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Baudelaire'de Şiir. 1- Baudelaire'i Tanıtma

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I — PRESENTATION DE BAUDELAIRE JEAN CAMBORDE

Professeur de Litterature Française

On ne presente pas Baudelaire: il s’impose. On ose â peine parler de lui; il se chante trop bien lui-meme. On ne juge pas sa poesie: on la subit. Du reste, c’est toujours chose difficile que de parler de poesie. II y faut parfois l’initiation patiemment menag'ee et graduellement con- quise des mysteres eleusiniens. Uya cependant des poetes qui recla- ment traditionnellement le vetement commode, plus ou moins bigarre, du commentaire, tandis que d’autres, au contraire, le rejettent dedaig- neusement, conscients de leur nudite hautaine. Or, nul n’est plus nu que Baudelaire.

II ne reste done qu’â le lire, si l’on se refuse â le commenter. Mais on ne peut guere lire Baudelaire pour les autres: on ne peut l’entendre que de soi. Poete de la mansarde solitaire ou du boudoir secret, jamais poete de salon, il exige le seul â seul. II reclame une voix interieure, - le magnifique titre que Victor Hugo lui a vole! - la voix secrete et â chacun de nous singuliere, qui se fait entendre parfois, lorsque “la chair est triste, helas! et qu’on a lu tous les livres,,. L’in- terpreter pour un public ou pour des lecteurs, c’est un peu le trahir, c’est violer son confessionnal. Poete de la confidence, de la mi-voix, du chuchotement, il lui faudrait un recitant qui ressemblât â la sainte du vitrail de Mallarme, frolant du doigt un luth elusif,

... “Sur le plumage instrumental, Musicienne du silence .. . . „

Nous attacherons-nous â la biographie? Ce şerait lâ nous contre- dire, car nous avons dit â propos d’Alain-Fournier, et nous le repetons avec plus de convietion encore pour Baudelaire, plus on avance dans l’experience de la chose litteraire, plus on se persuade de la vanite de semblables reeherehes. Sous l’oeuvre, il y a une vie, une vie d’homme et rien de plus. Le poete nous livre son oeuvre non pas afin que nous y retrouvions cette vie qui est la sienne, mais afin que nous en usions pour la vie qui est la nötre. II ne s’agit pas de memoires, mais d’un message; il n’est pas question de documents, mais d’un temoignage spirituel. N’en deplaise aux chercheurs toujours un peu sadiques d’his- toires d’alcöves et aux Freudiens impenitents, rien, dans la vie de Ba­ udelaire, ne peut susciter le scandale, rien ne la fait differer d’une vie mediocre, plutöt manquee, tantöt vie de boheme, tantöt vie de dandy,

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-JEAN CAMBORDE 15 une vie de labeur poetique acharne, avec ses alternatives normales de reussites et d’echecs, de joie et de douleur, de reves grandioses et de realites mesquines, - une pauvre vie humaine a laquelle n’ont manque ni l’inimitie ni l’amour, ni le decouragement ni l’admiration, ni la comp- rehension ni l’envie, ni les tracas quotidiens et leur terre â terre fami- lier, - oû la passion fulgurante a passe, pour transfigurer un etre dont il vaut mieux connaître l’image ondoyante et si prestigieuse immorta- lisee par les vers du poMe plutöt que la decevante figüre reelle, - une vie enfin prematurement taraudee par la maladie omnipotente qui devait livrer ce maître du verbe â l’aphasie puis â la mort, - mais une vie, que, telle quelle, il n’a pas voulu livrer en pâture au public, sauf â la transmettre comme une sublime quintessence par le truchement de son alchimie lyrique. Respectons cette pudeur et repetons avec un de ses admirateurs les plus passionnes, Andre Suares: “La vie de Baudelaire est un desert pour l’anecdote. Gloire lui en soit faite dans un siecle de comediens!,,

Trouverons-nous un secours dans l’actualite? 11 est toujours possible de decouvrir un centenaire: 1842 est l’annee oû Baudelaire retourne de son voyage aux Indes. 11 en rapporte des vers, une moisson d’images mouvantes, d’un exotisme plus maritiıne que tropical, et son inquietude. Parmi les images, des silhou ettes entrevues au cours des escales loin- taines: celle de la Belle Dorothee, de la Dame Creole, de la Malaba- raise, qu’il dressera somptueusement devant nous dans ses futurs poe- mes. Et voici que, cette meme annee, dans ce Paris retrouve oû tout se trouve, ses visions s’incarnent dans la personne d’une mulâtresse, Jeanne Duval, qui deviendra sa raison d’etre et sa souffrance, fontaine de delices et son vivant peche, celle qu’il a indissolublement liee a sa poesie meme. C’est â elle que nous devons les plus beaux vers peut - etre de la moderne elegie, si Ton peut appeler elegie cette plainte lucide et desesperee, couleur de nuit et d’horizon marin, qui chante dans toutes les memoires:

“Je t’adore â l’egal de la voûte nocturne, Ö Vase de tristesse, 6 grande Taciturne, Et t’aime d’autant plus, belle, que tu me fuis, Et que tu me parais, ornement de mes nuits, Plus ironiqu ement accumuler les lieues,

Qui separent mes bras des immensites bleues,,.

Mais si l’anniversaire de cette rencontre ne suffit pas â conferer â nötre propos une valeur d’actualite, il importe peu, car le poete dont nous parlons est de ceux qui se recommandent a nötre attention par leur inactualite splendide, de ceux dont on peut parler en tous temps et en tous lieux. Qui sait meme si sa poesie n’est pas mieux â sa place aux temps de la calamite. Grave et puissante, la melodie de son de- sespoir s’accorde aux jours d’epreuves, et je ne suis pas eloigne de

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croire â la vertu pacifiante de ce dictame. Quant â lui, si jamais il fut actuel, il n’a cesse de le paraître que pour devenir immortel: il n’a pas perdu au change. Aujourd’hui que la posterite lui a rendu pleine justice, nous savons, apres çent ans, que son espreance n’etait pas vaine:

“Je te donne ces vers afin que si mon nom, Aborde heureusement aux epoques lointaines, Et fait rever un soir les cervelles humaines, Vaisseau favorise par un grand aquilon, Ta memoire, pareille aux fables incertaines, Fatigue le lecteur ainsi qu’un tympanon, Et, par un fraternel et mystique chaînon,

Reste comme pendue â mes rimes hautaines... „

Cependant, aux profonfeurs myrteuses des champs eiyseens, oû Fontenelle fait dialoguer ses morts, errent des ombres colossales dont on hesite a s’approcher. 1842-1942, que cette rencontre de dates nous serve de pretexte: sous le double signe du voyage et de l’amour, de l’evasion et de la chair, on peut aborder Baudelaire.

Quel est le Baudelaire que nous aborderons? Car il y a plusieurs Baudelaire. Le cadre volontairement restreint de cet article ne nous permettra pas d’admirer l’une des plus belles intelligences critiques de son temps, soit qu’elle s’exerce dans le domaine de la peinture et qu’elle s’aventure avec Delacroix sur les pas de l’imagination “surnaturaliste,, qui est dejâ un surrealisme, soit qu’elle penetre â la süite de Wagner dans le temple de la musique, et qu’elle tente de s’assurer, sur la plaque tournante des correspondances, en compagnie de Weber, Hoffmann et Novalis. Nous ne parlerons pas davantage du genial traducteur d’Edgar Poe, qui sut magnifiquement lui donner en Europe ses lettres de creance, pas davantage de l’auteur des “Poemes en prose,,, lesquels soulevent trop de problemes, mais surtout reussissent le tour de force de s’eloig- ner autant que faire se peut de la prose poetique telle qu’on l’entend ordinairement, faite des phrases nombreuses et harmonieuses a la maniere de Chateaubr iand, pour se rapprocher au contraire du style sec et sans âge de nos classiques, les prosateurs du XVIII eme siecle, et apparaître de la sorte inexplicablement et paradoxalement suggestifs. Nous laisserons enfin de cöte l’auteur corrosif de “Mon coeur mis â nu,„ et de “Fusees,,, et nous tâcherons seulement d’entrevoir le poete des “Fleurs du Mal,,.

Lorsqu’on cherche a l’evoquer, deux images de lui se suscitent d’elles - memes: l’une, celle du dandy de 1842, l’autre, celle du poMe frappe â mort de 1866: l’une, celle d’un jeune Promethee vaticinant, tenant haut sa ferule sacree, l’autre, celle du titan foudroye et vaincu, enchaîne â son Caucase et â son asile, que fouille de son rostre ine- xorable le vautour du mal devorant.

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JEAN CAMBORDE

En 1842, le poete est “un Byron habille par Brummel,,. Dans l’Ile de la Çita, qu’enserrent les bras de la Seine, asile calme des esthMes et des reveurs, â la fois si provinciale et si parisienne, derriere le chevet Notre-Dame, il habite l’hötel Pimodan, mag‘nifique demeure du XVII eme siecle que hantent le souvenir de Lauzun et les ombres amou- reuses de Marie Mancini et Ninon de Lenclos. C’est lâ que tenait ses assises le Club des “Hachichins,, dont Theohile Gautier nous a decrit l’entree, la porte aux ais lugubres et au pene rouille, la cour interieure solennelle et humide, le somptueux escalier Louis XIV dans la large cage re- sonnante, l’air un peu moisi, les peintures sombres, les tentures lourdes. Le choix heureux de cette demeure qui temoigne de cette aristocratie du goût dont Baudelaire ne se departit jamais, repondait en meme temps â une predilection qui lui venait de son enfance pour le passe melancolique et suranne. 11 etait ne dans une vieille bâtisse â tourelles, sise au numero 13 de la rue Hautefeuille: l’hötel d’Alegre, et c’est lâ comme dans la Çite qu’il a pu faire converser son reve avec les vieux murs et les vieux meubles lourds de nostalgie et de souvenirs, qu’il a pu entrouvrir les bahuts ventrus oû sommeillent les billets doux et les medaillons, et qu’il a respire les parfums d’opiat, de bergamotte et de pimprenelle ranimant â la vie du poeme les silhouettes abolies:

“Un gros meuble â tiroirs encombre de bilans, De vers, de billets doux, de proces, de romances, Avec de lourds cheveux roules dans des quittances... Je suis un vieux boudoir plein de roses fanees Oû git tout un fouillis, de modes surannees, Oû les pastels plaintifs et les pâles Boucher Seuls, respirent l’odeur d’un flacon debouche...,,

C’est par des notations semblables que Baudelaire a remplace au tresor des accessoires poetiques le gothique flamboyant des romantiques qui lui-meme succedait â l’arsenal demode de la mythologie pseudo - classique, par les delicats personnages poudres que Watteau dessina et qui vont hanter de leur melancolique passage la poesie française des Fetes Galantes, de Verlaine â Samain et Henri de Regnier.

A l’hötel Pimodan, dans Fappartement exigu du poete, prit place en 1843, entre l’alcove et la cheminee, le portrait peint par Deroy, que l’on pouvait admirer plus tard au Musee de Versailles: portrait dejâ tourmente et pathetique de ce jeune homme de vingt ans, en habit noir et cravate blanche, la main crispee et fremissante, les yeux profonds et incurablement tristes, la chevelure noire et le front demesure, dejâ semblable â lui-meme. Car nous n’avons pas devant nous seulement un poete en puissance; il a dejâ ecrit les plus etonnants poemes de son oeuvre. En 1843, Ernest Prarond a eu connaissance d’au moins seize pieces de vers, dont certaines sont parmi les plus belles qu’il ait ecrites.

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II ne faut pas oublier que dejâ, dans le grenler de Louis Menard ou dans son appartement du Quai de Bethune, avant meme son depart pour les mers lointaines, il a recite, d’une voix flûtee et volontairement detachee, mais etrangement imperieuse et prenante, le celebre et atroce poeme de la Charogne, les Stances â Louchette et “A une mendiante rousse,,. A un moindre degre que Rimbaud, sans doute, Baudelaire se met hors de pair par son genie precoce, et ses premieres oeuvres contiennent dejâ toute la connaissance de l’homme, — est - ce une pres- cience? — dont s’attristera son dedin.

Mais la deuxieme image de Baudelaire, celle qui est le plus connue, transmise par Carjat ou Nadar, si elle est moins seduisante, attire davantage, par les traits burines, les yeux incisifs et qui semblent cruels, la bouche amere, et ce crâne indine oû “l’Angoisse atroce et despotique„ a, maintenant, plante son drapeau noir. Le voilâ, â jamais abattu et desabuse, celui qui va bientöt s’ecrouler dans la cathedrale Saint-Loup de Namur, “cette merveille sinistre et galante,, qu’il comparaît â l’interieur d’un catafalque, paree â souhait pour servir de cadre â la defaillance finale du prince des nevroses. Le voilâ, le sarcasme â la bouche et la douleur courbant sa nuque, qui ressemble comme un frere au vieux saltimbanque des Poemes en prose: “ . , .Un pauvre saltimbanque, voûte, caduc, decrepit... II ne pleurait pas, il ne dansait pas, il ne gesticulait pas, il ne criait pas, il ne chantait aucune chanson, ni gaie, ni lamentable, il n’implorait pas. II etait muet et immobile. II avait renonce, il avait abdique. Sa destinse etait faite. Mais quel regard profond, inoubliable, il promenait sur la foule et les lumieres...,, Le voilâ enfin, titan foudroye de la poesie, qui a senti le fröler l’aile du destin et qui demeure hagard, muet, demantele, demâte comme dans son poeme:

“Vainement ma raison voulait prendre la barre. La tempete en jouant deroutait ses efforts. Et mon âme dansait, dansait, vieille gabarre

. Sans mâts, sur une mer monstrueuse et sans bords...,, Tel est Charles Baudelaire, le poete des Fleurs du Mal.

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