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La masion de;Pierre Loti

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8 Septem bre 1906 L ’ I L L U S T R A T I O N N° 3315 — 159

Façade de la maison de M. Pierre Loti, à Rochefort. Voir, aux pages suivantes, '

les photographies de Vintérieur de la même maison.

L A M A IS O N D E P I E R R E L O T I C’ est dans le coin le plus paisible de la petite ville de Rochefort, à l’ extrémité de la rue Chanzy, proche les remparts d ’ où s’ aperçoivent au loin d’ immenses prairies unies et monotones comme la mer voisine, que s’ élève la maison —• je devrais écrire le palais — de Pierre Loti, l’ auteur des Désenchantées. Que, pourtant, sur la foi de ce mot, les inévitables et trop curieux touristes ne s’ attendent pas à con­ templer quelque grandiose monument, quelque mer­ veille architecturale. Grande serait leur déception. Au contraire de ce qu’ ils croient, la demeure de Pierre Loti est d’ apparence modeste, très modeste même. A vec ses deux humbles étages, ses fenêtres étroites et sa porte basse, on dirait à peine d’ une banale habitation bourgeoise. E t songer que der­ rière cette façade nue et triste, sans ornement et sans style, se cachent tant d ’innombrables trésors, tant d ’ éblouissantes richesses ! Sans doute on pré­ tendra que le prestigieux écrivain a pris plaisir à nous étonner par le plus séduisant des contrastes, par la plus originale des antithèses. Mais on se trom ­ pera. Seuls, l’amour filial poussé jusqu’ à l’ exaltation et le respect des choses très anciennes porté jusqu’ au fétichisme veulent que Loti conserve pieusement, dans une tranquillité de reliques, tout ce que lui ont légué ses ancêtres. A vec religiosité, il a laissé telles qu’ elles étaient les chambres des aïeules et des vieilles tantes, et c’ est, presque entièrement, dans trois maisons encerclant la sienne et acquises l’ une après l’ autre, à grands frais, qu’ il a créé le surpre­ nant musée que nous allons parcourir, le musée le plus beau et le plus original qui se puisse voir.

A droite, en entrant, voici le salon Rouge (les tentures, les tapisseries, les meubles sont de velours rouge et or), véritable galerie de portraits, portraits de la famille Viaud, qui, pour la plupart, ont été peints par une artiste de talent, Mme Bon, la sœur de Pierre Loti. Cependant, entre la cheminée chargée de vases précieux et l’ une des fenêtres s’ ouvrant sur la rue Chanzy, une vaste toile attire mon atten­ tion et suscite ma juste admiration. Je suis en pré­ sence d’ un inestimable chef-d’ œuvre, d ’ un incom­ parable joyau ; j’ ai devant moi, tout simplement, une Vierge à l’ Enfant du Sanzio.

Par une simple portière, je pénètre ensuite dans un salon Louis X V I, aux boiseries claires, aux soieries de couleur tendre, du plus pur style, cela va sans dire. Il est blanc et bleu, ce salon, d’ un joli bleu pâle que rehausse discrètement un mince filet d’ or.

Mais, si riches et si luxueux même qu’ ils soient, ces appartements ne semblent que les antichambres des autres salles.

Au salon Louis X V I attient la salle à manger Louis X I , l’ une des curiosités de la demeure de l’ illustre académicien. E t commence l’ enchante­ ment. Haute comme une nef d’ église, très large,

très longue, doucement éclairée par des verrières aux fines colorations, avec son plafond à poutres et à solives apparentes, avec ses lambris d’ appui que surmontent de superbes tapisseries de haute lice à personnages, avec sa monumentale cheminée où pourrait cuire un bœuf, avec sa tribune réservée aux représentations de mystères ou aux musiciens, avec ses torchères, ses huches, ses coffres et ses bahuts, avec ses dressoirs et sa table encombrés de reliquaires, de chandeliers, d’ aiguières, de hanaps, de gobelets d’ or et d’ argent, elle évoque de façon magistrale le lointain passé, toute l’ époque du moyen âge...

Je suis encore sous le charme quand j’ arrive à la salle chinoise qui fut dernièrement inaugurée par une fastueuse fête. Etonnement des étonnements ! Me voici dans le domaine du fantastique et de l’ ir­ réel, me voici à des milliers de lieues de France, au cœur même de Péking, dans le palais du « Fils du Ciel ». Elle est immense, grandiose et sombre, toute laquée rouge et or, cette salle chinoise que sup­ portent de hautes et robustes colonnes. Rouges sont ces colonnes et rouge aussi la voûte aux cais­ sons multiples où s’ enchevêtre, se hérisse et se con ­ vulse une armée de dragons d’ or, tout un peuple de bêtes, de diables, de monstres grimaçant la haine et la férocité, gueules ouvertes, crocs menaçants, ongles dégainés, yeux sortis des orbites. Et, au cen­ tre de ce lieu de pénombre, s’ érige un trône en laque rouge et or, garni de coussins en lourde soie im pé­ riale jaune d’ or, brochée de nuages, un trône élevé de six marches qu’ encadrent deux sièges plus petits et que, montés sur des hampes, à droite et à gauche, dépassent de plusieurs mètres, deux larges écrans de plumes, emblèmes de la souveraineté. E t au- dessus de ce trône, comme une couronne, tombe de l’ obscurité du plafond un pendentif aux menues sculptures représentant un paysage avec une four­ milière de petits bonshommes, œuvre de patience chinoise ayant coûté des années de travail. En arrière, déployé dans toute sa longueur, servant de fond au tableau, s’ étale un merveilleux paravent à cinq glaces dont le fronton en bois d ’ébène est tel­ lement ajouré, tellement fouillé, que l’ on dirait des dentelles ou plutôt des charmilles de feuillages morts. Sur des coffres, sur des tables, reposent des bibelots sans prix, des potiches anciennes, des cloisonnés, des craquelés; des laques, des vases contenant des bouquets artificiels en agate, en jade, en corail, en lapis, aux pétales de nacre et d’ ivoire. Dans une guérite de verre sont enfermés deux petits souliers qui ont appartenu à l’ impératrice de Chine, deux petits souliers en soie rouge, brodés de papillons et de fleurs, deux petits souliers étonnants et comiques par la hauteur extravagante de leurs talons...

Au rez-de-chaussée encore, une autre surprise m ’ attend : la pagode japonaise. Toute laquée noir, elle est d’ une magnificence sans pareille avec ses ors jaunes, ses ors rouges, ses ors verts, ses ors vifs - ou atténués, discrets ou étincelants, dont la gamme étourdissante de couleurs chante, exulte, rutile et flamboie dans l’ air imprégné de musc et de santal. Sur trois autels, sur des gradins, dans des chaises, dans des trônes d ’ or, brillent, au milieu d’ un pêle- mêle d’ emblèmes religieux, cigognes symboliques et renards sacrés, des Bouddha, des Kwanon, des Benten. Sur l’ un de ces autels est assis, jambes croisées, un dieu de grandeur humaine, un très vieux dieu Àmiddâh, à six bras, cinq yeux, gesticulant, ricanant, féroce.

Par un étroit et mystérieux escalier j’ accède au premier étage. Très facilement? Je n’ oserais l’ avouer. Mon Dieu, que cette maison est donc bizarre ! Elle a une telle quantité de portes, une telle infinité de petits couloirs, de loggias, de retraits, que le visiteur est dérouté et dévoyé. Certes, elle est unique au monde, cette maison, et Loti a bien raison de dire que chez lui on croit toujours jouer à cache-cache.

Enfin, après avoir soulevé un rideau d ’un vieux rose cerise à feuillages d’ or, je suis dans le salon turc,

j

Et c’ est un éblouissement, une aveuglante corus- cation de gemmes et d’ orfèvreries. Au-dessus de ma tête est reconstitué le plafond de l’ Alhambra de Grenade avec ses lourdes grappes de stalactites d’ or qui, s’ emboîtant les unes dans les autres, se recouvrant, se superposant, en masses d’ une com ­ plication extrême, semblent les compartiments d ’ une ruche d’ abeilles. Par terre, des divans bas, des cous­ sins de brocart, des plateaux d’ argent où reposent de longs chibouks de jasmin, de petits meubles à huit pans en marqueterie supportant des narguilhés et de microscopiques tasses à café. Aux murailles, sculptées d’ arabesques et plaquées de vieilles faïences, sont accrochés des amas d’ objets décoratifs fort anciens, des brassées d’ armes admirables.

Je pousse une porte aux treillages de frêne et

m’ apparaît, fraîche et claire, baignée d ’ une douce lumière qui tombe de hauts vitraux colorés à fleurs, la mosquée, la sainte mosquée, la merveille des merveilles de ce palais féerique. Elle est composée de deux parties bien distinctes et d ’inégal niveau ; la première, celle de l’ entrée contenant un jet d’ eau dans une large et superbe vasque de paros, et la deuxième, celle du fond, plus élevée de deux à trois marches, meublée de catafalques. Son plafond, qui provient de la grande mosquée de Damas, est en cèdre du Liban et a plus de trois cents ans d’ exis­ tence. Ses murs, d’ une blancheur de neige, sont, dans le bas, revêtus de grands panneaux de faïences orien­ tales très anciennes. Ses colonnes de pierre tordue ou de marbre poli, chacune de forme différente, s’ ornent de dessins étranges et ses arcades, variées aussi à l’ infini, se découpent en festons, en trèfles et en rosaces. Le sol, dallé de marbre, se cache presque entièrement sous des tapis de R ’ hat aux teintes délicieusement fanées, sous d’ épais tapis de Perse et de Turquie, sur lesquels on ne marche ja­ mais que pieds nus, selon la règle musulmane.Entouré de lampadaires de taille prodigieuse, resplendit le Mihrab, le portique très saint. Près de lui, deux cata­ falques,deux immenses sarcophages coiffés du turban de jadis et drapés de voiles en soie jaune,écarlate,rose, pourpre, jonquille et or, aux chatoiements embrasés et aux reflets métalliques, inquiètent avec leur aspect macabre de cercueils. Plus loin une stèle funéraire, une pierre tombale, se tient debout ainsi qu’ un fan­ tôme blanc. En des cassolettes brûlent des parfums et dans l’ air traîne, grisante, l’ odeur de l’ ambre...

Et je ne suis pas au bout de mes étonnements. Der­ rière la mosquée est une petite chambre aussi pauvre que ses voisines sont opulentes. Enduite de chaux, elle possède pour tout mobilier un lit de camp étroit comme une couchette de bord, une table en bois blanc et des chaises de paille. Ni rideaux, ni tapis. Sur la cheminée, un crucifix et un Bouddha en marbre blanc de Benarès assis au pied du christ. Pour sûr, je me suis fourvoyé en la chambre de quelque serviteur. Mais non ! Cette chambre est la chambre à coucher du commandant Viaud. O la plaisante et déconcertante aventure ! Trouver une cellule de trappiste dans le palais d’ Aladin !

E t successivement j’ admire encore le cabinet de travail du maître, tout bondé de souvenirs, la salle arabe digne d’ un émir, la salle gothique, savante reconstitution de l’ art ogival.

Mais ma tête tourne, mes yeux papillotent, je demande grâce. Heureusement, c’ est fini. J ’ en suis presque satisfait tant la vue de choses si magnifique­ ment diverses amène à la fin lassitude et satiété. Et lorsque, après cette visite inoubliable, je me trouve dans la rue, dans cette rue Chanzy aux maisons quel­ conques, et même plutôt laides, je me demande si je ne sors pas d’ un songe, si je n’ ai pas été le jouet d’ une hallucination.

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160 — N° 3315 L ’ I L L U S T R A T I O N 8 Septem b r e 1906

LA M A ISO N DE P IE R R E LOTI

1. La salle à manger Louis XI. — 2. La pagode japonaise. — 3. Le salon turc. — 4. La salle gothique. Clichés C. Gozzi, reproduction interdite.Voir Varticle à la page précédente.

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