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Pierre Loti:Hereique ami des Turcs

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SEPTEMBRE 1950

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P I E R R E L O T I

Héroïque Am i des Turcs

C onférence faite le Vendredi 30 Juin 1950 au Palais de l'Institut de France

par

M onsieur R E C H ÎD S A F F E T A T A B iN E N M embre fondateur de la Société d’H istoire Turque, Président de l’Association Culturelle Turco-Française

Sous la Présidence d’H onneur de: S. E. M onsieur YVO N D ELBO S M inistre de l’Education Nationale. Sous la Présidence E ffectiv e de:

S. E. M onsieur PAU L B A STID M embre de l’Institut Député - A ncien Ministre

Président de l’Association Culturelle Franco-Turque de Paris.

J'estim e qu’il n 'a p p artie n t pas à un Turc d ’entre­ prendre l ’étude litté raire de l’oeuvre im m ortelle de Pierre Loti.

Vous n’attendrez donc pas de moi, de vous p a rle r de ses rom ans, de ses vo y ag e s, de son style prestigieux, pas plus que de ses am ours.

Je me bo rnerai à essa ye r d 'e xp liq u e r, d'après mes souvenirs personnels, pourquoi et comment, au cours de sa vie p érég rinante, Loti s’est p articu liè re ­ ment attach é au x Turcs; comment, et dans quelles circonstances, il a connu ce peuple pour lequel il s'est découvert des affin ité s naturelles et électives; pourquoi il l'a aim é profondém ent et défendu hé­ roïquem ent jusqu’à la mort.

Si, au cours des siècles, les Turcs ont eu plus de détracteurs que d'am is v é ritab le s, ce fut, comme le dit V o lta ire , la conséquence de l ’esprit de fan atism e inculqué au x masses p ar les m ilieux intéressés à le fa ire .

Par contre, les Turcs peuvent se g lo rifie r d 'avo ir g ag né à leur cause les plus nobles Européens de coeur et d'esprit que l'H um anité ait produits.

Les Peuples ont en général les Amis qu’ils méritent.

J ’enten dais, il y a quelques jours, M onsieur M issoffe nous p arle r de Lam artine, le plus grand hom­

me d ’état id é aliste q u 'ait eu la France au 19ème siècle, le précurseur de Pierre Loti en tant que fervent ami des Turcs.

Je me permets de rap p e ler à votre attention sa m agnifique p réface à l’Histoire de la Turquie, q u ’il écrivit à la dem ande du G ra n d V izir Réchid P acha.

Aussi bien au point de vue politique que litté­ ra ire , je ne connais rien de plus éloquent et de plus e xa ct que ces pages enthousiastes, qui reflètent les plus nobles sentim ents q u ’un écrivain de haute classe ait jam ais pu éprouver pour une nation autre que la sienne, en même temps que les vues prophétiques d ’un homme d 'é tat réa liste , qui a v a it suivi les é vé ­ nements politiques depuis N ap o léo n , prévisions qui ont été confirm ées en tous points p ar la suite, comme e lles le sont encore au jo u rd ’hui.

On sait qu'au déclin de sa vie , Lam artine a trouvé ses dernières consolations dans le loyalism e des Turcs.

J ’ai toujours prétendu que de grand poètes — pas nécessairem ent des versificateurs — ont parfo is mieux pénétré le sens profond de l'H istoire que les érudits, et que leurs opinions v alen t quelquefois plus que celles des historiens de c arriè re, tra v a illa n t sur des idées préconçues.

L'intérêt pour les Turcs dans la littérature Fran ­ çaise remonte bien au delà de Lam artine.

Racine pour écrire Bajazet, Montesquieu et V o l­ ta ire pour ne citer que les plus célèbres, avaie n t dû se livrer à des études bien plus poussées qu’on ne l’im agine, sans compter les relations de v o yag e de G a lla n d , de Chardin et de bien d'autres qu'ils avaie n t dû lire avec attention.

Bien que cet intérêt se soit parfo is m anifesté sous la form e de p laisan te s turqueries, au cours des 17ème et 1 Sème siècles, les Français restent à la tête de l'O rien talism e jusqu’après la guerre de Crim ée.

De grands écrivain s, venus passer quelque temps à Istan bul, sans y apporter les préventions rom an­ tiques, tels que Théophile G a u tie r, G é rard de N erval et Edmond A bout, ont laissé du Pays et de ses h a b i­ tants des descriptions lau d atives.

M ais c ’est sur les aile s de Lam artine et de Loti que la Turcophilie raisonnée s'élève en France au rang d'institution intellectu elle.

Dans une conférence que j'eus l'honneur de fa ire à l’ U niversité d'Istanbul en 19 40, à l'occasion du 150èm e a n n ive rsaire de la naissance de Lam artine, j’ai dit tout ce que l’Am itié Franco-Turque devait de fo nd am ental à l'illu stre tribun.

A la célébration du centenaire de Pierre Loti, org anisée récemment dans toute la Turquie, sous les auspices de notre A sso ciatio n, les intellectuels turcs les plus autorisés furent unanim es à tém oigner leur

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reco n naissan te adm iration pour l’immortel auteur du Fantôme d'Orient et des Dernières Visions.

A u tan t que je sach e, Loti au ra it fa it sept séjours en Turquie:

A Izm ir en 1 8 7 0 , A Salo niq u e en 1 8 7 6 ,

A Istanbul en 1 8 8 7 , 1 8 9 0 , 1 8 9 4 , 1905 et 1 9 1 3 . Je n 'a i eu ave c lui des échanges d ’idées et d'im pres­ sions qu’ au cours de ses deux derniers vo yag e s en Turquie et de mes trois visites en France en 1 9 0 6 , 19 13 et 1 9 2 0 . C 'est uniquem ent à ces entretiens directs que je me reporte en pensée, pour déterm iner l ’o rigin e et l ’am pleur de ses sym pathies envers mes com patriotes.

On a confondu à tort l’a ttira n ce sp éciale que lui in sp irait la Turquie, avec son penchant pour l'e x o ­ tisme et pour l'Islam en g é n é ra l. On a voulu aussi découvrir l’o rigin e ou la cause de cet attachem ent dans ses relatio n s sentim entales ave c A ziyad é et les D é sen ch a n tée s...

A mon sens, ces relatio n s ne constituèrent que des épisodes, des prétextes servant de tram e à ses rom ans et . . . quelques souvenirs a g ré ab le s pour ses vie u x an s. Ce n’est p as, parce qu'il eut quelques ren ­ contres avec la b e lle C ircassien ne A z iy a d é en 1 8 7 6 , et, trente ans a p rè s, avec les trois charm antes d ésen ­ chantées, d'éducation plutôt o ccid en tale , qu’il s’éprit de la race turque . . . .

On a dit de Loti qu’il ne lisa it p as, comme si on a v a it toujours besoin de se docum enter et de prendre absolum ent des notes, pour acq uérir des co n n ais­ sances sérieuses et se fa ire des convictions sur un sujet donné.

Je n ’o ub lierai jam ais, avec quelle ardente fe r ­ veu r, q u elle sorte d ’e xta se , Loti écoutait les e x p lic a ­ tions que Kétchédji Z a d é Réchad Fouad Bey lui don­ n ait sur la célèbre co nfrérie des Mevlévis, les Dervi­ ches-tourneurs, dont les conceptions philosophiques et panthéistiques firen t aussi, plus ta rd , l'adm iration enthousiaste de M aurice Barrés, qui en p a rle longue­ ment dans ses C a h ie rs. Loti, cet homme à masque d ’inse n sib ilité, eut presque les larm es a u x ye u x, quand je lui traduisis un jour le qu atrain suivant de Chems-i-Tebrizi, le m aître vénéré de Djélaleddine Roûmi de K o n ia :

« O Vous qui cherchez, qui réclam ez Dieu; «N e vous dém enez p as, n’a lle z pas loin; «Dieu est en vous.

« E ffa c e z la poussière du miroir de votre Am e «Vous y ap ercevrez le visag e de la divine B eauté.»

«Voilà, s’écria Loti, la religion pure et simple, ma Religion.»

«Les vo calises surnaturelles des M üezzins, disait- il, assis sous les p lata n e s d ’A tik A li P acha Djam ii, e x ­ priment pour moi l’ infin ie tristesse du néant hum ain, me donnent le vertige des grands ab îm es.»

Ce Fran çais, éle vé dans la lecture de l ’A ncien Testam ent, est porté instinctivem ent vers ce quelque chose d'au stère et d ’im m atériel, inhérent au x lieux de culte Turcs, vers cette m anifestation de Dieu sans contour, sans im age, qui cad re avec les croyan ces et les pratiques de son e n fa n ce , vers ce qui procède de l'harm o nie de la nature sans fio ritu res.

Il distingue l ’islam ism e nordique Turc de l ’is la ­ misme sémitique A ra b e , aussi bien dans leur id é o lo ­ gie religieuse que dans leurs m anifestations d 'a rt.

La sobre et splendide ornem entation intérieure des mosquées, em pruntée à des lignes qui se croisent et s’enchevêtrent à l'in fin i, la délicieuse harm onie des nuances qui sem bleraient opposées, affecte n t je ne sais quoi d ’ab strait qui le porte à oublier les choses d ’ici-b as, à entrevoir des ailleu rs ap aisés et définitifs o ù l ’on ne so uffrira plus.

Je ne co nnais, pour ma p art, rien de plus beau et de plus profond que la m erveilleuse description de la M osquée de Tchélébi-M ehm ed à Bursa (B ro u s s e ):

. . . .« T o u te noyée de verdure, dom inant de sa sainte terrasse l'ab îm e lointain des plain es verd o yan tes, de ses fa ïe n c e s, de ses m arbres, ses a rc e a u x, ses cyprès en fu se a u x , ses p lata n e s centen aires, les musiques d 'e a u x vives de ses jaillissan te s fo n tain e s.»

Henri de Régnier a fa it sur la même Yéch il Dja- mi, des vers non moins ad m irab les.

Loti est un des prem iers artistes européens, qui aient rem arqué la noble et m ystérieuse concordance des proportions qui caracté rise l ’architecture turco- ottom ane dès son a p p aritio n .

Bien a v a n t de fo nd er le su lta n a t, les Turcs d ’O rh an Bey élevèrent, dès le X lllm e siècle, à Iznik (N ic é e ) des édifices qui portent déjà le cachet im­ p é ria l; le bel Imaret de Nilufer-Hatoun montre dans la m erveilleuse perspective de ses arcad es la voie qui m ènera à la m ajestueuse Su leym aniyé d 'Istan b u l.

Loti que l'on a accusé de ne pas bien co nnaître l'histoire des pays qu'il v isita , possédait à tel point ce lle des Turcs que, gravissant un jour ensem ble les pentes de l'O k-M e yd an d ’où Fatîh Mehmet dirig ea la conquête de la C ité p ar e xce lle n ce , et m ontrant les centaines de m inarets qui sem blent des élans de la terre vers le cie l, il me dit:

«Ce sont là les lances que vos chevaliers Touraniens ont plantées sur l’antique Byzance, pour marquer leur définitive possession.»

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La profonde affe ctio n , l'estim e sincère de Loti pour les Turcs procèdent d ’une communion intim e, spontanée de son âm e avec c e lle d ’un peuple d ’é le c­ tion, qui tient une p lace to u t-à-fait distincte dans le monde musulman.

Il fau t donc étudier séparém ent l ’état d ’âm e de Loti et celui de la race Turco-O ttom ane, pour se rendre compte de l ’in é vitab le rapprochem ent, de la mutuelle com préhension qui ne pouvaient manquer de se produire.

En 1 8 7 6 , quand il prend effectivem ent contact avec le peuple Turc, Loti est un jeune o fficie r, d ’édu­ cation protestante, déjà très personnel, peu commu­ n ica tif, sile n cie u x, m ystique, tel qu’il restera toute sa v ie . Il est re lig ieu x, bien que peu croyant et moins pratiquant encore. Il a un id é al d ’équité, de m orale qui dépasse le plan dqs contingences o rd in aires.

D ébarqué à S alo n iq u e , il ne peut s ’em pêcher d ’exam in er l’am biance dans laq u e lle s’exerce l’ inter­ vention o fficie lle qu’il représente. Il a le loisir d ’étu­ dier et de co m parer les q u alités, comme les défauts des races diverses qui peuplent la v ille ; les errem ents, qui aboutiront à la m alheureuse guerre de 1 8 7 7 , où les Turcs montrèrent des prodiges de v a le u r, guerre dont les conséquences seront aussi néfastes pour l’ Europe que pour l ’Em pire O ttom an.

Il se rend compte que les vra is fom entateurs de troubles ne sont pas les Turcs; que les désordres sont plutôt dûs à leur to léran ce qu’à leur despotisme,- que les Turcs ont, au co ntraire, été de tous temps un élém ent d ’ordre et de discipline dans cette M a­ cédoine de peuples, stipendiés p ar les Etats voisins, convoitant leurs territo ires; ce que les C h an celleries nomment des révolutions n atio nales ou séparatistes ne sont, en ré a lité , que les conséquences de leurs propres intrigues.

Il adm ire, p ar contre, cette nation im p ériale, am ateur comme lui de grands espaces, cette nation de m aîtres-nés, de grands seigneurs, où le plus simple villa g e o is, qui a des conquérants dans son asce n ­ d ance, conserve sa dignité trad itio n n e lle . Il éprouve presque de la vénération pour l ’intrépide ténacité de ces m agnifiques so ld ats, qui ne font pas la guerre par am our du métier — comme on le pense à tort — mais p ar esprit de devoir et p ar amour de l’ ind épen­ dance.

Si ce peuple montre p arfo is de la lassitud e, c ’est que ses courses impétueuses à travers le glo be, du Pacifique à l ’A tla n tiq u e , des steppes russes aux déserts sah arien s pendant des m illiers d ’années, créant des civilisatio n s, fo nd an t des empires jusqu’au x Indes et en Ch in e, distribuant des d ynasties, ont pu

le fatig u e r et p arfo is l’épuiser. M ais, aussitôt reposé, il se secoue, se redresse, relève la tête et reprend de plus b e lle son dynam ism e sé cu laire.

Il y a beaucoup de passé, et beaucoup de futur, dans son regard.

Lam artine et Loti, furent les prem iers à avo ir pénétré ce reg ard dans toute sa profondeur. Ce qu’ils y ont ap erçu, leur a permis de jeter une lueur pro ­ phétique sur l’ave n ir et leurs pronostics ont été en­ tièrem ent réalisés.

Dès son séjour à Salo n iq u e , o ù il eut l ’occasion d ’entrer en communion avec cette fo u le , qui a v a it su­ bi et souffert des guerres incessantes, Loti s’était dé­ jà délibérém ent ran g é du côté des Turcs, q u ’il con­ sidéré comme les seuls défenseurs de l’ordre en O rient et de la liberté m éditerranéenne. Sa religion est é c la iré e . Il a pris position pour la v ie , en con­ naissance de cause. Il ne s ’en d é p artira plus.

Son A ziyadé, ses souvenirs, ses Dessins de l ’époque (récem m ent commentés p ar C lau d e Fa rrère ) montrent ce que, de suite, il a aim é en les Turcs.

Il retrouve en eux son propre caractè re , probe, sérieux, co ntem platif, m ystique, v o lo n taire , distant. Ses constatations sont plus encore le fruit de son instinct, de sa divination que de ses études.

Ce que d ’autres voyageurs mettent des années à com prendre ou à ne vou loir pas com prendre, il le devine, le sent spontaném ent. Ses antennes sp iritu e l­ les captent facilem ent les ondes turques. La synthèse se réalise en lui, a van t que la conscience nç‘ fasse l ’a n a ly se de ses observatio ns. Dans ses rapports u l­ térieurs avec tous les m ilieux du p a y s, avec toutes les classes de la p o pulation , il rece vra , au fur et à me­ sure, la confirm ation de ses im pressions prem ières. Il est v ra i que son coeur et son esprit le portent à aim er, à estimer tout ce qui dom ine le commun, le v u lg a ire ; à chanter la beauté supérieure des choses. M ais cette disposition native ne suffit point à e x p li­ quer sa prédilection pour les Turcs. Il les aim e, ne cesse-t-il de répéter, pour leurs sentiments c h e v a le ­ resques. Sans é tale r ses connaissances historiques, il co nn aît le passé des Turcs, surtout depuis leur é ta b lis ­ sement en A sie M ineure au X l.èm e siècle.

Il reprenait souvent le récit que fit Lam artine des circonstances dans lesquelles fut fondé l’em pire des O sm anlis.

On sait que, reculant sous la pression m ongole, les Turcs de la tribu d ’Ertogroul, qui avaie n t traversé l’ Eup hrate, rencontrèrent deux arm ées a u x prises. L’intérêt bien compris au ra it dû leur dicter de prendre le parti du plus fo rt, pour en tirer a v a n ta g e .

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Ertogroul résolut, au co ntraire, de secourir le parti d é fa illa n t, celui des Seldjouks de Koniah qui, avec ces renforts, reprit l ’a v a n ta g e , repoussa les M ongols, et, en récom pense de sa noble attitude, acco rda à Ertogroul, en fie f, les M arches o ccid en­ tales de son royaum e.

C 'est sur ce geste de noblesse que repose en effet la fondation de l'Em pire O tto m an. La plupart des Chroniqueurs des C roisad es av a ie n t déjà rendu hommage à l'esprit chevaleresque des Turcs.

Cette conception de la droiture et de l ’équité, ne cessera de présider à la conduite des O ttom ans, à te lle enseigne que des m illiers de sujets byzantins passaien t du côté turc a van t même la conquête d ’ Istanbul . . ., et que Luther, dans une lettre au Land g rave de Hesse, écrira en 1529 que beaucoup d 'h ab itan ts des territoires limitrophes p référaient être assujettis au x Turcs, à cause de la justice et de la to ­ lérance de leur ad m inistration.

Loti n 'ig n o rait rien de tout c e la , pas plus que de la v ersatilité de la politique européenne, qui a vait déjà m aintes fois sa crifié la Turquie au x in satiab les convoitises des Habsbourg et des Rom anof, succes­ seurs des M ongols.

L’H istoire, dont les recommencements ne sont guère retenus p ar les hommes politiques, va donner raison à Loti.

L’ap p licatio n poursuivie des idées de haine mé­ d ié va le , ne laisse pas en 1897 les Turcs profiter de leur victoire et, nonobstant les assurances les plus form elles de respect de leur intégrité te rrito ria le , on leur découpe après chaque d é faite quelques mor­ ceaux de leur chair vive (1 9 1 2 - 1 9 1 9 ) .

Mais chaque morceau arraché eux Turcs devient une plaie purulente et inguérissable qui empoisonne­ ra l’Europe. Celle-ci récoltera en ennuis ce qu’elle aura semé en intriques.

Des politiciens et des publicistes, in ca p ab le s de prévoir le plus proche a ve n ir, ou achetés par les Isvo lsky avec l’argent même que l’on prêtait à la Russie, pensaient toujours ou prétendaient qu’en boutant les Turcs hors d ’Europe, ils servaient la chré­ tienté et les peuples des B alka n s. Si les peuples a v a l­ ent des yeux pour voir, ils s’ap e rcevraien t qu’avec le reflu x de l ’Empire O ttom an, le sens de l ’ordre et de la religion s’est au co ntraire bien am oindri dans ces contrées. La tran q u illité, la p a ix , sont encore loin d ’y être rétablies depuis cent cinquante an s. Le seul ré­ sultat de cette politique de g rib ou ille fut de rap p ro ­ cher d ’Istanbul les brandons d ’incendie.

Loti a v a it prévu tout ce qui est arrivé , dès 1 8 7 7 , comme Lam artine le clam ait et l’écrivait un quart de siècle a van t lui.

Les dangers qu’ils prédirent se sont m alheureuse­ ment réalisés.

Nous entrons ainsi dans la période militante de l’oeuvre de notre grand Ami.

En neuf volum es, dans de nom breux articles p a ­ rus en p lein e guerre, nonobstant les conseils de pru­ dence de ses am is, les avertissem ents que Clém enceau lui fit p arven ir p ar le c a n al de Pierre M ortier, les me­ naces, les injures de ses ennem is de tout a c a b it, Loti, tout en accom plissant ses devoirs de Fran çais et d ’O f- fic ie r, met ses com patriotes en g ard e contre les con­ séquences funestes pour la France et sa culture, de l’am oindrissem ent de la puissance turque dans les B alka n s et la M éd iterranée.

Il ad jure l’Europe de ne pas se laisser égarer par les cam pagnes tendancieuses des v ie ille s diplom aties qui av a ie n t l'hab itud e de troubler les e a u x , afin d ’y pécher à leur aise , de ne pas fa c ilite r leur jeu, de juger clairem ent et objectivem ent la situation en O rie n t, de m énager l ’a v e n ir en respectant la justice.

«Les Alliés qu’il faut à la France, écrit-il, sont les Turcs. C ’est par eux que nous tenons les clrfs de la Méditerranée et de sa civilisation.»

Mes Amis M aurice Barrés (m a lg ré certaines autres sym pathies p a rtic u liè re s ), C lau d e Farrère, Pierre Benoît, Léon C h aven o n , Buré, Larrouy, Pierre M ortier, H yacinthe Philouze et quelques autres sont à ses côtés, d ’esprit, de coeur et de plume. Ils luttent avec un courage in é b ran la b le contre les flots de haine déchaînés . . . Traq u é comme Kém aliste à Istan bul, je vins alo rs rejoindre cette p h alan g e hé­ roïque dans votre ad m irab le v ille de Paris, qui a toujours été le berceau et le refuge des idées de justice et de liberté.

Dirigée p ar des hommes qui ignoraient jusqu’au x notions les plus élém entaires de la géo graphie — au point de chercher l ’Arm énie au x confins de la Terre Sainte — la conférence de Sèvres sonne le g la s et signe le meurtre concerté, prém édité de l’ Empire O ttom an.

Au chevet de l’ Empire ag o n isan t, Loti et Farrère continuent quand même le com bat. Le debarquem ent de Sm yrne, ap p uyé par Lloyd G eo rg e , met le comble à l’e xa sp é ratio n des Turcs, qui au raien t peut-être consenti à l ’autonom ie des pays a rab es, mais qui ne sau raien t adm ettre que l ’on étende la main sur leur patrim oine in a lié n a b le .

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vraim ent n atio n a le spontanée qui se soit produite en O rie n t, depuis l ’existence du monde, à la levée en masse de vingt m illions d'hom m es, de femmes et d ’enfants en loques qui, sans aucun secours de l'é tran g e r, sans aucune ressource, presque sans arm es, sans alim ents, dans une poussée désespérée, boutent l'ennem i à la mer.

Par la vo ix de Loti — à laq u e lle il fa u t toujours associer celle de notre grand ami Farrère — ce fo r­ m idable sursaut n atio nal — auquel il n 'y a de pareil dans l'histoire que celui des Français de la Révolu­ tion — commence alors à trouver un écho de plus en plus fa v o ra b le . C ’est avec Fran klin-B o uillo n , a id é des G é n é ra u x Mougin et Sarrou, que G â z i M oustapha K ém al, notre grand lib érate u r, signe le prem ier traité d 'a llia n c e conclu p ar la G ra n d e Assem blée N a ­ tio n ale d 'A n k a ra .

La conférence de Lausanne, à laq u e lle je p a rti­ cipai en q u alité de Secrétaire G é n é ra l au x côtés de M assig li, entérine des décisions de principe plus con­ formes q u 'a u p a ra v a n t à l'équité in tern atio n ale et à la dignité des Turcs.

L’Histoire a v a it donné raison à Loti.

M ais, après la proclam ation de la Constitution, puis de la République, il se trouva des personnes mal inform ées ou mal intentionnées, qui cherchèrent à minimiser le rôle de notre grand A m i; à saper l ’é d i­ fice de notre mutuelle affe ctio n , en fa isa n t accroire que l'auteur d 'A z iy a d é dem eurait partisan du régime despotique et ne pouvait avo ir d ’estime pour les Jeunes Turcs et les Kém alistes qui leur succédèrent.

C ’était mal co nn aître Loti.

Il fa lla it n 'a vo ir pas compris son oeuvre, ni lu ses livres de combat et ses articles de polém ique, pour supposer que ce grand coeur, ce grand esprit, pou­ vait se fig e r dans un passé mort, et se refuser à é vo ­ luer dans le sens du progrès et du relèvem ent de ceux qu'il aim ait.

Sous le règne même du Sultan Ham id, il avait préconisé l'ém ancipation de la femme turque et a p ­ pelé de tous ses voeux la réo rganisatio n du pays, l ’ind épend ance n atio n a le qui en serait la consé­ quence.

Ce que Loti ap p ré cia it chez les Turcs, n'était ni leur costume, ni leur caractère soi-disant exotique, ni le régime ham idien; c'é ta it, selon sa propre e xp re s­ sion, «l’Ame Eternelle, inchangeable d'une race» non pas inerte, ni am orphe; mais sain e, vigoureuse, fiè re , sévère, sobre d 'asp e ct, très peu extério risante à l'encontre des autres m éditerranées, au point de p a ra ître parfo is énigm atique, mais nullem ent

hypo-crite, sincère en tous ses actes, d'un bout à l'au tre de son histoire m illé n aire , religieusem ent fid è le à ses engagem ents, fussent-ils o n é reu x; race q u ’aucune in ­ justice, aucune so uffran ce n’a v a it su a b a ttre ; ca p a b le comme toutes les autres d ’explo sio ns vengeresses, sans jam ais être systém atiquem ent cruelles, et d ’un m agnanim e oubli des o ffenses.

Les Turcs, disait-il, avec le Président Herriot, ont fait les révolutions les plus radicales du monde, avec le moins de victimes possibles.»

Loti ad m irait enfin la m aîtrise de soi, le sang- froid surhumain du G a z i M oustapha K ém al, le seul com m andant suprême que connaisse l'h isto ire , qui sut arrêter, à la juste limite de la p a ix et de la co n flag ra tio n m ondiales, l’élan d'un peuple victo ­ rieux à la poursuite de l'en vahisseur en déroute.

De son côté, A tatü rk ad m irait le co urage du noble O fficie r Français qui ne cessa de défendre la cause Turque, en dépit des contingences politiques qui pouvaient le lui interdire.

La Turquie s’eno rgueillit d 'a v o ir rencontré ses plus v a illa n ts Amis dans la m arine Fran çaise, toujours fid è le au x glorieuses traditio ns du 1 ô.èm e siècle.

Je ne saurais om ettre ici de rendre hommage aux précieuses interventions de l ’A m iral Lacaze à Lausanne, d'évoquer la mémoire de l'A m ira l G uép rat- te, de l’A m iral Dumesnil et de tous les nobles O ffi­ ciers de France qui nous tém oignèrent en maintes circonstances leur in o u b lia b le sym pathie.

M ais il ne fut m alheureusem ent pas donné à Loti, héroïque ami des Turcs autant q u ’illustre écrivain Fran çais, d ’assister au m agnifique couronnem ent de » son ap o sto lat.

Sur le vaste champ de b a ta ille où la justice, la noblesse, l'honnêteté livraient combat à toutes les passions du lucre, de la h aine et du fan atism e , le Héros p ar e xcellence tomba juste au moment de cueuillir le lau rier de la victoire la plus com plète, que l ’on puisse rêver d'obtenir p ar la p aro le et l ’é cri­ tu re ...

Sa vie restera liée pour toujours à l'histo ire co n ­ tem poraine des Turcs, dont il p arta g e a les indicibles souffrances pendant plus d'un dem i-siècle.

Monsieur C lau d e Farrère, qui lui succède dans notre reco nnaissante ad m iratio n, a reçu, avec M ufidé Férid Hanim , ses dernières recom m andations, lesq uel­ les peuvent se résumer en cette phrase la p id a ire q u ’il me répétait souvent:

«La France et la Turquie méritent de s'aimer l'Une l’Autre».

RECHID SAFFET ATABINEN

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