AVRIL 1954
T l - .£ £ * (
yç>\
21
Le Kiosque
Ihlam u r (litté ra le m e n t: les tille u ls) est un des plus anciens et des b e a u x lieu x de prom enade d ’ Istan b u l. A p artir de la fin du X V IIIe siècle, les souverains o tto mans se livra ie n t à des exercices de tir sur les h a u teurs d 'Ih lam u r. Du temps d ’Abdül Hamid 1er, le Silah- tar (g rc n d arm u rier) M ehmet p ach a fit n iveler ce terrain et y fit érig e r une s a lle . Le Tcho u had ar (g ra n d m aître de la g a rd e -ro b e ) Hüseyin A g a , y fit poser des cib le s, en form e d'o b élisq u es. Puis le nom bre de ces cibles comm ença à s'accro ître .
Le prem ier de ces obélisques est celui d ’A bdul- ham id 1er. Les autres qui existent encore sont celui de Selim III, deux de Mahmut II. Une inscription en neuf vers orne celui de Selim III et en indique la date suivant l’ usage de l'ép o q u e.
thlam ur k asn Le K iosque d ’Ihlamour
Selim III fit ici ses exercices de tir. Il y fit ériger en 1 7 9 0 , de nouvelles sa lle s et un grand b assin . La pente qui fa it fa c e , recouverte de tilleu ls sé cu laires et de p la ta n e s, é tait a p p e lé e autrefois H ad ji Hüseyin bag hi ( l a vig ne de H ad ji H ü se yin ).
Durant la prem ière moitié du X IX e siècle, il y a v a it ici une petite v illa et une vig ne. Lors de la construc tion du p a la is de Dolm abahtché Abdülm édjid y fit ériger le château actuel d'Ihlam ur et ses d épendances. On a donné à ce château et à son parc d'Ihlam u r soit le nom de son ancien pro p riétaire, H adji Hüseyin b ag h i, soit encore celui de N üzhetiyé qui lui a v a it été imposé p ar le Sultan M édjid.
Le p a la is d 'Ih lam u r était un des lieux qu 'aim ait le jeune so uverain . Il s'y ren d ait, de temps à au tre, avec tout son harem ; et comme c'était un lieu iso lé , loin de tout reg ard indiscret, les dames po uvaient se prome ner en toute lib erté dans le p arc et autour du bassin.
d'Ihlamur
A v a n t la construction du château actu e l, le Sultan M édjid a reçu le poète Lam artine dans l’ ancienne v illa d ’ Ih lam u r, en 1 8 4 6 -4 7 . Le poète nous a laissé une longue description de cette v isite : Les ca v a lie rs ont mis pied à terre après avo ir traversé les sommets nus qui séparen t Ihlam ur de la v ille . Leur guide les a me nés à trave rs un sentier o m bragé. De là , ils ont dé bouché dans une cla iriè re et se sont trouvés en p ré sence d ’ une construction au toit p la t, q u ad ran g u la ire , dont on ne vo yait qu’ une seule fe n ê tre. Elle ressem b la it a u x modestes maisons de cam pagne du midi de la Fran ce.
Dans le jardin qui fa is a it fa c e à cette construc tion, le poète voit de beaux arbres fruitiers, et de grands tille u ls, qui donnent leur nom à la région. D e van t l ’e sca lie r à trois m arches p a r lequel on accède à la v ille est un petit ¡et d ’eau qui ne s'élè ve guère plus haut que les jasm ins d 'ale n to u r et se déverse avec un doux murmure dans un bassin de m arbre.
Lam artine note que le souverain a une gran de a f fection pour cette résidence cham pêtre. Et tandis que les visiteurs y a rrivaie n t, lui-même se tenait dans un lieu retiré, au beau milieu de la fo rê t. On eut dit la maison d'un p a u v re ...
La v illa se réduisait à une g ran d e pièce unique au x murs peints en gris. Au pied des murs s’étendaient des «m inders» ou so fas bas recouverts de cotonnades blan ches. La gran de fenêtre de la pièce était masquée p ar le la rg e tronc d'un vieu x tille u l.
Le sol était p avé de m osaïques. Au milieu se dres sait un petit jet d 'eau , avec son bassin . La tran q u illité et la p a ix em plissaient cette pièce dépourvue d'orne ment, qui n 'é ta it pleine que du murmure de l’eau et de l'om bre des arb res.
Le sultan lui-même se tenait debout, dans l ’an g le le moins é cla iré de la pièce, comme noyé dans l'om bre. Le pommeau de l'ép é e du souverain ne com por tait aucune incrustation. En p a rla n t, le souverain rou git et fréquem m ent, il joue avec le pommeau de son é p é e ...
A la p lace de cette humble construction où il a v a it reçu le poète, Abdülm édjid fit construire un p a la is, ^ j
style du «kiosque M éd jidiyé» à T o p ka p i, mais en p! s petit. A ce p a la is, très ornementé sur sa fa ç a d e , éri t en fa ce du bassin, dans le ja rd in , on accède p ar un double escalier qui donne dans une grande pièce. À droite et à gauche de ce lle -ci, sont des sa lle s plus petites. A l'éta g e supérieur sont des cham bres desti nées au personnel du p a la is.
n
TOURING ET AUTOMOBILE CLUB DE TURQUIE
Yıldı* Sariyi parkındaki bir havuz
Un bassin dans le pare du Palais de Yildiz
A l'in térieur du p a la is , murs et p lafo n d s sont ornés de dorures et de peintures. Les cham bres et les salles ont des chem inées, surm ontées de m iroirs. Les fa u teuils sont recouverts de soie de H éréké, identique à ce lle des rid e a u x .
En une autre p artie du jard in est encore une construction, plus m odeste, plus sim ple, a y a n t 4 cham bres au rez de chaussée et 4 au prem ier é tag e . Plus en a rriè re sont les logem ents du perso nnel.
Sous le règne d ’A b dü lm édjid et a u x époques u l térieures, on a procédé à Ihlam ur et N ich an tach e à beaucoup d ’e xp ro p riatio n s. Le terrain du p a la is a été étendu. La p lup art de ces exp ro p riatio n s ont eu lieu lors du m ariage du su lta n , en 1 8 5 8 .
Après son avènem ent au trône, M ehmed V Réchad a voulu fa ire revivre certains souvenirs de l'époque de son père, A bd ü lm éd jid . Et il a souvent fa it des pro m enades a u x p a la is des enviro n s. Et l'un des sites qu’aim ait le vieu x so uverain , à l'in sta r de son père, é tait précisém ent le p a la is d ’ Ihlam u r. Son prem ier secrétaire nous a laissé un récit des excursions du sou ve ra in .
«G én é ra le m e n t, après le « sé la m lik » du ven d red i, le souverain a lla it à Ihlam ur et, en été, à la v illa de Balm um djou. C 'e st là qu'il d éjeu nait. Puis ses courti sans lui lisaien t les jo urnaux et lui-même s'assoupissait dans son fa u te u il. Puis il fa is a it ses ablutions et ré citait la prière de l’ après-m idi.
«Vers le soir, il m’ a p p e la it, ave c ou sans le p re mier a id e de cam p, pour une conversation à bâtons
rompus. Si le temps é tait b e au , on fa is a it quelques pas dans le ja rd in . Puis on reve n ait en voitu re. Com me le jardin du p a la is p ro d uisait de très b elles roses, le souverain en fa is a it couper les plus b elles et les rap p o rtait, en don, a u x dam es du harem . M ais il n 'a d mettait pas que l’on co upât deux fleurs au même rosier. Au retour il me d isa it:
— Nous nous sommes bien am usés, n'est-ce p a s ? ...
«C ette vie sim ple et unie lui p a ra issa it un am use m ent...»
Les rois de B u lg a rie et de Serbie ont rendu au p a la is d'Ihlam ur au prince h éritier Yu suf Izzeddin efendi les visites qui leur a v a ie n t été faite s p a r ce dernier, respectivem ent le m ardi 23 mars 19 10 et le dim anche 3 avril 1 9 1 0 . De b rillan te s réceptions ont été données en leur honneur, en ces o ccasions. Un d é tachem ent de troupes ave c fa n fa re reçut les hôtes royaux et le prince h éritier s'é ta it porté à leur re n contre à leur descente de c h e v a l.
A fin octobre 1 3 3 1 , le Sultan Mehmed V Réchad a remis personnellem ent, au ch âte au d 'Ih lam u r, leurs d rap e au x a u x régim ents nouvellem ent form és. A l'o c casion de ces cérém onies, le souverain a v a it à ses côtés le Cheyhülislam et les d ig n itaires de l'em pire.
Ce p a la is , qui est l'un e des oeuvres qui subsistent de l'époque du T a n zim a t, a été am énag é p ar les soins de la M unicipalité d 'Istan b u l en un Musée du T a n zim at.
Holûk Y . ŞEH SÜ V A R O ^ Ü J
Kişisel Arşivlerde İstanbul Belleği Taha Toros Arşivi
