liers. L ’émigration des masses jointe à l’émigration de l’in­ telligence fait vide la Turquie : vide de force matérielle et vide de force d’idée.

Et le Souverain respire.

Jusqu’au Canada, l’exode se développe ; trente mille Syriens s’y sont établis, transfuges de l’Empire ottoman. Amérique, France, Italie, Angleterre, Suisse, Belgique, Grèce, Bulgarie, Egypte (l’Egpte d’Angleterre)... les dé­ goûtés, les écœurés, les partants de Turquie s’y réfugient ; et, naturellement, leur amour du sol natal s’atténue, fond insensiblement dans l’ambiance des êtres et des’ choses de leur pays d’adoption. Beaucoup de ces Ottomans font peau neuve.

E t le Sultan jubile.

Moins de population chez lui, moins de risques pour sa conservation. Qu'importe le dépérissement du pays, faute de l’élément vital absent ? Mais le Sultan a résolu ce problème qui, de prime abord,paraît insoluble : entretenir un quinquet sans huile, un quinquet dont il est la mèche paradoxale.

Est-ce tout ? A cette moelle dont la 'l urquie est privée, amoindrie par la disparition de l’Intelligence, par quoi sup- plée-t on ? Par l’esprit mercantile, le rossignolisme, les exploitations véreuses, les combinaisons puantes dont l’étranger — une catégorie d’étrangers — a inauguré l’ère dans ce pauvre et beau pays où, grâce à cet envahissement cupide, d’honnêtes et laborieux artisans, industriels, com­ merçants indigènes restent le... les reins par terre entre deux selles.

Le Sultan exulte.

En livrant le pays à l’étranger et en lui accordant les ri­ chesses du sol, il achète la reconnaissance des souverains dont ces exotiques sont les sujets : nouvelle garantie de sécurité pour sa personne et son trône ! . .

Voilà les quelques détails psychologiques, entre mille autres, dont serait plus surpris le Jo îirn a l — s’il les avait connus — que d’une simple mesure censoriale que les jou r­ nalistes de là-bas acceptent comme des petits-fours en re­

gard des sévérités autrement révoltantes dont ils sont quoti­ diennement les victimes. J ’en eusse fait la nomenclature. A quoi bon ? 11 ne me croirait pas.

P. Anméghian.

---—

---LES “ SEDAN PACIFIQUES ”

D ’A B D U L - H A M I D II

Dès le commencement de ce siècle — qui certainement va finir par une série de réformes sérieuses — les Turcs avaient entrepris la noble tâche de transformer leur despo­ tisme asiatique en un Etat moderne, gouverné par les lois. Leurs efforts ont abouti, en 1876, à la Constitution de Midhat pacha qui accordait au peuple tous les droits civiques que les doctrines politiques de nos jours déclarent indis­ pensables à une nation civilisée. Déjà l’esprit de progrès turc, aux temps de la guerre de Crimée, était si avancé que lord Palmerston a pu, sous le pavillon officiel du premier ministre anglais, déclarer du haut de la tribune — en vue de convaincre ses compatriotes et les Français, leur alliés, que les puissances occidentales accomplissaient une œuvre conforme à la civilisation en défendant les Turcs contre les Russes — qu’au XIXe siècle ces. mêmes Turcs avaient rela­ tivement réalisé plus de progrès que n’importe quel autre peuple.

Eh bien ! dès que Hamid est devenu le maître des desti­ nées de l’empire, il a donné libre carrière à ses penchants anarchiques ; dès 1885 la Constitution fut abrogée, tous les partisans de réformes ont été bannis, jetés dans les cachots ou empoisonnés ; le respect de la vie et des biens des habi­ tants sans distinction, jusque-là scrupuleusement observé, a fait place aux confiscations, aux brutalités, aux tueries accomplies d’ordre du souverain. De ses perpétuelles ter­ reurs est né ce régime de la Terreur qui écrase et abrutit la population. De là ces milliers d’espions entretenus par Abdul-Hamid, lesquels, pour se rendre nécessaires, inven­ tent tous les jours de ces complots fictifs qui font blêmir le lâche despote et de la durée desquels dépendent la conser­ vation et la jouissance des lucratives sinécures où s’engrais­ sent ces infâmes mouchards. De là l’esclavage du peuple. De là les massacres et les boucheries d’innocentes victi­ mes...

Les événements qui ont précédé et suivi l’avènement d’Abdul-Hamid lui ont appris que les Turcs qui, en temps de paix, supportent tout avec une parfaite résignation, changent de caractère dès qu’éclate la guerre ou même dès que le gouvernement commence ses préparatifs dans ce but. Et ce brusque revirement se remarque aussi bien dans le peuple que dans l’armée. Alors les Sultans du genre de l’actuel passent un mauvais quart d’heure... En effet, on n’a déposé Abdul-Aziz, dont les idées devenaient par trop fan­ taisistes après la mort du grand-vizir Aali pacha, que lorsque les hommes d’Etat sè furent convaincus que la guerre avec la Russie était devenue inévitable.C’est aussi sous l’influence de la guerre d’Orient que notre vaillant confrère Ali Suavi, publiciste,à la tète d’une poignée de patriotes,a essayé,mal­ heureusement sans succès, de chasser du trône Abdul-Hamid, de ce trône qu’il occupe aussi illégalement qu’indignement. Le Sultan savait — et nous le savions tous à Constantino­ ple — que si les événements avaient permis à Suléiman pacha de rentrer dans la capitale avec quelques bataillons, il aurait

(3)

3 MECHVERET (Supplément français)

infailliblement jeté bas Abdul-Hamid qui, par ses sottes ingérences — sottes en même temps qu’intentionnelles — dans les combinaisons stratégiques, a toujours provoqué le désastre des armes turques : la victoire des Russes n’a pas d’autre cause.

Le Padichah actuel est — et c’est là le comble — jaloux et envieux. 11 avait peur que le général auquel serait confiée la tâche de conduire les troupes en Roumélie-Orientale ne remplît avec éclat sa mission et n’acquît de la popularité dans l’armée et dans le pays. Il ne permet à quiconque d’avoir non-seulement de la gloire mais même un nom respecté.

Toutes ces considérations avaient eu leur part d iniluence sur la résolution du Sultan. Mais voici ce qui a primé tout : quinze mille soldats gardent au palais de Yildiz sa personne sacrée. A l’époque où éclata la révolution de Phillippopoli, le ministère de la guerre n’avait pas sous la main d’autres troupes disponibles. Si la garnison d’Andrinople avait été envoyée à Philippopoli, la garde de Yildiz, ou une partie de celle-ci, devait nécessairement devait se rendre à Andri- nople pour servir d’arrière-garde aux troupes d’opération. Le Sultan ne put se fier à son peuple et se séparer de sa garde, qu’il a — notons-le en passant — par un traitement particulier, désunie moralement de l’armée nationale et transformée en un corps de prétoriens. 11 sacrifia 1 intégrité de l’empire à sa.sûreté personnelle qui d ailleurs ne coûtait aucun danger réel, et s’abstint d’intervenir. Depuis ce temps- là, la Turquie est devenue l’objet des convoitises non seule­ ment d’empires puissants, mais même de peuples les plus faibles, les plus chétifs. Quant au monde civilisé, il fait des vœux pour la réussite de ces tendances agressives... et pour

ca u se ! Mo h a m m e d.

LETTRE DE CONSTANTINOPLE

Constantinople, le 7 février 189g.

Les amis du M echveret ont remarqué l’article de tète de son numéro du C janvier et ils craignent fort que les prévi­ sions qui y sont exprimées ne se justifient. Nous ne pou­ vons, en Turquie, apprécier encore la conduite politique de M. Delcassé, mais nous éprouvons une crainte instinctive qu’il ne soit comme une doublure de M. Hanotaux. 11 débute, en ce qui concerne la Turquie, en adoptant la même attitude de respectueuse sympathie pour le Sultan que professait son prédécesseur, et Abdul-Hamid lui réserve des événe­ ments qui ne le céderont guère aux massacres arméniens sur lesquels M. Hanotaux s’empressait de jeter le voile d’e x­ cuses aussi embarrassées que peu concluantes, mais que la Chambre finissait toujours par accepter.

Seulement, les amis de la France voudraient que, pour l’honneur d’icelle, M. Delcassé s’arrangeât de façon à empê­ cher Abdul-Hamid de faire répandre sur son compte des bruits aussi calomnieux que ceux qu’il a fait discrètement passer sur le compte de M. Hanotaux.

Le Sultan avait, en effet, chargé certains membres de son entourage de dire confidentiellement, mais à beaucoup de gens, qu’il avait assez facilement décidé M. Hanotaux a accepter nne somme de trente mille livres turques, ce qui équivaut à sept cent mille francs, pour se faire de lui un bon défenseur. Certains chambellans, parmi lesquels Raghib Bey — en passe de devenir célèbre depuis le dernier assassinat dont je vous ai parlé — certains chambellans donc allaient jusqu’à préciser les dates auxquelles cette somme aurait, en deux envois, été expédiée a 1 ambassa­

deur Munir Bey, pour être remise au ministre des Affaires étrangères.

Pour ma part, je ne suppose pas M. Hanotaux capable d’une pareille vilenie, mais d ’autres... Il y a des gens si méchants, vous savez !

Il faut espérer que M. Delcassé pourra éviter le renouvel­ lement de pareilles calomnies en ce qui le concerne.

Vous étonneriez-vous du soin apporté par le Sultan à faire savoir des choses qu’on a l’habitude de cacher ? Alors, vous ne connaissez pas Abdul-Hamid. Il veut que ces secrets- là soient répandus :

i° Parce qu'il s’imagine qu’en compromettant l’homme qu’il gagne, il l’empêche de se détacher de lui, plus tard.

20 Parce qu’il aime faire répéter autour de lui que per­ sonne ne lui résiste, pas même les hommes d’Etat des plus grandes Puissances.

Quant à M. Constans, précédé ici de la réputation d’un homme très habile, alliant une patience remarquable à une grande énergie, il n’a malheureusement, jusqu’ici, pu témoi­ gner que de sa patience.

Venu à Constantinople depuis dix-huit jours et ayant fait immédiatement prévenir le Sultan qu il désirait beau­ coup remettre très promptement ses lettres de créance pour retourner ensuite à Paris y prendre l ’ambassadrice, il attend encore l’audience solennelle au cours de laquelle il doit pré­ senter lesdites lettres.

D’aucuns prétendent qu’il a été nuitamment reçu par Hamid en audience secrète. L a colonie française, dans laquelle ce bruit a couru, n’est nullement flattée que son ambassadeur ait pu être reçu dans les mêmes conditions qu’un agent secret. Mais ce n’est là qu’une rumeur.

Pourquoi la Russie, qui entretient maintenant des rela­ tions si intimes avec le Sultan, ne l'engage-t-elle pas à faire plus d’honneur au représentant de l’alliée de l'empereur Nicolas?

Probablement parce qu’elle veut que le nouvel ambassa­ deur de France l’implore, ce qu’il n’a pas voulu faire encore, paraît-il.

J ’ajouterai que le lundi 30 janvier, Sa très gracieuse Ma­ jesté a fait prévenir M. Constans qu’Elle ne pourrait encore le recevoir de quelques jours, très éprouvée qu’Elle était par un rhume attrapé le vendredi précédent quand elle revenait de Stamboul après y avoir fait ses dévotions devant le Herka- i-Schérif.

S ’agissait-il, en réalité, de rhume, ou de peur?

Le fait est que, ledit jour, un élève de l’Ecole militaire a, au moment où passait le cortège, traversé la ligne des sol­ dats et a pu monter sur le marchepied de la voiture du Sultan; il a été à demi assommé sur place.

Ligoté immédiatement et transporté à Yildiz, il a encore été roué de coups ; on s’est enfin décidé à l ’interroger et il a déclaré avoir seulement voulu présenter au Sultan une sup­ plique pour l’intéresser au sort de ses père et mère, mou­ rant de faim au pays (Crète). On a bien trouvé la supplique sur lui, mais aucune arme.

Le Sultan n’en a pas moins eu une peur épouvantable, ayant cru qu’on allait l’assassiner. 11 était assez remis pour aller à la mosquée le vendredi 4, et M. Constans attend toujours. (1)

(t) ()n sait que depuis lors le représentant de la République fran­ çaise a été reçu par le Sultan.

(4)

4 MECHVERET (Supplément français)

LA MALADIE DU

SULTAN

E t l e s C o m p l o t s

On a parlé, ces jours derniers, de la maladie du Sultan et de la découverte de certains complots. Sa maladie, qu’est- ce que ça peut nous faire? N’est-il pas, comme tout mortel, sujet à des indispositions passagères? Ce qui nous importe, ce qui peut nous inquiéter, c’est son état mental. Nous savons que depuis de longues années il est atteint du délire de la persécution et de mégalomanie. C’est un hiponcondria- que dangereux qu’on aurait, depuis longtemps, enfermé et attaché, si, pour le malheur du genre humain, il n’était un Sultan. Il y a eu d’autres fous dans la branche de la famille, dont descend directement Abdul-Hamid. Sa maladie est donc héréditaire et partant incurable. Les étrangers auto­ risés à l'aborder restent si peu de temps en audience qu’ils ne peuvent guère se rendre compte de son état d’esprit ; du reste,c’est toujours par l’intermédiaire d’un drogman que j les entretiens sont échangés.

Dans l’entourage du Souverain on fait tout pour cacher au peuple comme aux étrangers cet état de choses. Des sommes folles sont distribuées à cet effet. Car, d’après l’islamisme, un Kalife doit être sain de corps et d’esprit, visible et apte, en un mot, à réunir toutes les conditions qu’exige le Kalifat. Or, comme il ne possède aucune de ces conditions, la loi elle-même veut qu’il soit déposé. Mais qui osera se charger de mettre à exécution ce précepte fondamental de l’Islam ?

Nous n’avons plus, hélas ! les Ulémas, ce pouvoir spirituel qui veillait si bien à l’application des lois : le despotisme et la corruption les ont dévorés tous.Le Palais n’est peuplé que de gens sans conscience ni honnêteté, et dont le principal intérêt est de couvrir un fou, qui leur permet si bien d’ex­ ploiter le peuple sous son égide. Une clique formée d’étran­ gers, d’hommes de finances aussi peu probes que les fonc­ tionnaires du Palais, s’entend avec ces derniers pour cacher anx investigations du public leurs machinations éhontées et étouffer la voix des patriotes et des hommes de cœur dispo­ sés à prendre contre eux la défense des droits lésés et sacrés des opprimés.

Les complots dont on parle de temps à autre ne sont sou­ vent que de pures inventions de cesgens-là. Connaissant le côté faible et maladif du Sultan ils cherchent à l’exploiter dans le but d’en tirer parti ou de s’en servir pour se venger des honnêtes gens qui les gênent dans la réalisation de leurs plans. Nous avons connu des consuls et même des ambassa­ deurs qui faisaient publier des brochures et des journaux dans Punique dessein de les dénoncer au Palais et de parta­ ger avec l’auteur les profits qu’ils avaient pu en tirer. Voilà aux mains de quel fou, de quels spoliateurs nous sommes livrés en Turquie ! A . R .

Le bruit court à Constantinople, depuis quelques jours, que des troubles graves auraient surgi dans les Sandjak de Mersina. On va jusqu’à affirmer que des massacres ayant eu lieu dans cette région, deux navires de guerre anglais seraient venus s’embosser en face de cette ville, y auraient même opéré un débarquement.

I out cela est, a la rigueur, possible, mais n’est pas prouvé

Paris. — lmp. Jean Gain ch e, 15, rue de Verneuil.

encore. Ce qui est certain —• le Ministre de l’Intérieur -ne l’ignore nullement — c’est que des troubles graves ont eu lieu dans le Sandjak d’Ourfa. Des Kurdes, incorporés dans un régiment Hamidieh quelconque, ont voulu se loger chez les Turcs et se faire héberger par eux. Ceux-ci s’y sont refusés, déclarant qu’ils n’avaient pas à faire vivre les Bachi- Bozouks. Les Kurdes ont riposté qu’ils faisaient partie de l’armée régulière et qu’ils formaient même un corps pri­ vilégié. Cette déclaration n’a point convaincu les Turcs qui se sont refusés à toutes les demandes des Kurdes. Ces der­ niers ont alors pillé et tué. On n’est pas fixé sur le nombre des victimes.

On n’a certainement pas oublié la déportation — opérée l’année dernière — de 440 Jeunes-Turcs qui, pris dans les Ecoles militaire, de médecine, dans l’Ecole civile, les Administrations, etc., ont été expédiés qui en Syrie, qui à Tripoli de Barbarie, qui au Hedjaz et surtout en Yemen. Cinq de ces malheureux, internés à Tripoli de Syrie, ont pu s’échapper. Ils se sont procuré un tout petit bateau à voiles et ont pu, non sans danger, gagner Malte, d’où ils vont se rendre en Europe.

Le Sultan est furieux de cet exode et on croit que le Mutssrarifde Tripoli va passer un mauvais quart d’heure.

Maintenant qu’au gré des quatres puissances l’autonomie crétoise est un fait accompli, que les diverses compétitions sont rentrées dans l’ombre — comme au théâtre, les fausses sorties — et qu’un apaisement relatif se produit dans l’île succédant aux crises qu’elle a traversées, nous recueillerons, en dilettante plutôt, les impressions des hommes compétents sur la Crète autonome et sur les personnalités qui en ont assumé le gouvernement. A u fur et à mesure, nous retiendrons ces impressions, nous les mettrons sous les yeux de nos lecteurs : ils verront qu’elles justifient tout ce que nous avons dit à ce sujet. Il nous sera seulement permis de regretter que ces remarques arrivent un peu tard.

M. Lucien Descaves, analysant un ouvrage récemment publié sur la Grèce, fait la réflexion suivante dans l'A urore du 8 courant :

« Le fils du roi de Grèce, le prince Georges, avait, pen­ dant la guerre, le commandement d’une escadre... Telle fut son incapacité que le peuple d’Athènes le rendit légitime­ ment responsable d’une partie de ses malheurs. Quoi qu’il en soit, les puissances européennes, estimant nécessaire la présence en Crète d’un haut commissaire, c’est le prince Georges qui a été par elles désigné. Il ne touchait à Athènes que sa solde de capitaine de frégate, soit 250 francs par mois ; il aura en Crète un traitement annuel de 300,000 francs, garanti par un emprunt, naturellement.

« Hélas ! est-ce en Grèce seulement que les chefs vaincus et responsables de la défaite parviennent quand même aux plus hautes situations, ou s’y maintiennent, grâce à la lâcheté publique ? »

Notre confrère l’A rm énie publie, dans son numéro du i or février, l’entrevue qu’il a eue avec un ancien ambassa­ deur de la République française. Ce dernier lui communi­ quait ses impressions sur M. Constans, et il concluait ainsi : « L ’influence allemande est en ce moment à son apogée sur les rives du Bosphore : eh bien ! en deux mois, Guil­ laume II sera maté par Constans. C ’est tout ce que je puis vous dire aujourd’hui. »

Ce diplomate a l’air bien renseigné !

Le Gérant •• Houillon.

Kişisel Arşivlerde Istanbul Belleği Taha Toros Arşivi

Referanslar

Benzer Belgeler

Ce moment de l'âge de la pierre taillée a p r i s faujourd'hui,une ampleur considérable surtout à cause des nombreux squelettes humains qui y ont été rencontrés et qui

Cette étude a été menée pour analyser les caractéristiques des activités de vocabulaire dans le livre de méthode Le Mag Niveau I, qui s'adresse aux apprenants français, au

Les théories ad mises tendent à devenir dogmatiques dans les sommets académiques, et ce sont des déviants, de Pasteur à Einstein en pas sant par Darwin, et Crick et Watson, les

Les jeunes n’ont souvent pas conscience de la portée qu’ont les réseaux sociaux (ce qu’on appelle le public invisible) et du fait que les informations mises en ligne sont

Des écrivains initient le processus, dès 1926, en créant l’Association des écrivains de langue française (Adelf) ; en 1955, une Communauté des Radios publiques francophones

On peut aussi en observer dans le nord du Québec, lorsque le soleil est en proie à ses plus fortes activités magnétiques, mais c’est plus rare.. Radisson et la Baie James sont les

Pour la première fois, la jeunesse influence directement ses parents non pas de façon superficielle (à travers la mode ou la musique) mais de façon fondamentale (en offrant des clefs

« A review of teaching sentence-level writing skills to students with writings difficulties and learning disabilities », Remedial and Special Education, 34, p. « Teaching