Le réalisme et la liberte

Marmara lletiSimDergisi, Sayr:9, Ocak ,i995

Marmara Journal of Communications, Number:9, January 1995

LE REALISME ET LA LIBERTE

CHEZ

GABRMLLE

ROY

Dr. Hilmi

ALACAKLI

IINIVERSITE

de

MARMARA

Facult6 des Sciences Communicatives

Gabrielle ROY, I'un des meilleurs €crivains canadiens

d'aujourd'hui

et attirant I'attention du lecteur frangais sur

l'existence,

d Qu6bec,

d'une

litt6rature d'

expression frangaise extr6mement

originale,

a exprimd une r€alit€, en m0me temps archaiqueet

dirigee

vers

le futur,

prol€tarienne et conformiste, am€ricaine et pourtant conditionnde par la culnrre frangaise, entierement

particulere

l

ce pays.

Elle

est la seule romancihre canadienne

qui

ait effectivement pu permettre un rapprochement des deux peuples, tant pour les critiques que le grand public.

Le premier roman canadien-frangais,

I'

influence

d'un

Livre, remonte

e

1837.

Ce

qui

suivra,

pendant

cent

ans, sera

principalement 6difiant,

didactique, agriculturiste et patriotique.

L'

analyse psychologique est

I

la fois stimulde et censurde par le rigorisme. Le roman rdaliste est dogmatiquement refusd par

I'Eglise

et

I'

institution litteraire. Les seuls vrais romans r6alistes sont ceux de Grignon (Un Homme et son P6ch6, 1933) et de Ringuet ( Trente Arpents, 1938). Aprds la guerre et

I'

industrialisation trbs rapide, Gabrielle

ROY

et Roger

LEMELN,

rdalistes plus libres, font un amdnagement de

I'

espace et du temps urbains.

L'

entrde de RogeTLEMELIN et de Gabrielle ROY dans da littdrature canadienne correspond d un moment bien prdcis de I' dvo

lution

collective d'une r6alit6 universelle.

Depuis 1938,

Gabrielle

ROY

s' est appliqude A perfectionner son €criture, tr se libdrer

d'un

certain type de litt€rature facile et

I

dtablir de liens s€rieux avec la r€alit€.

On peut distinguer dans la carridre de Gabrielle

ROY

trois grandes 6poques. La premibre p6riode va de Bonheur d' occasion (1945) a Alexandre

Cheneverr (1954) et contient la Petite Poule

d'Eau

(1950) et deux ou

troi

s

nouvelles publifes en L948,Lap6riode suivante regroupe Rue Deschambault (1955), la Montagne Secr0te (1961) et la Route d' Altamont (1966) et

il

faut

joindre

les deux 6crits sur

le

Manitoba, deux nouvelles et

un

texte

de souvenirs. Enfin, d la troisidme et derniere 6poque appafiiennent aux oeuvres publiees aprds 1966,

la

Rividre sans Repos (1970) et Cet Ete

qui

chantait

097D.

La Seconde Guene Mondiale et le ryhme trds rapide de I'urbanisation

viendront

changer

profonddment

I'

anatomie

du

pays.

La

romancidre manitobaine, Gabrielle ROY pouna en temoigner dans Bonheur d'Occasion. Bonheur

d'

Occasion nous apparait avant

tout

comme

un

roman

social,

faisant

I'

inventaire

de toutes les misdres

d'un

quartier pauvre et

d6favoris6.

Tout

le

quartier est

victime

du

chOmage.

Le

malaise

est principalement sur le plan des relations personnelles. C' est

I'

acte d' exister

qui fait

probldme chez Gabrielle

ROY.

Saint-Henri,

lieu

de

la

misdre, du

travail inhumain,

du ch6mage, est en

plus celui

of

la

guerre recrute ses

cadavres. Les grandes questions du

liwe;

pourquoi la guerre, la richesse,

la

pauvret6,

la

souffrance, la vie et lamort? De forme classique, cette oeuvre rdv0le une trds gande sensibilit6 aux Otres et d leurs souffrances, comm une trbs grande prdoccupation de Ia pr6cision des lieux et des atmosphbres.

Gabrielle

ROY

nous montre, seulement, ce que ses yeux ont vu. Cet ouvrage est le portrait rdaliste de la vie men6e par les francophones pauvres de Saint-Henri. Saint-Henri est pour les pauvres, exposd d cette dpoque-Id : la rdalitd

d'ici,

nue, simple et contemporaine. C' est l'extraordinaire liberte

qui

anime cette oeuvre, une droiture, une exactitude de

l'

pvocation. _{Et elle}

_dit:

"

Je cherche encore d

concilier

le

besoin de

libertd dont

nous ne pouvons nous passer avec I' affection qui attache, la tendresse qui retient, les

liens

de

solidaritd

qui

ne

doivent

se d6.faire.

Et

voiltr

notre

vie. " (D

G) Gabrielle ROY, Le

Devoir

18

mai

1974.

Dds 1940, au

Bulletin

des

Agriculteurs

et au Canada,

il

s'agit

des Inquidtudes sociales plutOt progressistes, mais aussi naturellement, d' une esthdtique cr66e s ur

I'

observation r6aliste et la prdoccupation de la v€ritd documentaire.

Bonheur

d'

Occasion est

un

roman de moeurs urbaines, engag6

oi

la critique sociale et la description de la rdalit6 contemporaine ( en I' occurrence de Guene) jouent un rdle principal.

Bonheur d' Occasion proposait au lecteur qu€b€cois de se reconcilier enfrn avec sa propre r6alit6. Le rdalisme de cet ouwage n'est pas un manque de force, mais contrairement un des motifs premiers de sa grandeur.

Tous attendent du salut dans

la

guerre, leur propre

libdration

et

la

transformation

de

leur

existence.

Une

grande

liber

tO

est

accordde aux personnages de Bonheur d' Occasion: libertd et securit6. Dans Bonheur d' Occasion, soupiraient et appelaient dans le secret, la libertd des cerfs et des faons candides aux grands yeux innocents.

La venue et le regard sont des thdmes de la plus grande importance

chez Gabrielle

ROY. Le

regard,

ici,

est une

rdalitd

autonome. Cette autonomie du regard se retrouve perpetuellement.

Ce qui frappe peut€tre le plus, quand on

lit

Bonheur d' Occasion, c' est

I' extraordinaire libert€

qui

anime ce ouvrage.

Si Bonheur d' Occasion a connu et conti nue de connaitre un succbs litt6raire phdnomdnal, c'est que Gabrielle

ROY

a cr€d des personnages qui ont une crddibilitd et qui connaissent u:te certaine misdre dans le monde. C' est une observation d' une vdrit6 6vidente.

Dans Bonheur d' Occasion,

I'homme,

consid6rd dans sa situation

existentielle premidre, est ddja

en

lui-m0me une 6nigme, une r6alitd

imperceptible.

Il

ne parvient pas

I

voir sa v6rit6, tr adapter sa propre identitd.

Ce roman est fermement compos6, franchement

6cril

e distance 6gale de la tradition classique frangaise et du r€alisme populiste.

Il

s'

agit

du rdel palpable et sensible

qui

ddpend des choses et des personnes

qu'

il

a vues, des exp6riences

qu'il

a v6cues, des

milieux qu'il

connait. C' est un r6el qui appuie sur I'expfrience sensible des farts

exfrieurs,

aucunement sur la capacit€

qu'a

I'homme de rdaliser (c' est-tr- dire de rendre r6els tr sa conscience) des etres et des evenements qui n' ont jamais 6tO mis dans I' espace de sa percePtion.

Dans Bonheur d' Occasion,

ilya

une

fiddlite

au

vrai

et d

l'

dquilibre entre les mis6rablesjoies et les ddtresses quotidiennes

des

Qtres. On d 6crit avec une v6rit6 touchante la condition mis6rable du petit peuple de

regard de Jean mais parce qu'

il

se ressentait nettement et irrdm6diablement engagd d sa libert6. On pense que le style quelque peu natualiste de I' auteur,

dont

la

mani0re est

parfois

proche

_{de celle de}

_Zola.

Saint-Henri

nous maintient au bord de la rdalit6 cruelle.

L'

article

du2l

avrll

1946 est surtout une reprise des lettres que Deacon avait regues de la romancid.re A propos de sa jeunesse au Manitoba, de son sdjour en Europe, de ses d6buts dans 1' dcrinre et de la gendse de Bonheur d' Occasion. La conclusion fait remarquer avec une insistance paruculidre et avec une

exfeme

fermet6, la ndcessit6 pour Deacon du r6alisme litt6raire. Qu' est-ce qui, selon Deacon,

plait

au

public

anglophone dans

I'

oeuvre de Gabrielle

ROY

?

(Bonheur d' Occasion).

Le

style frangais qu'

il

compare

toujous

d celui de Flaubert, et semble-t il, le

portrait

rdaliste de la vie men6e par les francophones pauvres de Saint -Henri.

Dans

une

6tude

trds bien

men6e, Frangois

RICARD

souligne

I' importance des ann6es 1947-1950 pendant lesquelles

Gabrielle

ROY

s'

engagea sur un chemin

qui l'

€loignait du roman r6aliste et urbain, pour se

consacrer d ce

qu'il

appelle I'imagination autobiographique. C'est duant ces

mOmes anndes que les relations entre

Gabrielle ROY

et

Williom futhur

DEACON

furent les plus sen€es.

L'

oeuwe de Gabrielle ROY renvoie constamment

l'

image

d'un

Otre

double, tiraill6 entre le besoin d'0tre ici en s6curit6 et

h

en libert6 ici tr I'ombre et la dans la lumibre. Ele cherche toujours Ia rdconciliuion. Ces aller et retour

contituent,

les

circostances

mOme

d'

une libertd

indispensable

l

la

construction de soi et

i

la possession du monde.

Dans Bonheur

d'

Occasiaon,

millieu

ndcessaire

de

r6alit6s

contradictoires

produit

des mouvements

d'

images opposdes et

incite

aux affrontements inattendus.

Le luxe et la pauviret6, le haut et le bas, la force et la faiblesse, la libert6

et

la

et

la

s6questration,

I'

abondance

et

la

misdre, autant

de

forces adversatives dont la passion s' exerce sur Saint-Henri.

La plus souvent figure de libert6, Ie trai n

fr{uente

plus facilement les grands espaces.

A

la

misdre du corps s' ajoute celle de

I'esprit.

cette

vie

explique le d6saccord entre la conscience et lar€alit€ ext6rieure. Plus souvent Ia r€alitd extdrieure dcrase

l'homme.

La

technique de

I'

antithdse trouve chez

Gabrielle ROY

toute efficacit6 dans le

conflit

entre le rOve et Iar6,alit9 obiective.

Les

succds

de la

romancidre

ont indiqud

des p6riodes

dans Ia libdration du roman canadien.

Comme

I'

a

fait Gilles MARCOTTE,que

Bonheurd' Occasion, par exemple, est un roman rEaliste et que la litt€rature canadienne frangaise a

attendu son roman rdaliste

jusqu'

en 1945. Cependant, ce moment de

la

litt6rature qui rappelle quelquefois Zola ou Flaubert est e une grande vitesse, ddpass6 et spdcialement par Gabrielle

ROY

elle-m0me dans ses nouvelles. Le rdalisme, effectivemenet, n'est pas appuy6 seulement sur des descriptions detaillde.s d' objets ou de situations sociales ddcourageantes par lesquelles des

individus malheureux sont 6crasds. Ler€el s' inscrit aussi dans tout un univers

iddologique

qui

affleure

r6gulidrement

I

nos lbvres balbutiantes sous la forme de lieux communs, de st6r6otypes, de clich6s et d' id6es regues.

Dds la fin des ann6es 1950, Gabrielle ROY n'est pas _tout a fait I' auteur rdaliste qui avait laissd son premier roman.

Les personnages de Gabrielle ROY se sentent charg6s d' une mission sociale dont la rdalisation leur permettra de se trouver dans le monde et

peut-Otre mOme

de

parvenir au bonheur. La principale difficultd au bonheur, c' est

la souffrance d' ordre moral ou mat6riel. La paurvivetd et la misbre forment" d' une certaine manidre, le cadre de Bonheur d' Occasion.

Devant

l'

6chec de la jeune gdndration, Gabrielle

ROY

6tait dans I' obligation de chercher une solution.

Il

parait

qu'elle I'

ait cherch6e dans I' 6vasion. Le thdme de l' 6vasion'est fort e la mode en notre vingtidme sidcle. Une accdldration du rythme de I' existence inflige d I'homme une fort dose de tension.

L'

dvasion vient alors Ie d6livrer.

La

femme dans

I'

oeuvre de

la

romancidre est principalement une femme forte. Elle trouve toute la noblesse dans la modernitd et elle joue dans sa

famille

le rOle de m6diatrice.

Gabrielle ROY

exprime une indignation contre I' injustice de la condition f6minine. Elle est arictocratique. Le destin

des personnages fdminins repose sur une sorte de pr6destination. [.e don, inn6 autant imprevisible, reste pour les femmes la cl6 de toute liberation'

les liens de solidarite. Dans toutes ses dvocations, elle insiste sur deux aspects

particuliers de son pays natal: I'

intimite

et I' ouverture.

Gabrielle

ROY

roconte dans un texte de 1956:

"

Mes amis, dans le fond de la voiture, padaient d' art gotirique d' oeuwes admirables que nous ont laissdes les civilisations. J' 6tais songeuse, comme en suspens entre le rdel et quelque d' imagination, du souvenir. "

Marcel CARBOTTE disait: " C'est dans le respect total de la libertd de I' autre qu' on peut vivre entre les gens intelligents. Ce qui me fascinait chez cette femme c' 6tait I' intelligence et la v€rit6. Je n' ai jamais entendu Gabrielle

parler d' 6tranger."

"

Elle

a toujours 6td un 0tre libre.

Elle

est restee

libre.

Cette libert6, Gabrielle ROY

I

a gagn€e duremenl elle emit libre de ses all€es etvenues." (1) Frangois HEBERT, podte, roma ncier et critique, disait sur Gabrielle

ROY:

"

dit-elle lav€rit€,

toute la vdrit€, rien que la v6rit€ ? "

La Petite Poule d'Eau reprdsente uneile dans le nord manitobain.

Loin

de I' agression urbaine de Monu6al,

I'ile

dans un univers mythique du Nord, montre ce petit espace

oI,

dans la tranquillitd de

la

nature, l'homme d6couvre le secret de libert6.

La Petite Poule d' Eau reprdsente pour Gabrielle ROY,une sorte de libdration, le soulagement au moins momentand-des tourments qui

lui

cause I' obligation de donner un autre Bonheur d' Occasion.

L'

auteur de

la

Petite Poule d' Eau donne un

livre

dont

I'

univers, contrairement au Saint-Henri familier de Bonheur d' Occaison, se trouve en

dehors du temps et d' espace.

Gabrielle ROY se devait chercher une solution plus gdn6rale devant

ll.

6chec de la jeune g6ndration: l' €vasion qui vient ddliwer I'homme du poids de I' existence. Ce thbme grandira I' oeuwe: la Petite Poule

d'Eau

avec une nostalgie du grand air et des espaces libres.

Dans la Petite Poule d' Eau, nous reconnaissons les mOmes critdres socio-r6alistes et esthetiques que dans les autres comptes rendus.

L'

auteur de la Petite Poule d' Eau, comme par exprOs, d6jouait toutes 190

les attentes: au lieu

d'un

roman rdaliste d forte teneur sociale. Elle hdsitera

l

vrar

direjusqu'

au

milieu

des ann6es 1950, " canards sauvages. page 9

LA

PETITE POULE

D'EAU

sauvage:

qui

vit

en

libertd

dans

la

nature

(Dictionnaire) un

grand troupeau de moutons y paissait dans la plus parfaite libert6. page 12.

Des sept beaux enfants, sauvages... page 12

On

vit

dans les pays sauvages... page 74

Toutefois, 6tait

libre

vers le

milieu

de son cours . page 74

Sans trop se tremper, on atteignit le cours

libre

de la rividre. page 1 5

(I)

Marcel CARBOTTE,Une Vte avec Gabrielle

ROY.

auprds de ce sauvage compagnon qui se poussa....page 18 dbs qu' elle

6hit

eloignde des siens, les malheurs qui eussent pu les frapper et auxquels la r6alit6, si dure en ce pays.

...page2l"

Aprds la Petite Poule

d'Eau,

elle retourne temporairement au roman r6aliste et commence

i

€crire Alexandre Chenevert, qu'elle publiera en 1954. Dans

Alexandre

Chenevert, ce

citadin

des faubourgs surpeuplds 6prouve dans son corps et dans son

lme

le soulagement qu' accorde la nature or) ceux qui vont le

lui

rdclamer.

Le reportage de Gabrielle

ROY

sur les peuples du Canada

intituld

" Petite

Ukaine"

pr6sente un vdritable tour

d'horizon

des immigrants.

Elle

se

prdoccupait toujours de la rdalitd sociale dans Bonheur d' Occasion et dans Alexandre Chenevert.

Autour du thdme de la repr6sentation littdrake du r6el qui devient la forme finale de la libert6, Rue Deschambault fait apparaitre. Nous y trouvcns d€crite comme une aventure extraordinaire

la libdration

toute

relative

et

passagbre

d'

Eveline, mere

de

famille. Les

mouettes

reviennent

p€riodiquement dans le texte. Rdalit6, elles survolent le

Sainrlaurent

quand les voyageuses arrivent _{au Qudbec.}

Symbole de

libert6,

les oiseaux disparaissent pendant que

le

pdre sdjourne chez

lui.

" La libert6, est-ce que ce ne serait pas derester en un toutpetit espace d' or)

l'

on peut sortir si I' on veut.

" (I)

Gabrielle ROY, tant Bonheur d'Occasion que dans ses autres romans,

en

particulier

Rue Deschambault, dans une langue, remplis de vieux mots

qui,

au

Qu6bec,

ont

gard6

leur

jeunesse

et la vie

quotidienne

de

ses compatrrotes.

Dans Rue Deschambault, on sent chez Gabrielle ROY, le souci de dire juste. Et elle y parvient.

Elle fait

saisir une

infinit6

de nuances, elle touche. Rue Deschambault a

pour

effet,

dans

l'

6volution

personelle de Gabrielle ROY , de confirmer I'espdce

d'ouverfire

ou de libert€ formelle qui peut

I'

accompagner.

Certaines conditions de ce r6cit: ' les Deux Ndgres ont 6t€ prises dans la rdalit6. Gabrielle ROY,par la bouche de Christiane, personnage qui unit

i'

ensemble des nouvelles de Rue Deschambault, met sans en

avoir I' air,

le rdalisme

en

question, du moins

tel

qu'

il

est souvent

compris

dans une perspective ing6nue ou traditionnelle.

(I)

Rue Deschambault

p.

155

Rue

Deschambault

repr6sente

un grand

moment

du

r6alisme authentique qui est le rdalisme critique comme le nomme jan O. Fischer: "

lrs

oeuwes r6alistes s' int6ressent d la nouvelle rCaliste non pas pour la c6l6brer, pour la ddcrire, d' une manidre positiviste, nous en donner en quelque sorte une simple photographie, mais pour en d6voiler les fondements, la connaitre et la juger."

Dans Rue Deschambault, Gabrielle ROY retrouve le rdalisme critique

l

la Flaubert.

Dans Rue Deschambault, le rdalisme est situ€ surtout au niveau de I' iddologie ou du retentissement de celle+i dans les cerveaux. Elle est la source

des prdjugds

les

plus

permanents ceux dont.

I'

humanitd

meurt

quotidiennement d6voree de solitude, de haines et de bCtise.

N'

oublions surtout

pas

les dernidres

lignes

de Rue Deschambault

qui expriment

I' essentiel de ce rdalisme

critique

par la condamnation des pr6jugds et des ster6otypes

qui

grouillent toutes les ldwes qui surgissent. des rides les plus obscures de chaque cerveau. En effet Gabrielle ROY met d nu, d travers ses

personnages,

l'

id6ologie dominant

et

ses

apriori

les

plus

barbares. Rue Descf ambault est d toute une iddologie qui se durcit et qui d€shumanise.

La

Montagne Secrdte, roman

d'

exil

et de sdparation, montre une

r92

atmosphere de tension, d'inquidtude et de douleur extrCme. La g€ographie physique recouwe une gdographie spirituelle secrdte.

L'

artiste se s6pare du monde et de la rdalit6. Quand l' artiste veut reprdsenter le monde,

il

le d6truit d' abord en lui-mOme, annule sa r6alit6 et

le

transforme en pure

hction. La

Montagne Secrdte semble 6chapper e toute localisation pr€cise. Ce roman s'

6carte de

I' inspiration

r6aliste de Bonheur d' Occasion. Les thdmes de la Montag ne Secrdte dtaient ddje annoncds dans bonheur d'Orcasion.

L'

oeuvre de Gabrielle ROY nous incline

I

des explications bien diff6rentes selon qu'on I' abordepar Bonheur d' Occasion ou par Ia Montagne Secrdte.

Dans

le

Bonheur

d'

Occasion

la

montagne

dvoque

une

vision

apocalyptique de

I'

univers.

C'

est une

prise

de conscience de

la

r6alit6

douloureuse de la condition humaine.

Rue Deschambault

et la

Montagne

Secrdte,

malgr6 toutes

leurs divergences, ce sont les deux faces

d'une

mOme r€,alit6. Gabrielle

ROY

a

retenu la meme vision que Proust: " les seuls wais paradis sont les paradis que I' on a perdus."

Avec la

Montagne

Secrdte,

nous quittons

le

monde

des

soucis quotidiens des probldmes sociaux contemporains.

Dans la Montagne Secrbte, la condamnation

d'une

socidtd qui trahit

ses pauvres, prend chez Gabrielle ROY sa forme la plus r€voltde.

L'homme

apparait avant tout privd de sa libert6.

" le reste 6tait sauvagerie. page 8.

LA

MONTAGNE

SECRETE Entre ces berges sauvages. P. 9

C'e0t

etd plutot de d6liwance.

p.

16

Un visage de

vieille

femme sauvagesse fumant la pipe. p. 21

A

l' 6poque

oi

elle commence tr dcrire la condition socio-6conomique

de

la

femme est

loin d'

Otre

favorable. Gabrielle

ROY

se

veut

libre

et ind€pendante. Montrant publiquement sa libertd et son inddpendance, elle

quitte

son pays

et

ses proches

pour

passer deux ann6es en France et en

Angleterre.

Dans

la

Route

d' Altamont, la plaine

est symbole de

libert6

et d aventure. Les collines, par

conre,

sont symbole du loyer mais aussi d' une sdcurite.

La

mdtaphore du paysage chez Gabrielle

ROY

est en

rdalit6

la

metaphore d' une m6taphore.

De la Petite Poule d' Eau

)

la Route d' Altamont" Ie milieu prenant mais pauwe dejoie et d' inddpendance

of

sajeunesse rOveuse s'est retir6e dans une ambition imposante, en reconnaissant et exprimant tout cela, Gabrielle

ROY

a su dlever un v6ritable chant du coeur.

Un des motifs de la grandeur de

la

Route d'

Altamont,

c' est que la rdalitd qu' on est convenu d' appeler ex6rieure y acquiert soudain une densit6 et une dpaisseur intenses.

"

... la rendre peut-Ctre aux songes sauvages du temps or) elle

vivait

dans sa solitude compldte page

II LA

ROUTE

D'ALTAMONT

de la vraie peinture pour les sauvages. page 18'

"

... comme dans une lutte sauvage. page

21LA RIVIERE

SANS REPOS''

Dans ces Enfants de ma

Vie,

on distingue

Nil,

6lbve de

qui

la

voix

ressemble au chant de

I'

alouette des champs. Ce chant soulage

le

coeur humain. Le chant de

i'

alouette est la metaphore de libert6. Le symbole de I' alouette se mue en chant de libert6. Le r6alisme des

peinf.res

de mbres y dialogue, avec le lyrisme nd du pouvoir de I' institutrice toute puissante.

Gabrielle ROY n' est pas _{un 6crivain iddaliste, du moins dans le} sens

banal terme, dans le sens oir

I'esprit

est le fondement du reel. Pour Gabrielle ROY, la r6alit6 est beauccup plus

difficile,

Elle ne peut devenir 6crivain qu' aprds avoir rdsolu ses probldmes d' identit6.

Les extraits de la Ddtresse et I' Enchantemenr

(I):

"

... de

la

littdrature

frangaise,

nos

manuels

ne nous

faisaient connaitre ... mais rien pour ainsi dire deZoIa. Flaubert, Maupassan6 Balzac mOme. Heureusement pour les lettres frangaises

qu'ily

eut tout de mOme d

notre programme d' €tudes le

p6tillant

Alphone Daudet. Je m' 6tais jet6e d

quinze ans sur les Lettres de mon Moulin que

j'

_{ai appris par coeur d'un bout d}

I'autre."

" D1cnte fiddlement une maison telle que sous mes

yeu(,

ou une rue

t94

ou un petit

bistrot

de coin comme

je I'

ai

fait

dans Bonheur d' Occasion, d

present m' ennuierait mortellement. Je

m'y

astreignais, alors, par souci de r6alisme..." (2)

R6f6rence

(I)

Gabrielle

ROY

, la Ddtresse et I' Enchantementp.Tl-72 (2) Gabrielle

ROY,

la D€tresse et I'Enchantement p.112.

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ROY

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En Relisant Bonheur d' Occasion

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ROY

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L

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Une

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avec Gabrielle

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le Devoir

paul-Emile

_{RoY,Gabrielle}

_RoY

ou la

Difficulte

de s' ajuster d la r6alit6

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I'Etre

pattag€ 195

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