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TOURING ET AUTOMOBILE CLUB DE TURQUIE
Le Théâtre Imperial de Dolmaba§htche
C’est pour la prem ière fois à Ista n b u l, en 1839, q u ’un Ita lie n , du nom de G a e ta n o M ele, a obtenu l'a u to ris a tio n de construire un th é â tre p o u r y m onter des opéras, ainsi que des pièces de to u t genre. Pour réaliser son p ro je t, l ’e n tre p re n e u r ita lie n dut recueil lir des souscriptions; et beaucoup de ces souscripteurs é ta ie n t Turcs.
Un im posant th é â tre dans le g o û t de l'a rch ite ctu re ita lie n n e a été érigé aux environs de G a la ta s a ra y p a r l'a rc h ite c te G iu stin ia n i, d ’o rig in e v é n itie n n e . Dans ce th é â tre , qui a brûlé p a r la suite, on e n g a g e a it p rin cip a le m e n t des tournées françaises de com édie et d ’opérettes. Ce th é â tre jouissait de la p ro te ctio n des ambassadeurs étrangers à Istanbul, ainsi que des mi nistres turcs.
Le second th é â tre célèbre de Beyoglu est le th é â tre de H odja Naum , qui se tro u v a it en fa c e de G a la ta s a ra y , sur l'e m p la ce m e n t actuel du passage C hristaki. Ce th é â tre , é g alem ent d ’architecture ita lienne, a brûlé lors du g ra n d incendie du 24 mai 1870. O n y jo u a it des pièces de to u t genre, en langues étrangères: drames, comédies, opéras, opéras-comiques, opérettes, etc... Des artistes étrangers de renom o n t paru sur la scène de ce th é â tre , et y ont connu une fa v e u r justifiée. C ertains musiciens o n t été entendus à Istanbul a v a n t de l'ê tre à Paris. La célèbre «C a va le ria Rusticana» a été jouée à Istanbul a va n t de l ’être à Paris ( 1 ).
A b d ü lm é d jid , qui é ta it p artisan de la vie e u ro péenne, v o u la it a g ir à la fa ço n d 'un souverain occi d e n ta l; il se re n d a it aux bals des ambassades, fa is a it don n e r des concerts au p a la is et, de temps à autre, se re n d a it en com p a g n ie des princes im p é riau x au th é â tre Naum .
La musique o c cid e n ta le est entrée au palais avec l ’ensemble musical créé sous M ahm ud II et g ro u p a n t les jeunes gens de l ’Enderoun (l'é c o le des p a g e s ). A b d ü lm é d jid renforça con sid é ra b le m e n t la Musique im p é riale au moyen des professeurs de v a le u r q u ’il f it ve n ir d'Europe. Le succès des jeunes artistes de la M usique Im p é ria le a encouragé le Padichah et ses vézirs en ce qui a tr a it à la cré a tio n d ’un th é â tre du p a la is. D 'a ille u rs, des artistes turcs et arm éniens a v a ie n t commencé à p a ra ître sur les diverses scènes d ’Istanbul. O n é vo lu a it ainsi vers la cré a tio n d'un th é â tre n a tio n a l. Le th é â tre p o p u la ire jouissait d 'u n e extrêm e faveur.
A b d ü lm é d jid résolut donc la construction d ’un
th é â tre aux a bords du p a la is de D olm abahtché. Un é d ifice de style em pire, très g râcieux, a été érigé, sur les plans d'un th é â tre ita lie n , fa ce à la lo g e du ré g u la te u r des horloges, de la mosquée V a ld é D jam ii.
Le th é â tre de D o lm a b a h tch é a v a it plus de 30 loges sur trois rangs. Parmi ces loges, il y en a v a it une surm ontée des arm oiries au croissant et à l ’é to ile et d o u b lé e de velours b rilla n t. L’o r a v a it été a b o n dam m ent utilisé aussi dans l ’o rn e m e nta tio n in té rie u re de l'é d ific e . Le th é â tre é ta it de dim ensions à p o u vo ir c o n te n ir 300 spectateurs. Il a été in a u g u ré en 1858 et précisém ent le samedi 3 Djém aziülevvel de l'a n 1275 de l ’Hégire. Ce s o ir-là , le sultan en tête, tous les ministres et les d ig n ita ire s de l'E ta t assistèrent à la représentation. «On a exécuté un très bel o p é ra et les invités o n t été réjouis p a r la b ie n ve illa n ce im p é ria le » disaient les jo u rn a u x, et ils a jo u ta ie n t: «Ce th é â tre est une oeuvre très d é veloppée, comme on en v o it rarem ent de p a re ille s.»
Deux nuits après, A b d ü lm é d jid in v ita à une n o u v e lle représentation du th é â tre du p a la is un certain nom bre d ’entre les am bassadeurs et les chargés d 'a f fa ire s accrédités à Istanbul ( 2 ) . De cette fa ç o n , les échos du nouveau th é â tre créé p a r le Padishah se ré p a n d ire n t aussi dans les cercles étrangers. D’ailleurs «les Turcs qui a v a ie n t été à l ’é tra n g e r reconnaissaient que le th é â tre de D o lm a b a h tch é é ta it de ceux dont on v o it rarem ent les p a re ils en Europe». ( 3 ) .
Q uoique les artistes étrangers d o n n a ie n t aussi des représentations au T héâtre de D olm abahtché, le gros des acteurs y é ta it constitué p a r le personnel recruté au sein de la M usique Im p é ria le . A li Riza bey, qui est un de ceux qui co nnurent bien cette époque, é crit: «Les représentations é ta ie n t données p a r des artistes choisis parm i le corps de la M usique Im p é ria le (M ü - z ik a i Hümayun ) qui a va ie n t été formés p a r des m aîtres étrangers venus d ’ Europe; ils e xécutaient des p a n to mimes, des comédies, des drames, des opéras et autres spectacles. Les d irig e a n ts et les personnalités en vue é ta ie n t invités à ce th é â tre . L’ensem ble d ’o p é ra du th é â tre Naum y d o n n a it aussi des soirées» ( 4 ) .
Cela fit mauvaise impression q u 'a u mom ent de la g ra n d e crise fin a n c iè re traversée p a r le pays, le Sul tan passât son temps au th é â tre . Après l ’avènem ent d ’A b d ü l-A z iz , K ibrisli M ehm ed pacha v o u lu t in tro d u ire certaines réductions un b u d g e t de la C our. Le g ra n d vézir o rd o n n a la fe rm e tu re du th é â tre im p é ria l; une p a rtie des acteurs qui en fo rm a ie n t les cadres o n t été versés à l'a rm é e et une p a rtie licenciés. A insi, cet
Kişisel Arşivlerde Istanbul Belleği Taha Toros Arşivi